L'école: une responsabilité collective
Cet article m'a été inspiré après mûre réflexion, suite à une longue causerie que j'ai eue avec des étudiants puis après avoir suivi un débat sur Télé Sahel qui portait sur l'emploi. Ce qui avait mis de l'eau à mon moulin parce que le sujet de l'école et de son avenir me taraudait. Le débat portait par ricochet sur l'école d'une manière générale de l'enseignement et de la responsabilité des intellectuels africains dans la construction, la gestion et le développement de nos Etats.
II y a quelques années, j’avais contribué à un colloque sur ce thème à l'Université Cheick Anta Diop à Dakar. A l'unanimité les participants avaient reconnu le rôle important joué par les intellectuels africains dans le combat ayant conduit à la libération puis à la démocratisation de notre continent. Il a également été reconnu et souligné que les intellectuels, cette frange privilégiée mais minoritaire a taillé la robe du pouvoir à sa mesure. C’est également au nom de ce privilège que, cette classe est aussi responsable des dérives de nos systèmes politiques qu'elle a d'ailleurs mis en place par le biais de l'incontournable loi fondamentale c'est à dire la Constitution. Une Constitution avec ses démembrements que sont les innombrables textes qui régissent les diverses institutions de la République. II est aussi vrai que nos indépendances ont abouti grâce à la lutte des peuples et des intellectuels contre la colonisation et sa cohorte de mépris et d'humiliations à travers plusieurs pièges. Laissons de côté nos précurseurs car eux au lieu de bénéficier des fruits des luttes de libération, ont hélas été tout simplement dans leur majorité les victimes qui ont payé très cher leur engagement pour la rupture avec l'occupant .
Nous leur rendons d'ailleurs un hommage particulier pour cette noble, citoyenne et courageuse action. Cette réflexion portera sur la conduite et le comportement de l'homme politique intellectuel ou de l'intellectuel politique .En effet, nous avons longuement observé le comportement du citoyen selon qu'il se place sur le terrain intellectuel ou politique. Je crois qu'après avoir expérimenté toutes sortes² de régimes et de pouvoirs politiques, notre pays a, mal depuis la Conférence Nationale maîtriser parfois avec difficultés, les démons de l'instabilité qui nous avait habités à un moment de notre vie politique. Cela est à l'actif du brave peuple nigérien qui a mûri à forces d'épreuves politiques en tous genres mais aussi à la faveur des dirigeants qu'il s'est librement choisi à travers des suffrages compétitifs, transparents, libres et démocratiques. Encore, aujourd’hui notre pays est entrain de gravir une à une les délicates marches de la politique grâce à son savoir faire et au génie créateur de sages nigériens et au bon sens des citoyens patriotes. En effet, notre peuple a su alterner et combiner modernisme et tradition là où quelques années antérieures encore des intelligences n'avaient pas su freiner ni éviter des erreurs qui nous ont conduits dans le mur.
Nous, nous interpellons encore une fois de plus pour que ce régime venu au pouvoir au nom d'une difficile alternance, aille au bout de son mandat afin que nous nous tournions à nouveau vers des nouvelles consultations électorales en 2016. Notre pays en reposant sur les piliers de la démocratie c'est à dire: un Président assisté d'une dynamique et cohérente équipe d'un côté avec sa Majorité, un peuple souverain arbitre et une opposition légitime qui assume son cahier de charges de l'autre, trouvera sa marque à ses pieds. Mais un Parlement comme le nôtre qui a su en dépit de tout, sur le plan institutionnel jouer pleinement son rôle dans un climat de diverses colorations politiques et un pouvoir judiciaire indépendant (un contre pouvoir institutionnel) et enfin une Société civile qui arbitre au lieu de s'aligner ou d'être partisan, voilà le socle d'une gestion exemplaire. Une opposition qui critique un gouvernement encas de dérives, chaque camp jouant sa partition dans l'intérêt suprême du peuple. Des cartes ainsi distribuées, il reste aux intellectuels de tous bords, à prendre leurs responsabilités dans un pays qui a besoin de tous ses fils dans la construction de
s énorme chantier du pays. Ces fils qui détiennent et maîtrisent les connaissances générales ou spécifiques devraient soutenir les élèves et les étudiants dans leur difficile parcours scolaire et universitaire. Pour être explicite, je vais évoquer trois cas.
1) EN TANT QUE CITOYEN
Convenons-en que tous ceux qui ont eu la chance d'acquérir des connaissances et des diplômes au pays ou ailleurs, devraient, en tirer profit en y exerçant leurs fonctions avec patriotisme amour et vocation. C'est pourquoi,, nous pensons que ce savoir, obtenu au prix des sacrifices du peuple à travers des bourses, pécules et salaires, devrait être restitué à l'école et à l'université par des cours , des conférences ou des publications par nos intellectuels en mesure de le faire. Les universitaires qui sont là par la force du destin attendent beaucoup de nous. Cela à juste titre. IIs attendent que nous ayons le courage de franchir le portail des facultés et des amphis pour leur dispenser notre savoir et nos connaissances.
2) EN TANT QU'INTELLECTUEL
L'on a coutume de dire "qu’une plante qu'on arrose pas risque forcément de mourir ".Ce qui est une vérité de la palisse, donc absolue. C’est de reconnaître que tout savoir a besoin d'être entretenu si l'on veut maîtriser sa substance. Sinon, on pourrait l'assimiler à une coquille vide. Car s'il n'est pas entretenu, l’on finit par désapprendre et finalement à ne plus être maître des connaissances qui ont abouti à légitimer ce diplôme de Docteur, d'Ingénieur, d’Architecte ou autre. C’est en pratiquant que l'on finit par intérioriser les connaissances en les mettant
à la disposition du citoyen qui à son tour en fera certainement aussi bon usage.
3) ENFIN TANT QU'HOMME POLITIQUE
En aspirant à gouverner ou à gérer les affaires publiques, l’intellectuel a une responsabilité très lourde dans l'éducation la formation et la sensibilisation des citoyens parmi lequel la jeunesse qui attend beaucoup et tout de nous tous. Cela à raison et à juste titre. Parce que si nous ne le faisons pas, qui viendra le faire à notre place? Personne.
Nous leurs aînés qui avions eu la chance d'étudier certes avec peu de supports didactiques, mais à un moment où nos pays n'étaient pas atteints du virus de décomposition et d'instabilité politiques. Nous avons été très chanceux d'avoir terminé nos études sans arriérés de salaires. Mieux, nous avons retrouvé nos places respectives à la faveur d'une planification nationale rigoureuse, aussitôt nos études ou formations terminées, d' ailleurs avec ou sans diplômes. Naturellement je fais référence aux années fastes postcoloniales qui nous ont offert cette chance.
Pour cela aussi notre devoir nous interpelle parce que ces élèves et ces étudiants qui attendent tout de l'Etat devraient se retourner vers leurs aînés et parents pour réclamer leur dû, élus ou pas élus, au pouvoir ou non. Parce que la responsabilité est collective et nul n'a le droit de s'y soustraire à ce devoir cardinal impérieux. C’est comme la formation politique et citoyenne des militants qui est un devoir sacré qui
incombe à l'Etat et aux formations politiques l Ce qui permettait à chacun d'opérer des choix convaincants pour en finir avec ce bétail électoral. Parce que la responsabilité est collective et nous n'avons pas le droit de croiser les bras en rabâchant que c'est seulement le devoir de l'Etat.
L'Etat c'est vous et moi, mais d'abord le pays et ses populations qui répondent au nom du citoyen lambda .C'est donc une responsabilité collective où aucune nigérienne, aucun nigérien ne devrait se sentir exclu. L'Etat ce sont ces millions de personnes imposables qui s'acquittent de leur devoir civique en payant leurs impôts, taxes et autres et répondent à l'appel de la Nation en accomplissant tous leurs devoirs républicains , en votant et en allant sous les drapeaux aussi et surtout;.L'Etat ce sont ceux à qui le peuple a confié et prêté le pouvoir par le biais des consultations électorales et qui agissent en son nom. L'Etat ce sont ceux qui se prévalent d'être les yeux, les oreilles et les interprètes du peuple souverain Ces sont ces sans voix dont les hommes politiques et les intellectuels s'arrogent le droit d'être leur porte voix. Au nom de ce peuple dont nous ne cessons de solliciter, de réclamer de supplier la caution, la voix, le soutien et l’aval, lorsque nous voulons le gouverner, nous devons sauver l'Ecole et l'Université en leur consacrant quelques heures de cours par semaine, s’il est aussi vrai que nous sommes des intellectuels patriotes.
D’ailleurs Qu'est ce que cela peut coûter au regard d'un sacrifice, un devoir vis à vis de nos enfants? Rien. Mieux cela ne coûte rien également à un fonctionnaire débarqué provisoirement ou un homme politique en fin et pourquoi pas en exercice; de ménager à des élèves et à des étudiants une plage d'enseignants dans son emploi de temps?
Tout le monde y gagnerait. Au lieu de cela, certains consacrent le clair de leur temps à diffamer, à critiquer à dénoncer, à vilipender ou à faire dénoncer ou médire dans des radios ou journaux des pratiques de l'Etat ou de paisibles citoyens souvent à partir de la rumeur. La stratégie consiste d'ailleurs à élaborer ou à échafauder des combinaisons machiavéliques par les états major des formations politiques, dans le but de nuire à autrui. On dédie le clair de son temps à des futilités qui loin de nous engager dans la voix du développement de notre économie, nous en éloigne davantage. Résultat: nous perdons du temps précieux et par ricochet, nous freinons notre propre envol .Tout ceci au profit des comportements dont nous aurions pu et dû nous en débarrasser ou nous en passer C'est bien dommage qu'il arrive à certains citoyens de mettre leurs intelligence et leur force à la disposition du diable au lieu de les placer là où elles peuvent faire œuvre utile.
Cependant, ne nous détrompons pas car quoi qu'il arrive notre pays regorge de beaucoup de compétences d’intelligences , d'hommes et des femmes avertis, capables de relever les défis en y consacrant au moins quelques instants à l'Ecole et à l'Université. C’est déjà arrivé mais cette action doit continuer et se vulgariser au niveau de tout le pays. Parce que nous pouvons nous organiser en une structure pour aider ces jeunes qui ont soif de savoir mais qui en sont privés et pénalisés par notre faute. Nous, prenons une lourde responsabilité face à l'histoire. Par ce que dans tous les pays du monde, l'édification de la Nation ou de l'Etat repose sur tous les fils et toutes les filles des citoyens je veux dire de toutes sensibilités politiques, et confessionnelles confondues Ailleurs, cela a bien fonctionné et pourquoi pas chez nous? Je sais qu'il existe de nombreuses bonnes volontés pour adhérer à cette contribution en nous apportant plus d'éclairage pour donner un coup de fouet à l'enseignement en général. . Notre pays et notre continent demeurent ce que nous avons de meilleur et de plus cher.
Nous n'avons pas le droit de les négliger car même si l'histoire balbutie parfois elle jugera ceux qui veulent s'en servir pour assouvir leurs propres ambitions. Surtout dans nôtre pays où beaucoup de facteurs concourent et reposent sur des valeurs culturelles qui sont : la solidarité, l’hospitalité légendaire, la tolérance, et qui s'édifient autour du cousinage à plaisanterie, sur le brassage, le métissage la religion et qui trouvent leur fondement dans nos modes de vie. Nous sommes une communauté qui possède cette richesse inestimable pour avoir pu concilier tradition et modernisme sans heurter notre conscience nationale ancrée en nous depuis la nuit des temps Une richesse inestimable, ciment de notre Unité Nationale Nous nous devons dans l'intérêt commun, continuer à la sauvegarder.
Abdoulaye HASSANE DIALLO Dr en sciences politiques;
Spécialistes des questions africaines,
Journaliste; Auteur et conférencier.