Exécutions sommaires au Soudan : pratiques systématiques ou faillite stratégique ?
Alors que la guerre sanglante entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) se poursuit, des pratiques de terrain inquiétantes émergent de plus en plus, révélant une détérioration grave du comportement militaire et de l’éthique institutionnelle. Parmi ces pratiques, les exécutions sommaires perpétrées récemment dans plusieurs zones sous contrôle de l’armée qui ont ravivé les pires souvenirs des conflits passés.
Montée alarmante des exécutions sommaires : des civils ciblés
À Khartoum, la capitale soudanaise, et à Wad Madani, des témoignages et rapports des organisations de défense des droits de l’homme rapportent une recrudescence d’exécutions sommaires et de violations graves, orchestrées par l’armée soudanaise et des milices islamistes alliées. Parmi ce actes on denombre des assassinats ciblés de civils sur des bases ethniques et régionales, notamment dans les quartiers de Buri et de Jireif Gharb, ainsi qu’à Wad Madani après sa reprise par l’armée.
Selon des sources telles que le collectif Emergency Lawyers, au moins 45 civils auraient été tués récemment, souvent accusés arbitrairement de collaborer avec les FSR, sans procès ni procédures judiciaires. Cette vague d’exécutions traduit, selon des analystes, une stratégie délibérée visant à transformer le conflit militaire en une campagne de purge politique et sociale.
Coalition armée-idéologique : un retour au passé ?
Les violences actuelles s’inscrivent dans un contexte où l’armée, dirigée par Abdel Fattah al-Burhan, renforce son alliance implicite avec des groupes islamistes radicaux connus pour des pratiques similaires, notamment au Darfour. Ces milices agissent souvent de manière autonome, tout en bénéficiant d’un appui logistique de l’armée, comme le montrent des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et confirmées par le Sudanese National Human Rights Observatory.
Perte de confiance institutionnelle et montée des tensions sociales
L’exécution de civils sans procès ou ordres judiciaires, sape le principe fondamental de l’État de droit. Le système judiciaire, déjà affaibli, est désormais perçu comme complice ou impuissant, ce qui exacerbe la défiance populaire envers les institutions étatiques. Des experts en conflits alertent également sur un risque de fragmentation sociale et de guerre civile élargie.
Discours officiel : déni et escalade
Malgré les accusations, le général al-Burhan et ses proches collaborateurs, dont Yasser al-Atta, persistent dans une rhétorique belliciste. Ils rejettent tout appel à la paix ou à la négociation avec les FSR. Le ton s’est durci même à l’international, avec des menaces contre des États voisins tels que le Tchad, qui a vigoureusement répondu en dénonçant une atteinte à sa sécurité nationale. Le gouvernement soudanais a aussi accusé le Kenya de s’ingérer dans ses affaires, accusations rejetées par Nairobi, qui affirme jouer un rôle neutre de médiateur.
Vers un scénario syrien ?
De nombreux observateurs comparent la trajectoire actuelle du conflit soudanais à celle de la Syrie. L’usage de la violence contre les civils et le rejet de toute solution politique rappellent en effet le glissement d’une guerre civile vers un état d’effondrement prolongé. Un article récent de la revue African Affairs estime que ces pratiques traduisent un effondrement stratégique, où l’armée ne dispose plus que de la force brute pour tenter de maintenir son emprise.
Blocage du processus de paix
Le refus catégorique d’al-Burhan de dialoguer avec les FSR, réitéré notamment dans son discours du 4 avril 2025, s’oppose à l’ouverture exprimée par les FSR et certaines forces civiles telles que la coalition Taqaddum (Progrès). Leurs appels à une négociation directe ont jusqu’à présent été ignorés. Selon des sources médiatiques locales, les pourparlers de Jeddah ont échoué précisément à cause du rejet de l’armée de toute forme de compromis.
Une justice internationale en perspective ?
La documentation croissante de ces crimes – vidéos, témoignages, rapports d’ONG – pourrait ouvrir la voie à une poursuite pénale internationale, notamment en vertu du droit humanitaire international, si les exécutions sont reconnues comme des crimes de guerre. Cela renforcerait les pressions sur les responsables militaires soudanais et pourrait pousser vers une action du Conseil de sécurité de l’ONU ou de la Cour pénale internationale.
Un devoir de la communauté internationale!
Face à cette escalade tragique, la responsabilité de la communauté internationale est immense. Il ne s’agit plus seulement d’un conflit interne, mais d’un drame humain et régional nécessitant des actions concrètes pour stopper l’impunité, protéger les civils et éviter l’effondrement total du pays.