HOMMAGE AU CINEASTE MOUSTAPHA ALASSANE : Le pionnier s'en est allé!
Moustapha Alassane, le pionnier, le maitre du cinéma africain s’est en… allé. Symboliquement et artistiquement. Juste après que se sont éteints les lampions de la 24ème édition du Festival panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO) et au moment où s’ouvre à Agadez, ville mythique du nord-Niger, le 36ème championnat national de lutte traditionnelle, sport-roi au Niger.
Parce que Moustapha Alassane, décédé ce 17 mars 2015, était un des précurseurs du FESPACO, parce qu’il était aussi l’auteur d’une légendaire bande animée intitulée « Kokowa » et dédiée à la lutte au Niger. Très symbolique. Cet homme que j’avais rencontré, au cours de ma « petite » carrière, était un maitre, c’est un artiste, il est certes mort, mais il est….immortel. Autant que ses œuvres continueront à nous rappeler ce qu’il fut.
Quasi octogénaire, Moustapha Alassane s'en va. Sobrement. Comme il a vécu d'ailleurs, malgré une filmographie prolixe. Je garde encore le souvenir de cette dernière rencontre avec l'homme, il y a quelques années. C'était en marge d'un festival en Espagne.
En séjour dans ce pays pour raison professionnelle, j'avais profité pour assister au Festival de Tarifa, en pleine Andalousie. Festival au cours duquel 4 films du cinéaste nigérien ont été projetés à savoir « Toula ou le génie des eaux », « Le retour d'un aventurier », « Kokowa » et « Bon Voyage Sim ». C'était légendaire et merveilleux. Je revois encore ce public multiculturel qui s'émerveillait à la projection des films hors-compétition de Moustapha Alassane.
Le cinéaste venait d'être célébré par ce grand festival dédié aux meilleures productions audiovisuelles d'Afrique. Je garde aussi le souvenir de l'humilité de l'homme, de l'artiste. Ce festival le lui avait du reste « bien rendu » ! Peu de gens savent que Moustapha Alassane était l'auteur du premier film d’animation en Afrique subsaharienne.
Peu de gens savent qu'il y a 53 ans, Moustapha Alassane devenait le père du cinéma d'animation en Afrique avec son film « Aouré ».
Autodidacte, Moustapha Alassane est arrivé au cinéma, selon ses propres mots, « presque par hasard », lorsqu’il s’initia à l’orée des années 1960 aux dessins animés sous la direction de Norman Mc Laren, un des responsables de l’Office Canadien du film.
D’abord illustrateur au Musée national du Niger entre 1959 et 1962, ce natif de Zougou (Bénin) a dessiné pendant cette période le studio abritant les costumes du Niger ainsi que les armoiries, les sceaux et les décorations des uniformes nigériens.
Mais c’est grâce à l’ethnologue français et précurseur du film documentaire, Jean Rouch, que l’artiste commence à troquer son pinceau pour la camera, se familiarisant ainsi aux techniques cinématographiques à une époque où le 7ème art était peu connu des masses africaines.
« Le cinéma africain a démarré au Niger » affirmait Moustapha Alassane, qui a reçu dès 1962 avec son film « Aouré » la médaille de bronze au Festival du cinéma d'amateur de Cannes avant d’être primé au Festival de Saint-Cast en 1963.
La même année, il confirme son talent dans le cinéma d’animation en réalisant « La mort de Gandji », récipiendaire du grand prix du court métrage, puis « L’antilope d’argent » présenté au festival des arts nègres de Dakar en 1966.
En 1973, le cinéaste lance « Toula ou le génie des Eaux », un film sur l'histoire d'une sécheresse dans le Sahel et dans lequel jouait pour la première fois feu Sotigui Kouyaté, une des grandes figures du cinéma africain.
Moustapha Alassane, qui s’est retranché depuis quelques années à Tahoua où il gère un studio de fortune, a livré au public « Taguimba », un film en animation consacrée à la cantatrice nigérienne du même nom, et grande voix de la musique de possession.
Je garde encore le souvenir d'un homme affable, courtois, humble et d'un agréable commerce. Je garde toujours l'image d'un homme gai, au sourire célèbre et à la prévenance sans mesure. Repose en paix l’artiste !
Djibril Saidou
Ancien Journaliste Dakar-Sénégal
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Commentaires
Alh
Amen