Hommage: une icône de la presse s'en est allé, adieu Gremah Boucar!
Lorsque le vent de la démocratie souffla en Afrique, Mr Gremah Boucar ne savait certainement pas, le rôle majeur qu'il aura à jouer pour son édification. Journaliste à la Voix du Sahel, il connue une courte période de passage à blanc. Animé du goût de risques, il saisit l'occasion de la libéralisation de l'espace médiatique pour se lancer dans l'économie de la presse. Il créa d'abord l'hebdomadaire ANFANI, puis suivra la RADIO ANFANI FM en 1995. Du tout nouveau dans un espace médiatique sans partage, exclusivement dominé par la presse publique. Très tôt, il imposa une ligne éditoriale qui privilégie la liberté dans le traitement de l'information " ANFANI, UNE RADIO LIBRE ET INDÉPENDANTE".
Son audace pour satisfaire les besoins des nigériens en informations crédibles dans un espace démocratique en construction lui a valu des gloires et des déboires...Mais c'était son choix, ne rien lâcher lorsqu'il s'agit de défendre le droit à l'information. Et il a eu raison, car, une année après le lancement de sa Radio, Anfani devenait incontournable pour informer les nigériens sur la marche de notre démocratie. Un travail très ambitieux, ténu par des journalistes professionnels rompus à la tâche. L'édition " Anfani midi" en était une référence, une fierté pour les nigériens qui s'intéressent à la marche du pays. La période la plus difficile qu'il a vécu pour ceux qui se souviennent, qu'il a assumé avec courage, c'est l'irruption de l'armée dans la scène politique à travers le coup d'État du général Baré en 1996. Intrangigeant qu'il était, il choisi de ne pas courber l'échine, il faut absolument garder notre ligne disait il, mais multiplier de vigilance. Cet audace lui avait valu des brimades, des pressions, mais Gremah, en démocrate affirmé ne lâchait rien. Excédé, une nuit de Mars 1997, les nouveaux maîtres au pouvoir organisent une descente au siège de la Radio pour saccager le matériel, quel malheur !!!
Le lendemain, une foule compacte d'auditeurs en colère lui témoigne sa sympathie. En voulant taire par la violence la voix de la liberté d'expression, Baré avait renforcé son aura sur le plan national et international. Difficile désormais de soumettre une Radio de la dimension de Anfani, soutenue par les grandes démocraties mondiales. Pour autant, les dirigeants de l'époque n'en resteront pas là. Ils changent de stratégies, pourchassent les journalistes et le promoteur de la radio par des interpellations intempestives. C'était une période difficile, mais qu'il faut vivre pour la raconter aux plus jeunes journalistes. Qu'ils comprennent que la liberté de ton dont ils jouissent aujourd'hui n'a pas toujours été un long fleuve tranquille.
Des acteurs qui avaient choisi de défendre la démocratie par leurs interventions sur la radio avaient également subit le courroux des militaires au pouvoir. Je pense notamment à MOUSSA TCHANGARI, tabassé par des éléments de la garde présidentielle, puis enlevé pour une destination inconnue. SOULEY ADJI, lui également, enlevé nuitamment, tabassé et laissé pour mort par des militaires. ALI SABO, militants du FRDD (Front pour la Restauration De la Démocratie), sa maison avait été mitraillée..
ISSOUFOU MAHAMADOU, en guide qu'il était ne lâcha rien, soutenu par ses lieutenants dont les plus connus, BAZOUM MOHAMED, HASSOUMI MASSAOUDOU, HAMA AMADOU, avaient été des précieux animateurs des éditions "Anfani midi" par leurs interventions osées.
Gremah Boucar pouvait choisir le chemin de la lâcheté, quitter le navire de la démocratie pour chanter la dictature. Il ne l'avait pas fait, parce qu'il ne pouvait pas le faire, il était juste démocrate dans l'âme.
En 1999, après la chute du régime Baré, nous pensions que nos déboires sont derrières nous, oh non, le régime incarné par les dirigeants du MNSD ne supportait pas les voix dissonantes.
Moins virulent que le précédent régime, ils choisissent la pression fiscale et des recours judiciaires en vue d'influer sur la ligne éditoriale de l'organe.
Gremah Boucar, militants du MNSD qu'il était, il n'interferait pas dans le travail des journalistes. Il utilisait à chaque fois qu'il est interpellé par ses camarades du parti cette simple phrase : " je ne gère pas la Radio, il faut voir Ousmane".
Autre fait marquant de son courage en tant que journaliste, alors que les évènements à l'université de Niamey qui avaient occasionné la mort d'un gendarme et qui agitent le pouvoir de Hama Amadou, premier ministre à l'époque, la radio Anfani avait gardé sa ligne, faire entendre la voix des étudiants en cavale, recherchés par les forces de l'ordre. Gremah Boucar, trouvait normal de diffuser des interviews enregistrées clandestinement. A ce niveau également, il n'a pas cédé à la pression des autorités.
Simple dans ses rapports humains, il savait comprendre les valeurs professionnelles de ceux avec qui, il souhaitait travailler. C'est une de ses rares qualités, qui ont fait de Anfani la Radio la plus écoutée au Niger.
Gremah Boucar s'en est allé, Allahu Akbar, il avait marqué son temps par son concours à l'édification d'une presse libre et indépendante. Qu'il en soit remercié.
La mort est tragique par la douleur qu'elle nous inflige, le vide qu'elle installe, l'incertitude qu'elle suscite chez les proches du défunt.
La disparition de Gremah Boucar est une grande perte, je lui serais éternellement reconnaissant pour les nombreuses opportunités qu'il m'avaient offertes.
ALLEZ EN PAIX MR LE DG, VOUS AVEZ FAIT DES MERVEILLES.
Par Ousmane Toudou
Journaliste, ancien Directeur national de la radio privée ANFANI FM
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