Madagascar : 120 détenus en cavale après l’assaut d’une prison par la foule
Selon les autorités locales, près de 800 personnes sont entrées de force dans la prison d’Ikongo mercredi dans l’intention de lyncher un détenu.
Les phénomènes de vindicte populaire sont fréquents sur l’île de Madagascar. Nouvelle illustration ce mercredi dans la prison d’Ikongo (nord-ouest). Les 120 détenus de cet établissement ont réussi à se faire la belle mercredi en profitant de l'assaut contre l'établissement d'une foule qui voulait lyncher un détenu, a indiqué jeudi le ministère de la Justice.
«Environ 800 personnes, selon le rapport que nous avons reçu, ont demandé hier matin (mercredi) à entrer dans la prison d'Ikongo pour faire sortir un accusé de meurtre placé en mandat de dépôt afin de le tuer», a expliqué un porte-parole du ministère, Jérémie Napou.
Après des sommations infructueuses, les agents pénitentiaires ont rapidement été dépassés par la foule. «Une fois entrée dans la cour de la prison, elle (la foule) a fait tout ce qu'elle a voulu, allant jusqu'à libérer les 120 détenus de la prison, après avoir constaté que la personne qu'elle cherchait avait déjà été déplacée ailleurs», a précisé Jérémie Napou.
«Cinq agents pénitentiaires ont même été pris en otage avant d'être libérés par les assaillants», a-t-il ajouté. Le directeur de la prison et les magistrats qui avaient placé l'accusé sous mandat de dépôt «se cachent» actuellement «soit dans la forêt, soit chez d'autres fonctionnaires en attendant l'arrivée des renforts», selon Jérémie Napou.
Une défiance généralisée envers la justice et la police
Les cas de justice populaire sont de plus en plus médiatisés sur l’île. En 2013, trois personnes - un Français, un Franco-Italien et un Malgache - avaient été brûlées vives par une foule qui les accusait d'avoir tué un enfant dans l'île touristique de Nosy Be (nord).
Layandri, blogueur pour la plateforme Mondoblog de RFI et habitant de la capitale malgache, Antananarivo, a expliqué en 2016 à France 24 les causes de tels agissements. «Le problème, c’est qu’il y a parfois des violences et des dérives, liées au fonctionnement de certains "Dina" (vestige d’un système juridique ancestral) ... Par exemple, il peut être établi qu’il soit possible de tuer un assassin. C’est pourquoi il faudrait davantage les contrôler».
Layandri déplore plus généralement un sentiment d’insécurité nourri par un manque de forces de l’ordre et un manque de confiance dans la justice institutionnelle, jugée lente et corrompue. «Quand ça dégénère - si un voleur est tué par exemple - il y a parfois des enquêtes et des arrestations. Mais les suites sont rares, explique-t-il, puisqu’on ne peut pas emprisonner 50 personnes d’un coup par exemple».
«Certains agents (de police) assistent à des passages à tabac mais restent à distance. Ils restent passifs de peur que la foule ne se retourne contre eux, ou par manque d’effectifs», ajoute une source policière auprès du quotidien local Madagascar Matin.
Le Parisien