Niger : l’ancien président Issoufou opposé à une intervention militaire
Dans une série de messages publiés ce samedi sur X (anciennement Tweeter), l’ancien président Issoufou Mahamadou s’est dit opposé à une intervention militaire extérieure « dont les conséquences humaines et matérielles sont incalculables » et a plaidé pour « une solution négociée », seule alternative pour « un retour rapide à un ordre démocratique stable ». Une position affirmée la semaine dernière par le Comité exécutif national de son parti, le PNDS Tarayya, et qui a été contestée par une aile favorable au président déchu Bazoum Mohamed. Avec cette position affichée par l’ancien chef de l’Etat et figure tutélaire de l’ancien parti au pouvoir, qu’il a dirigé pendant trois décennies, la rupture qui a émergé dernièrement entre « pro-Issoufou » et « pro-Bazoum », risque de s’accentuer davantage.
C’est une sortie médiatique qui va faire couler beaucoup d’encre au Niger ces prochains jours. L’ancien président Issoufou Mahamadou, au pouvoir de 2011 à 2021 avant de passer le relai à son dauphin Bazoum Mohamed, s’est dit opposé à une intervention militaire extérieure comme l’envisage les chefs d’état de la Cédéao pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger suite au coup d’état du CNSP du 26 juillet 2023.
L’ancien chef de l’Etat dont les déclarations sont très rares depuis les évènements du 26 juillet et la chute du régime du PNDS Tarrayya, le parti qu’il a cofondé dans les années 1990 avec Bazoum Mohamed et qui les a portés au pouvoir, a affirmé sur X (anciennement Tweeter), que « seule une solution négociée ouvrira une la voie à un retour rapide à un ordre démocratique stable ». Du reste, a-t-il ajouté, « une telle intervention n’a, nulle part, jamais été facteur de progrès pour aucun peuple. Plus qu’une erreur, y recourir serait une faute ». Et d’espérer que, « les chefs d’Etat de la Cédéao puiseront dans leur immense sagesse pour ne pas commettre une telle faute ».
Entre pro-Issoufou et pro-Bazoum, la rupture désormais consommée
Comme il fallait s’y attendre, cette sortie médiatique a vite déclenchée la polémique et amplifier les tensions qui agitent l’ancien parti au pouvoir et qui se sont exacerbées la semaine dernière.
Dans un courrier adressé le vendredi 15 septembre, aux responsables des différentes structures du PNDS Tarraya, le secrétaire général Kalla Ankourao, qui assurait jusqu’à l’intérim depuis l’interpellation du président Foumakoye Gado, leur a fait part de la décision du Présidium de marquer son opposition à une intervention armée au Niger comme l’envisage les chefs d’Etat de la Cédéao. Toutefois, a ajouté l’ancien ministre et ex vice-président de l’Assemblée nationale, les objectifs initialement définis, notamment « le renforcement du Parti et sa démarcation de toute intervention militaire dans le cadre de la recherche de solutions de sortie de crise », restent maintenus tout comme « la libération du Président Bazoum et de sa famille, séquestrés depuis le 26 juillet, et celles de tous les camarades arrêtés sur l’ensemble du territoire national » qui demeurent aussi les plus grandes préoccupations du parti.
Aussitôt après la diffusion de cette note, un autre communiqué signé cette fois par le vice-président du parti, l’ancien chef de la diplomatie actuellement en exil, a été rendu public pour démentir le premier communiqué. Selon ce second communiqué, « la synthèse biaisée » du premier communiqué publié par le SG du parti, « ne reflète nullement la quintessence des réunions » tenus sur le sujet par la direction de l’ancien parti au pouvoir. « Il n’a jamais été question de remettre en cause des décisions prises par la Cédéao au cours de des Sommets extraordinaires sur la situation qui prévaut au Niger », a indiqué le communiqué dans lequel un appel a été lancé aux militants pour « rester mobilisés derrière le président Bazoum Mohamed pour faire triompher la légalité républicaine et la démocratie », tout en continuant « d’accompagner la communauté nationale et internationale pour le rétablissement du Président de la République dans ses fonctions ».
Ces joutes abondamment commentés et nourris sur les réseaux sociaux a fait apparaitre au grand jour les dissensions internes entre les deux camps qui s’agitent désormais au sein du parti socialiste. D’un côté, les « pro-Bazoum », qui continuent d’espérer un retour au pouvoir du président déchu grâce notamment à une intervention militaire sous l’égide de la Cédéao, qu’ils défendent becs et ongles, et de l’autre côté, les « pro-Issoufou » pour lesquels, le parti doit tirer les conséquences des évènements du 26 juillet et donc faire preuve de plus de réalisme pour envisager l’avenir en tenant compte de la nouvelle situation du pays. A tort ou à raison, les premiers accusent le camp de l’ancien président Issoufou Mahamadou d’avoir une main dans le coup d’état qui a été mené par son homme de main, le général Tchiani, président du CNSP, qui a renversé le régime de Bazoum. Bien qu’il se soit défendu à travers quelques déclarations laconiques, l’ancien président du Niger et du parti pendant presque trois décennies, n’a pas jusque-là clairement condamné la prise du pouvoir par les militaires. Toutefois, avec cette position clairement contre une intervention extérieure, beaucoup trouveront des arguments à ajouter à leurs soupçons sur le véritable joué ou que joue l’ancien Président Issoufou Mahamadou, dans la situation que traverse actuellement le pays. Ce qui est sûr, cette sortie va précipiter la rupture entre les deux ailes du parti qui risque de ne pas s’en sortir indemne après avoir perdu le pouvoir qu’il a assumé pendant presque 13 ans et après une opposition de presque trois décennies.
A. Y. Barma (actuniger.com)