Lettre ouverte à M. Marou Amadou, ministre de la justice du Niger, garde des sceaux et porte-parole du gouvernement
Mon cher Marou Amadou,Le destin a voulu que nos voies se croisent à un moment donné de la vie, et nous n’avons pas hésité de tirer grand avantage de ce rapprochement pour discuter des problèmes inhérents au Niger, au Cameroun et à l’Afrique. C’est pour attirer ton attention sur un certain nombre de faits, toi, ancien compagnon, que je t’écris.Certains de mes camarades du syndicat estudiantin camerounais d’alors et moi vivant au Togo n’oublions pas les fois que nous nous retrouvions, à vos résidences ou au Bar Kouassa Kouassa, pour nourrir des réflexions sur des questions diverses ou pour célébrer avec d’autres nationalités le 06 mai, la Journée de l’Etudiant Martyr camerounais.
C’était à Lomé au Togo, à partir de 1995. C’est cette vision de solidarité agissante et nécessaire entre Africains qui nous animait. Toujours, je n’ai pas de doute que l’Afrique ne trouvera sa voie dans ce monde d’hypocrites et de barbares qu’en s’accrochant mordicus à cette idée et en l’exécutant.
Toi et tes camarades de l’Union des Scolaires Nigériens (USN) voyiez votre pays ployer et saigner sous la dictature d’Ibrahim Baré Maïnassara de chez Sylvanus Olympio, tandis que mes camarades et moi, maintenus à l’ écart par la dictature de Yaoundé, ne savions que par ouï-dire du pays d’Um Nyobé.
La vie, il faut le rappeler, a été assez rude pour toi et tes camarades qui vous trouvez aujourd’hui dilués dans différentes organisations ou structures avec des ambitions et buts différents et parfois opposés.
Tu as occupé plusieurs postes de responsabilité au sein de l’USN, de la Société Civile et des organisations des Droits Humains, et as soutenu le processus et les acquis démocratiques au Niger à des moments critiques de ce pays, risquant ta vie et restant au moins trois fois en prison entre 2002 et 2009.
Chaque fois j’ai vu et entendu suinter de tes actes la justice, le brave, le patriote, le préoccupé, l’oblatif et l’honnête des premiers jours que je connus. Je t’écris surtout parce que ton pays se trouve dans une phase cruciale de son histoire et crois que les anciens camarades de l’USN et le peuple nigérien doivent chanter d’une seule voix à l’heure actuelle.
Je t’écris parce que j’estime en ce moment que toi, toi et ton gouvernement, toi et ton peuple, avez plus qu’hier besoin d’encouragements et de fermeté, avez besoin du vrai soutien moral de vos vrais amis, avez besoin qu’il vous soit rappelé votre grandeur et héroïsme d’hier qui doivent pouvoir casser et traverser les murs asservissants d’aujourd’hui pour accoucher un lendemain nigérien enchanteur et meilleur.
Mon cher Marou Amadou,
C’est depuis avril 2011 que tu es fait Ministre de la Justice Garde des Sceaux et Porte-parole du Gouvernement du Niger par le président Mahamadou Issoufou. Ton long passé militant fait de toi une pièce précieuse, lourde et avertie qui tient en main, avec le président Issoufou, le volant du destin du peuple nigérien.
Tu as été longtemps activement derrière. Tu as été de toutes les luttes du peuple nigérien pour l’amélioration de ses conditions de vie. Tu sais très bien ce dont souffre ce peuple. Tu sais que la volonté politique accompagnant celle économique portera ton pays le Niger à des cimes enviables et rapidement.
Tu as été porté sur l’Arbre. Voyant les souffrances de ton peuple, tu as choisi de te mettre sur l’Arbre. Tu as la lourde responsabilité avec ton gouvernement d’en faire tomber les fruits pour ton peuple. Tu dois le faire par tous les moyens. C’est pour cela que tu es là, et qui te dira le contraire ne sera que ton fossoyeur.
Le jour où tu descends de cet arbre, rassure-toi que la famine, la sous-éducation et les questions de santé qui ankylosent et fragilisent tes compatriotes ont reçu des coups de fouet historiques de ta part car, tout comme ton président tu seras entièrement responsable de ce qui est fait, de ce qui n’est pas fait et qui devrait être fait.
Il serait honteux et irresponsable de susurrer le jour que tu te retrouves au pied de cet Arbre que ne s’y trouvaient pas de fruits. Non, mon cher Marou ! Il y en a. Et s’il y en a peu, toi et ton président lui devez en faire porter.
Du moins, le Niger est un Arbre extraordinairement riche et il est l’heure que les Nigériens profitent de ton courage et détermination au gouvernement pour jouir de ses ressources, pour récupérer son dû, pour s’imposer et être les sujets de leur vie, bravant l’appétit infini de certains bandits internationaux.
Mon cher Marou Amadou,
Le Niger ton pays n’est pas un pays pauvre. C’est un pays que l’on appauvrit et veut qu’il reste pauvre. Ces choses-là, tu sais. L’on montre au monde que le Niger n’a rien juste parce qu’il y a à voler que l’on vole et veut toujours voler.
Ces Drones que vous avez laissés entrer au Niger ne sont pas là pour votre protection. Le sort de l’Afrique ne préoccupe pas l’occident. Ce sont les richesses qui sont chez nous qui les motivent et non notre sécurité. L’on ne dépense pas ces milliards et milliards pour notre bien, non ; et tu le sais.
Et parlant de l’insécurité galopante que cet occident veut combattre, d’où vient-elle sinon du même occident à travers des méthodes raffinées et complexes ? La preuve, l’on ne verra pas ces drones dans des régions du monde naturellement pauvres et sans enjeux.
Ne soit pas surpris que ces drones que l’on dit non-armés se trouvent armés aussitôt le lendemain, et que des populations engagées dans des revendications soient taxées de Terroristes et arrosées. C’est le même élan d’occupation et de domination militaires pour des raisons économiques qui anime la France au Cameroun et ailleurs.
C’est pourquoi je pense que les Africains doivent d’abord, en matière de défense, s’équiper de dispositifs de détection et de protection capables de détecter, de frapper et dénicher les outils de l’ennemi qui visent à maintenir le Continent sous le joug néocolonial pour au moins un quart de siècle.
Le Niger est un pays très riche. Le Niger dispose d’assez de ressources pour dépendre de l’aide-vampire étrangère. Il suffit que le peuple nigérien et ses dirigeants revendiquent et obtiennent de leurs chacals économiques mondiaux (la France devant) leur vraie part dans les retombées de l’exploitation de leurs ressources et utilisent celles-ci de façon utile, justice, rationnelle et prioritaire.
Le Niger secoué si souvent par la Bête de la famine peut mettre son génie créateur en marche et évacuer à jamais cette menace permanente en domptant l’eau pour l’agriculture. Le fleuve Niger doit être au peuple nigérien pastoral plus que ce qu’est le Nil à l’Egypte.
Mon cher Marou Amadou,
Ce qui compte le plus pour un combattant assez expérimenté comme toi et les autres camarades nigériens que j’ai connus, ce n’est pas la longévité au pouvoir, mais l’accomplissement courageux de ce qui attend d’être accompli. Toi et ton président, vous êtes une grande opportunité pour le Niger.
Vous devez vous montrer pragmatiques. Des erreurs qui ont été commises (par vous ou par vos prédécesseurs) doivent être rapidement réparées. Et c’est maintenant où le pays est chaudement courtisé par des investisseurs étrangers. C’est maintenant ou jamais.
Il s’agit aussi pour le régime du président Mahamadou Issoufou dont tu fais partie, de profiter du large soutien du peuple du Niger pour laisser des griffes héroïques et indélébiles sur la scène nationale nigérienne.
Mais si les honneurs arrivent avec la peur et la torpeur, toi et tes camarades du pouvoir ne seriez que des politiques comme ceux qu’a connu le pays depuis son indépendance sans substance, vous ne seriez que des comètes ou des créatures passagères dans l’histoire du grand Niger.
Tu es sur l’Arbre et dois bien voir et bien faire pour produire le bon résultat. Évite de descendre de cet arbre demain avant de voir clair. C’est le moment impérieux. C’est aussi avec un œil encore plein optimisme que je couvre ce régime en place à Niamey où tu joues un rôle prépondérant.
Aucun ennemi extérieur ne peut vaincre le peuple nigérien debout comme un seul homme. Tu as cette capacité-là de rassembler ton peuple pour ce travail nécessaire et urgent. Voilà toute la raison d’être de cette lettre. Je ne voulais pas être long.
Léon Tuam,Ecrivain, activiste des Droits Humains et enseignant