Niger : cure d'austérité sous surveillance du FMI
Le Niger et le FMI sont parvenus à un nouvel accord pour la reconduction d'un nouveau programme économique et financier dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC). Conséquence d'un contexte économique et sécuritaire assez tendu, le Niger fait face à une dégradation de ses finances publiques, ce qui a poussé le gouvernement à revoir ses ambitions à la baisse.
Les services du FMI viennent de conclure une mission au Niger à l'issue de laquelle les deux parties ont convenus d'un nouvel accord sur un programme à moyen terme s'étalant sur la période 2017 à 2020. Le programme économique et financier qui pourrait être appuyé par une nouvelle Facilité élargie de crédit (FEC) visera à préserver la stabilité macroéconomique du pays et ainsi permettre aux autorités d'atteindre les objectifs de développement qu'ils se sont fixés. Le Niger avait déjà bénéficié d'un accord au titre de la FEC sur la période 2012-2016 et selon le FMI, les orientations du nouveau programme ont été définies sur la base des leçons tirées de la facilité en cours d'achèvement.
« Même si, en dépit d'une série de chocs exogènes et de difficultés dans la mise en œuvre, le programme appuyé par l'accord FEC sur la période 2012-2016 a permis de maintenir la stabilité macroéconomique, les allocations budgétaires pour les secteurs de l'éducation et de la santé étaient évincées par la prise en charge des besoins prioritaires de sécurité, ce qui a globalement handicapé l'atteinte des objectifs de développement » a déclaré Cheikh Anta Gueye, le chef de la mission du FMI qui a séjourné à Niamey du 24 octobre au 7 novembre.
Dans un communiqué, le FMI a donné plus de détails sur les grands axes du nouveau programme, lequel a été également élaboré en tenant compte du niveau élevé des besoins de dépenses sécuritaires pour le Niger et la persistance des chocs sur ses recettes budgétaires. « Les politiques du nouveau programme sont d'une part centrée sur la mobilisation des recettes intérieures notamment grâce à l'élargissement de l'assiette fiscale et, de l'autre sur le renforcement de la gestion budgétaire, en vue de fournir l'espace budgétaire et assurer la viabilité de la dette ». Parallèlement, le programme s'accompagne d'un agenda de réformes structurelles destiné à renforcer la gestion des finances publiques, d'appuyer la diversification de l'économie nigérienne et de renforcer sa résilience, « tout en tenant compte des capacités de mise en œuvre limitées ».
Résultats macroéconomiques satisfaisants
Les services du FMI ont également procédé, au cours de leur mission, à une évaluation de la situation économique du pays. Dans l'ensemble, l'institution a jugé les résultats macroéconomiques du Niger satisfaisants pour l'année en cours et cela en dépit des chocs sécuritaires et humanitaires, des prix de matières premières défavorables et de la réduction des échanges avec les pays voisins. La croissance du PIB devrait ainsi progresser de 3,5% en 2015 à 4,5% en 2016, en raison d'une bonne campagne agricole et malgré les faiblesses qui subsistent dans les secteurs pétrolier et minier. A moyen terme, le FMI estime que les perspectives économiques sont favorables.
La croissance du PIB réel devrait se situer à 5,2% en 2017 et l'inflation devrait être contenue à moins de 2% l'année prochaine. Sur la période 2018 à 2020, le FMI anticipe une croissance moyenne du PIB réel de 6% grâce à l'expansion du secteur des industries extractives et à l'augmentation des investissements publics et privés. L'inflation devrait être contenue aux alentours de 2% soit en deçà du critère de convergence fixé par l'UEMOA qui est de 3%. Toutefois, ces perspectives restent sujettes à « des risques intérieurs et extérieurs considérables ». Au rang de ces derniers figurent principalement les retombées négatives des conflits régionaux, la vulnérabilité aux catastrophes naturelles, ainsi que les difficultés économiques dans la sous-région.
Cure d'austérité
Le tableau somme tout reluisant qui dresse le FMI contraste toutefois à la situation interne que traverse le pays notamment au niveau des finances publiques. L'institution n'a mas manqué d'ailleurs de reconnaître que l'exécution budgétaire a été entravée par un niveau de recouvrement des recettes en deçà des objectifs même si cette morosité est mise sur le compte de la baisse des prix des matières premières et les répercussions des problèmes économiques dans les pays voisins notamment le voisin nigérian.
En réponse à de plus grandes moins-values de recette au cours du second semestre, les autorités ont gelé des crédits sur certaines dépenses non prioritaires pour le dernier trimestre de 2016 a relevé l'équipe du FMI s'appuyant sur les dernières mesures prises par le gouvernement nigérien. Lors du dernier conseil des ministres, de nouvelles mesures ont été prises après validation du Comité interministériel de régulation budgétaire, en vue de contenir les dépenses et d'éviter ainsi l'accumulation d'arriérés de paiement et le recours plus accru au financement intérieur. Le gouvernement a ainsi décidé du gel de certaines dépenses relatives à l'exécution du budget 2016 et a procédé à quelques amendements au projet de budget 2017 qui a été soumis au Parlement il y a juste quelques semaines.
Issoufou place ses hommes
Les autorités se sont engagés à renforcer la mobilisation des ressources internes et pour ce faire, le Président Issoufou Mahamadou a nommé, en octobre dernier, un de ses hommes de main, Hassoumi Massaoudou, à la tète du ministère de l'Economie et des finances. Dès sa prise de fonction, ce membre influent du parti au pouvoir qui a est passé entre autres à l'intérieur et à la défense, a été des plus clairs.
« Compte tenu de la fragilité de la situation que nous avons trouvé, nous sommes obligés d'avoir une hiérarchie de dépenses jusqu'à la stabilisation » a justifié le ministre des finances nigérien prévenant que si la situation budgétaire ne s'améliore pas, « il y'aurait des effets boule-de-neige aux conséquences imprévisibles ». Les conséquences sont pourtant déjà très ressenties depuis quelques temps par la population et surtout les agents de l'Etat avec des retards et des coupures dans le paiement des salaires.
Sécurité et budget, double menace
Pour 2017, l'Etat a même suspendu le recrutement à la fonction publique, au regard « du contexte tendu » selon le ministre délégué au Budget, Ahmet Jidoud. En somme, le gouvernement a instauré une véritable cure d'austérité qui ne dit pas son nom et beaucoup au Niger indexe le FMI et s'interroge sur l'efficacité de ces mesures. De l'avis de certains membres de la société civile, la maîtrise des dépenses publiques auraient dû commencer par la réduction du train de vie de l'Etat, chose que le Président Issoufou n'est pas prêt de mettre en œuvre. Il y a quelques jours, un remaniement ministériel a été opéré avec la nomination d'une quarantaine de ministres sans compter les nombreux conseillers nommés à la Présidence.
Pas de quoi vraiment rassurer les nigériens alors que les menaces sécuritaires prennent de plus en plus de l'ampleur, ce qui nécessitera sans aucun doute de nouveaux efforts financiers alors que le budget alloué à la défense et à la sécurité qui s'accapare de 10% du budget général de l'Etat a été multiplié par 15 sur les cinq dernières années afin de contenir la situation. Réélu en mars dernier pour cinq nouvelles années, le second mandat du Président Issoufou Mahamadou démarre sous de mauvais auspices en raison d'une conjoncture difficile alors qu'il a promis de mobiliser plus de 8.000 milliards de FCFA pour financer les actions contenues dans son programme socio-économique.
Aboubacar Yacouba Barma
La Tribune AFRIQUE
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