Guinée Bissau : le président Embalo dissout le Parlement dominé par l’opposition, une nouvelle crise à l’horizon
Le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo a décidé, ce lundi 04 décembre 2023, de dissoudre le Parlement dominé par l'opposition, trois jours après des évènements qu'il a qualifiés de « tentative de coup d’État », indique un décret présidentiel communiqué à la presse. Une décision qui risque de replonger le pays dans l’instabilité politique malgré les mises en garde de la Cédéao contre toute tentative de déstabilisation des institutions de cet état fragile d’Afrique de l’ouest abonné aux coups d’Etat et aux crises politiques.
Selon le décret présidentiel publié ce lundi, le Chef de l’Etat bissau guinéen a estimé que suite à «cette tentative de coup d’État menée par la Garde nationale et devant les preuves fortes de l’existence de complicités politiques, le fonctionnement normal des institutions de la République est devenu impossible. Ces faits confirment l’existence d’une grave crise politique ». Il a par conséquent décidé de la dissolution de l’Assemblée nationale et le communiqué de préciser que « la date des prochaines élections législatives sera fixée le moment opportun, conformément aux dispositions de la Constitution ».
Samedi dernier, le président Embalo avait déjà annoncé que cette « tentative de coup d'Etat » aura « de lourdes conséquences » après des affrontements entre l'armée et des éléments des forces de sécurité qui ont fait au moins deux morts. « J'étais à Dubaï où j'ai pris part à la COP 28. Je ne pouvais pas rentrer à cause de la tentative de coup d'Etat. Je tiens à vous dire que cet acte aura des conséquences graves », avait déclaré à son retour à Bissau le président Umaro Sissoco Embalo qui a fait cas de la « complicité » entre la Garde nationale et « certains intérêts politiques au sein même de l’appareil d’Etat » dans les évènements.
Au départ de la crise
Le jeudi 30 novembre, des éléments de la garde nationale sont entrés dans les locaux de la police judiciaire pour en extraire deux membres du gouvernement, de la coalition de l’opposition qui domine le Parlement, qui étaient entendus dans le cadre d’une enquête après le retrait de 10 millions de dollars des caisses de l'État. Il s’agit du ministre de l'Économie et des Finances, Souleiman Seidi, et du Secrétaire d'Etat au Trésor public, Antonio Monteiro.
Dans la nuit du jeudi au vendredi, de violents affrontements ont alors éclatés entre les éléments de la Garde nationale, retranchés dans une caserne du sud de la capitale, et les forces spéciales de la Garde présidentielle, faisant au moins deux morts et six blessés. La situation s’est calmée le lendemain, vendredi 1er décembre dans la matinée, après l’annonce de la reddition du commandant de la Garde nationale, le colonel Victor Tchongo, qui a annoncé vouloir éviter un bain de sang. Les deux ministres mis en cause ont été également repris sains et saufs selon les autorités.
Ces évènements ont aussitôt provoqué une vive et ferme réaction de la Cédéao qui, dans un communiqué publié le samedi 02 décembre, a «condamné fermement les violences et toutes les tentatives visant à perturber l'ordre constitutionnel et l'État de droit en Guinée-Bissau ». L’organisation communautaire a aussi appelé « à l'arrestation et à la poursuite des auteurs de l'incident dans le respect des lois ». Dans un autre communiqué publié dès vendredi, l'ONU avait également appelé au respect de l'Etat de droit et a exhorté les membres des forces de sécurité et des forces armées « à continuer de s'abstenir de toute ingérence dans la politique nationale ».
Incertitudes et risque de crise politique à Bissau
Cette nouvelle crise risque de replonger l’ancienne colonie portugaise dans une nouvelle crise d’instabilité politique comme c’est le cas depuis son indépendance en 1974 avec une succession de coups d’Etat et de tentatives de coup de forte dont la dernière en date remonte à février 2022 contre l’actuel président.
Depuis juin 2023, le Président Umaru Sissoco Emballo dirige un gouvernement de cohabitation après la défaite de son parti aux législatives face à la coalition menée par le parti historique ayant mené le pays à l’indépendance, le PAIGC qui contrôle donc le Parlement ainsi que des ministres stratégiques du gouvernement dont le ministère de l’Intérieur de qui dépend la Garde nationale.
Après l’annonce de la dissolution du Parlement, des militaires ont pris position dans plusieurs endroits de la ville notamment au niveau des médias publics. Des tirs ont été également entendus dans la soirée et bien que le Président ait annoncé sur les réseaux sociaux que la situation est sous contrôle, c’est encore l’incertitude totale à Bissau. Les prochaines heures ou journées s’annoncent mouvementées et nul doute que la situation sera au menu du prochain sommet des chefs d’Etat de la Cédéao, prévu en principe le 10 décembre à Abuja, au Nigeria.
A.Y.B (actuniger.com)
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