Lettre ouverte au Président de la République (Par Djibrilla Mainassara BARE)
Monsieur le Président de la République,
Profitant de ces lendemains de la célébration du 59ème anniversaire de la proclamation de notre République et cette fin de l’année 2017, je prends la responsabilité, en tant que simple citoyen, de vous entretenir de la situation des personnes incarcérées depuis près de deux ans à la suite de ce qui a été appelé « tentative de coup d’Etat » et accessoirement des autres prisonniers politiques.
Vous avez durant votre parcours politique d’opposant usé et abusé des possibilités qu’offre la liberté d’expression inhérente à la démocratie pour dénoncer les abus d’autorité et la mal gouvernance des pouvoirs successifs pour le bien de notre peuple. C’est à présent à votre tour, en tant qu’autorité d’en accepter le principe. Nous autres citoyens, n’avons d’autre choix que de vous interpeller, vous, le gardien de la constitution et président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Ne pourriez-vous pas agir en Grand Homme d’Etat en vous plaçant au-dessus de la mêlée pour abréger les souffrances du Général Souleymane Salou, celles de son fils et ses autres compagnons d’infortune et celles de leurs familles ?
Je suis, comme vous pourriez le deviner, contre l’assassinat politique pour en avoir été une victime, et si j’étais convaincu que ces personnes avaient attenté à votre vie comme vous le prétendez, personne n’aurait rien eu à dire. Puisque je suis de ceux qui pensent que « Ce Fauteuil » tant convoité ne vaut pas la vie d’une créature de DIEU. Des gens d’horizons divers, se sont instruits sur notre terre bénie et de tolérance, se sont exprimés à cœur joie sur tout et tous, souvent de manière outrageuse, au nom de la démocratie sans avoir encouru grand-chose par rapport à leurs outrances. Le tarif minimal leur a été appliqué, ce sont eux aujourd’hui qui veulent mater la moindre expression contraire à leur vision.
Trop de sang a été versé ces sept (7) dernières années, 20 fois plus qu’en 52 ans d’indépendance. Trop d’attentats, trop d’attaques meurtrières qui ont souvent contraint nos Forces de Défense et de Sécurité en infériorité numérique et/ou sous équipés comme l’ont récemment reconnu les ministres en charge de la défense et celui de l’intérieur, à déserter les fronts de combats et qui n’avaient donc pas d’autres choix pour assurer leur survie que de battre en retraite face à l’insuffisance de leur armement contre un ennemi surarmé. L’école et la santé n’ont jamais atteint le fond comme durant ces sept dernières années selon les indicateurs et classements mondiaux d’institutions spécialisées. Et pourtant, les responsables de ces situations, sont en liberté, vaquent à leurs occupations et narguent le peuple. Et que dirions nous, nous qui avions longtemps espéré que vous alliez saisir l’opportunité des recommandations de l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao du 23 octobre 2015 sur « l’Affaire AD Ibrahim Mainassara Baré Contre l’Etat du Niger », pour mener une enquête en vue de démasquer « les auteurs, co-auteurs et complices » de l’assassinat du président Baré ? En lieu et place, nous assistons au déploiement d’un rouleau compresseur pour casser des auteurs d’une prétendue « tentative d’assassinat » sur votre personne pour laquelle la lumière reste attendue. Je me dois de vous rappeler que de son vivant, le président Baré avait été victime de plusieurs tentatives avérées d’assassinat et ou de coup d’Etat dont je ne citerais que quelques-uns :
1– le projet d’« un bain de sang » des proches d’un ancien de la République déjoué en février 1996 ;
2-3 – la tentative de coup d’Etat du 6 novembre 1997 en l’absence du président Baré du fait du 7è Sommet de la Francophonie de Hanoi, et la tentative d’assassinat du 17 Novembre 1997 à l’atterrissage de son avion à Niamey au retour dudit sommet déjoué in extrémis ;
4 – et enfin, la mutinerie de la garde Républicaine de fin mai 1998 pouvant être assimilée à une tentative déguisée de coup d’Etat.
Pour certaines de ces tentatives avérées d’assassinat ou de coup d’Etat, dont les dossiers peuvent être déclassifiés et publiés, les auteurs et leurs complices n’ont pas du tout été inquiétés et même quand c’était le cas, ils ont été jugés dans des délais raisonnables et libérés. Au nom de la paix sociale !
En ce qui concerne les soldats radiés et ou en détention, loin de moi l’intention de faire l’apologie de la désertion des rangs de l’armée, je rappellerai simplement le proverbe italien qui dit que « Le soldat qui s'enfuit du combat est un soldat qui peut resservir » et le Romancier Paul-Jean Hérault dans son œuvre « Criminels de guerre » qui propose que « Le premier devoir d'un soldat est de rester en vie…Pour continuer à combattre ! » Si ces déserteurs devaient payer le lourd tribut, que dire d’un Chef Suprême des armées qui refuse, 6 ans après le déclenchement de la guerre, de se rendre sur zone pour rendre visite aux troupes comme c’est de tradition, et afin de regonfler leur moral. Et que dire de cet autre sous-chef de guerre qui n’a rien trouvé de mieux que de se rendre inopérant en se dopant en pleine guerre, ce qui nous a valu une coûteuse évacuation sanitaire offshore à nos frais, nous autres pauvres contribuables.
Plus d’un politicien au Niger doit sa survie politique grâce à un « « repli tactique » sur Abuja ou dans une chancellerie locale. Sans compter ces princes va-t’en guerre de nos cieux qui vont provoquer les djihadistes par des déclarations tapageuses dans les réunions internationales et qui sitôt rentrés, se terrent avec la moitié des armements les plus sophistiqués du pays à nos frais.
Vous souvenez-vous de cet opposant, fort en thème, qu’une insurrection de l’ex FRDD en janvier 1997 s’apparentant à une atteinte à la sûreté de l’Etat, avait conduit en prison à juste raison, et qui avait bénéficié de la clémence sollicitée auprès du Président Baré, suite à une demande insistante du camarade socialiste, l’Honorable Adrien Houngbedji venu à la rescousse, puisque « le camarade ne supportait pas les rigueurs carcérales (les mêmes qu’aujourd’hui) ? Interrogez le premier ministre ABC puisque nous étions à la manœuvre avec lui pour vous faire libérer. Sous certaines conditions, il est vrai. Mais comme le dit Sénèque « Celui qui a rendu un service doit se taire ; c’est à celui qui l’a reçu de parler. »
Vous souvenez-vous de ces membres de l’opposition qui avaient offert la somme de vingt millions (20.000. 000) de FCFA à un groupe d’individu armés pour attaquer l’usine de la Cominak à Arlit, à la veille des élections législatives du 23 novembre 1996 (cf interview du président BARE dans « Mon ambition pour le Niger » JA Livres avril 1997)? Ou de ces opposants qui organisaient des prières collectives pour qu’il ne pleuve pas au Niger en 1997 et 1998 ? Et de cet opposant connu pour ses turpitudes qui faisait le tour de ses parents dans les casernes pour demander de « liquider Baré » ? Quels châtiments méritaient-ils, d’après vous ?
Je ne pourrais oublier dans cette plaidoirie en faveur de la libération de vos prisonniers de « l’affaire cellule crises alimentaires » et OPVN, les Malla Ari, Idé Kalilou et Bakary Seidou et autres, qui croupissent en prison depuis 2015 pour des raisons non encore élucidées, puisque le lien entre le déclenchement de leur affaire et la disgrâce de leur leader est manifeste, surtout que pour des affaires financières plus récentes et autrement plus scandaleuses, les acteurs n’ont pas été inquiétés…
En tant que musulman croyant, vous n’ignorez pas que le Coran, le Livre Saint que nous partageons, sur lequel vous avez prêté serment avant de prendre vos charges propose : « Dis : O Allah, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui Tu veux, et Tu arraches l’autorité à qui Tu veux ; et Tu donnes la puissance à qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux. Le bien est en Ta main et Tu es Omnipotent ». [Le Coran : Sourate 3, Verset 26] ». C’est dire QU’Allah enseigne que c’est LUI et LUI SEUL qui donne et reprend le pouvoir. Donc n’ayez nulle crainte des hommes et libérez ces innocents !
Il se pourrait qu’à l’égard de ces hommes vous ayez agi sous l’influence de thuriféraires et autres experts en avis et conseils laudatifs dont pourtant l’ancienne Sage et Honorable présidente du Conseil Constitutionnel de Transition, Salifou Fatoumata Bazèye vous mettait en garde à l’occasion de votre investiture du 7 avril 2011 en ces termes : « En effet, c’est dans les rangs des courtisans dont les hôtes de nos palais présidentiels ont coutume de s’entourer que se recrutent les thuriféraires et autres experts en avis et conseils laudatifs. Et ce sont ceux-là qui disent non pas ce qui est ou qui devrait être, mais plutôt ce qui fait plaisir au chef. De telles pratiques sont à bannir, parce qu’elles sont causes de glissements et de dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en matière de bonne gouvernance. »
Pour toutes ces raisons et d’autres, je m’autorise à vous implorer de prendre de la hauteur et faire libérer vos prisonniers politiques, comme hier dans l’opposition vous aviez bénéficié de la clémence de vos prédécesseurs. L’acte ne ferait que vous grandir.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma déférence.
Niamey, le 21 décembre 2017
Djibrilla Mainassara BARE
Ancien Conseiller Spécial du Président BARE
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