Allocution de Son Excellence monsieur ISSOUFOU MAHAMADOU, Chef de l’Etat, lors du 12eme sommet extraordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA (2)
Excellence Monsieur le Président Abdelfattah Al Sissi, Président de la République Arabe d’Égypte et Président en Exercice de l’Union Africaine,
Majesté,
Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Monsieur Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l’Union Africaine,
Madame Amina Mohamed Secrétaire Générale Adjointe des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Présidents des Communautés Économiques Régionales,
Mesdames et Messieurs les Experts,
Distingués Hôtes, amis et partenaires du Niger et de l’Afrique,
Mesdames et Messieurs,
Le Niger est heureux d’accueillir la présente session extraordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Africaine dédiée au lancement de la phase opérationnelle de la zone de libre-échange continentale Africaine (ZLECAf).
Mon pays, véritable carrefour entre l’Afrique du Nord et l’Afrique au Sud du Sahara d’une part et entre l’Atlantique et la Mer Rouge d’autre part, est honoré de recevoir toute l’Afrique. Cette position géographique privilégiée, du fait des brassages et contacts qu’elle autorise, a fait des nigériens un peuple ouvert, hospitalier et particulièrement attaché aux valeurs du panafricanisme. C’est au nom de ce peuple, enthousiaste, que je souhaite, à tous, la chaleureuse bienvenue, ici, à Niamey.
Mesdames et Messieurs,
Oui, le peuple Nigérien est profondément attaché aux valeurs du panafricanisme, valeurs qui ont été portées par plusieurs générations de panafricanistes depuis celle du « retour à l’Afrique » de Marius Garvey jusqu’à celle de l’Union Africaine, en passant par celle du premier Congrès panafricaniste tenu à Paris en 1919, en marge de la Conférence de la paix de Versailles, celle des différents congrès de Londres et de Manchester, celle des indépendances avec les groupes de Monrovia et de Casablanca dont la fusion a donné naissance à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA).
Oui, le peuple Nigérien est profondément attaché à ces valeurs parce qu’il est convaincu que l’unité africaine est la seule voie qui permettra d’assurer la renaissance, la dignité et le progrès pour chacun de nos pays et pour l’ensemble du continent. Voilà pourquoi le Niger, représenté par son premier Président, le Président Diori Hamani, fut, en 1963, parmi les membres fondateurs de l’Organisations de l’Unité Africaine (OUA). Voilà pourquoi un de ses enfants, Monsieur Idé Oumarou, soutenu par le Général Seyni Kountché, en fut Secrétaire Général de 1985 à 1989.En fin, voilà pourquoi j’ai accepté l’honneur que vous m’avez fait, chers frères chefs d’État et de Gouvernement, d’être champion de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECAf). Ce fut en Janvier 2017 à Addis-Abéba. Or, 2017 était précisément la date retenue par le premier plan décennal de l’agenda 2063 pour aboutir à un accord avec finalisation et lancement en 2018 et appropriation l’accord en 2018-2019. Il fallait donc faire vite. Il fallait accélérer la cadence. C’est ce que nous avons fait avec les experts, le Commissaire au Commerce, les Ministres du Commerce, les Communautés Économiques Régionales, le Président de la Commission de l’Union Africaine et les partenaires auxquels je rends, ici, un hommage mérité.
Quinze mois après ma désignation comme champion, 44 États signèrent, le 21 Mars 2018, à Kigali, l’accord portant sur la libéralisation du commerce des marchandises et des services ainsi que sur le règlement des différends. Aujourd’hui, avec la signature du Nigéria ce matin, 5 3 États sont signataires de cet accord qui est entré en vigueur depuis le 30 Mai après que 24 États l’aient ratifié. Permettez-moi de féliciter le Président Muhamadu Buhari pour l’adhésion de son pays à l’Accord de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECAf). Sans le Nigéria, première puissance économique du Continent, il y’aurait eu un goût d’inachevé dans la conclusion de cet accord.
Mesdames et Messieurs,
L’entrée en vigueur de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine est la plus rapide de toute l’histoire des négociations au sein de notre organisation. Cela prouve, s’il en est besoin, l’intérêt que nos peuples et nos États attachent à l’accroissement des échanges intra-africains. Il en est ainsi parce que nos peuples et nos États en connaissent les avantages. Il en est ainsi parce que la Zone de Libre Échange Continentale Africaine est une forte contribution à sortir des 84 milles kilomètres de frontières héritées de la colonisation. Elle permet d’en sortir non pas en redessinant les frontières actuelles, mais en en sortant par le haut, par l’intégration. En éliminant progressivement les droits de douane sur le commerce intra-africain, elle offre, avec un marché de 1,2 milliards de consommateurs aujourd’hui et 2,5 milliards en 2050, des possibilités commerciales immenses, notamment pour les entreprises africaines.
Mesdames et Messieurs,
Nous devons tout mettre en œuvre pour optimiser les effets positifs de la ZLECAf.
L’optimisation de ces effets positifs ne sera obtenue que si les protocoles déjà signés sur la libéralisation du commerce des marchandises, des services et sur le règlement des différends sont accompagnés d’accords, actuellement en cours de négociation, sur les investissements, sur la concurrence et sur la propriété intellectuelle.
Par ailleurs, les pleins effets de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine, qui n’est qu’un des jalons du processus de notre intégration économique, ne seront obtenus que le jour où l’union douanière (prévue normalement pour 2019), le marché commun africain (qui doit être en place en 2025) et l’union monétaire (prévue pour 2030) seront une réalité. Ils ne seront obtenus que si nous mettons en œuvre la vision, les aspirations et tous les objectifs de l’Agenda 2063.
Notre vision, il n’est pas inutile de le rappeler, telle que nous l’avions définie à l'occasion de la célébration du Jubilé d’or de l'OUA en mai 2013 à Addis-Abéba, est celle d’une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens, et représentant une force dynamique sur la scène internationale ». Cette vision est soutenue par les aspirations des peuples africains à la prospérité fondée sur une croissance inclusive et un développement durable, à l’intégration basé sur les idéaux du panafricanisme et de la renaissance de l’Afrique, à la bonne gouvernance, à l’état de droit, à la démocratie, au respect des droits de l’homme et à la justice, à la paix et à la sécurité, à l’affirmation d’une identité culturelle africaine, à l’autonomisation des femmes et des jeunes et en fin à la place que l’Afrique mérite dans le concert des nations. Comme vous le savez, cette vision et ces aspirations sont traduites en objectifs, domaines prioritaires, cibles et actions à mener à travers des plans décennaux dont le premier est le plan décennal 2013-2023. La Zone de Libre Échange Continentale Africaine, un des domaines prioritaires de ce premier plan, est désormais un acquis obtenu à mi-parcours de son exécution. En plus de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine, ce premier plan décennal a prévu 11 autres projets phares :
Le projet de réseau intégré de trains à grande vitesse ;
Le projet de l’université virtuelle panafricaine ;
La Stratégie africaine des matières premières ;
Le Forum africain annuel ;
Le projet d’espace aérien unique en Afrique ;
Le projet de passeport africain et de libre circulation des personnes ;
Le projet des institutions financières continentales ;
Le projet du barrage du Grand Inga ;
Le projet du réseau virtuel panafricain
Le projet de faire taire les armes d’ici à 2020 ;
Le projet relatif à l’espace.
Comme on le constate, les infrastructures occupent une place de choix sur la liste de ces projets phares conformément aux objectifs du plan du développement des infrastructures en Afrique (PIDA). Sans infrastructures routières, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires, énergétiques et de télécommunication, la Zone de Libre Échange Continentale Africaine serait une coquille vide. Il en est de même si nous ne mettons pas en œuvre le plan du développement industriel de l’Afrique, car pour l’instant l’Afrique est pauvre de ses matières premières et elle n’en sera riche que le jour où elle sera capable de les transformer en vue de contrôler le maximum de maillons des chaînes de valeur. L’Afrique a aussi les terres arables capables de nourrir l’Afrique : c’est l’objectif du plan de développement agricole de l’Afrique.
La ZLEC n’est donc pas un programme isolé. Elle forme, avec les autres plans et programmes de l’Union Africaine, un tout cohérent dans la perspective de renforcer l’intégration régionale et atteindre les objectifs de l’agenda du centenaire, l’agenda 2063.
La réalisation de tous ces plans et programmes permettra d’élever le niveau des exportations intra-africaine, estimées actuellement à moins de 15% de l’ensemble des exportations africaines alors que les exportations intra-européennes, intra-asiatique set intra-latino-américaines représentent respectivement 70%, 50% et 21%
Permettez-moi, ici, de rappeler la métaphore du Roi Ghezo de l’actuel Bénin, métaphore que j’ai déjà eu à mentionner dans mon discours de Kigali au moment de la signature de l’accord de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLCAf), je cite : « si tous les enfants du pays venaient, par leurs mains assemblées, boucher les trous de la jarre percée, le pays sera sauvé ». L’entrée en vigueur de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine nous permet de boucher un trou. La mise en œuvre de la vision, des aspirations et des objectifs de l’agenda 2063 nous permettra de boucher tous les trous de la jarre percée, d’exploiter à fond notre actif démographique en le transformant en dividende économique à travers la promotion de l’éducation, de la formation professionnelle et technique, de la santé et surtout à travers la création d’emplois notamment pour les jeunes, ce qui nous permettra, du coup, de mettre fin au drame de la migration clandestine que nous connaissons aujourd’hui.
Mesdames et Messieurs,
L’agenda 2063 est une mise à l’échelle continentale de ce que nous faisons aux niveaux régional et national. S’agissant du Niger, par exemple, le programme de renaissance que nous mettons en œuvre, depuis 2011, s’aligne, avec bonheur, sur cet agenda. Ses priorités en recoupent les aspirations, qu’il s’agisse de la renaissance culturelle, de la consolidation des institutions démocratiques, de la sécurité, des infrastructures, de l’initiative 3N « les Nigériens Nourrissent les Nigériens », de l’accès à l’éducation, à la formation professionnelle et technique, à la santé, à l’eau et à l’assainissement ou de la création d’emplois, notamment pour les jeunes. Grâce à la mise en œuvre de ce programme notre pays a connu une croissance moyenne annuelle de 6% entre 2011 et 2018. La croissance économique annuelle moyenne sera de 7% pour les cinq années à venir. Cela vaut à notre pays d’être cité, par la Banque Mondiale, dans le top 10 des pays dont les économies sont les plus dynamiques de l’Afrique au Sud du Sahara.
Mesdames et Messieurs,
Les perspectives sont donc bonnes pour nos pays et notre continent mais les menaces terroristes, les menaces des organisations criminelles ainsi que les conflits intercommunautaires peuvent hypothéquer l’avenir. Il s’agit là de menaces stratégiques qui peuvent, en l’absence de ripostes appropriées, pulvériser nos institutions étatiques. Le cas de la Somalie le prouve. Je sais qu’une Afrique en paix et en sécurité est une des aspirations de l’agenda 2063. Dans le cadre de cet agenda notre objectif est de faire taire les armes en 2020. Malheureusement cela ne paraît plus possible. Nous devons par conséquent accélérer la mise en place de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (APSA) en particulier celle de la Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises (CARIC) en attendant l’opérationnalisation de la Force Africaine en Attente. Nous devons agir vite pour atteindre toutes les cibles prévues dans le secteur de la paix et de la sécurité et mettre en œuvre toutes les stratégies déjà identifiées. En particulier il est urgent de juguler les menaces auxquelles les pays du Sahel et ceux du bassin du Lac Tchad sont confrontés. Il est urgent de sortir de la crise libyenne. Il est urgent de faire taire les armes en Centrafrique et en Somalie.
Mesdames et Messieurs,
L’entrée en vigueur de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine est l’évènement le plus important dans la vie de notre continent depuis la création de l’OUA et sa transformation en Union Africaine. Il s’agit là d’un évènement qui redonne l’espoir dans la construction d’une Afrique unie et prospère. Permettez-moi de souhaiter que le début des échanges, dans le cadre de cet accord, intervienne rapidement et pour conclure, permettez-moi de vous réitérer tous mes vœux de bienvenue à ce sommet extraordinaire de lancement de cet évènement historique. Je souhaite à tous et à toutes un bon séjour à Niamey.
Je vous remercie de votre aimable attention