Bonne gouvernance : Est-il judicieux de nommer un ministre de finances à la tête de la Cour des comptes
Quelques semaines après la grogne du syndicat autonome des magistrats du Niger (SAMAN) au sujet de l'indépendance de la justice, le Président de la République vient de leur donner la réplique en faisant partir M. Alkach Alhada, éminent membre du principal parti de la majorité, le PNDS-Tarayya de la présidence de la Cour des comptes; mais, cette réplique présidentielle a quelque chose d'un grand défi lancé non pas seulement aux magistrats syndicalistes, mais aussi à tous ceux qui continuent à croire que des principes tels que l'indépendance de la justice ont encore un sens dans ce pays.
En effet, le Président de la République a décidé de remplacer à la tête de la cour des comptes, M. Alkach Alhada, jugé partisan par les magistrats, par M. Saidou Sidibé, lui aussi non moins partisan, mais surtout ministre de l'économie et des finances. L'ancien président de la cour des comptes, M. Alkach, a été nommé à la tête du conseil d'État, une institution judiciaire de très grande importance. C'est dire donc que le Président de la République a voulu montrer combien il est insensible à la fronde des magistrats, dont il est le chef suprême.
Dans un État démocratique normal, chacune de ces deux nominations est susceptible d'être considérée comme une défiance certaine à l'égard des citoyens; car, comment peut-on nommer un Ministre des finances à la tête d'une institution dont le rôle est de contrôler et juger ses comptes ? C'est le lieu de rappeler, pour ceux qui ne le savent pas, que la Cour des comptes est la plus haute juridiction de contrôle des finances publiques (article 141 de la Constitution). "Elle est juge des comptes de l'État, des collectivités territoriales, des établissements et entreprises publiques, des autorités administratives et de tout organisme bénéficiant du concours financier de l'État et de ses démembrements" (article 141).
Aussi, importe-t-il de noter que le Ministre de finances, en sa qualité d'ordonnateur du budget de l'État, est le principal client, disons le principal justiciable potentiel, de la Cour des comptes. Par conséquent, en le nommant à la tête de cette dernière, il devient donc juge et partie; et cela est naturellement bien plus grave que de garder M. Alkach à sa tête. C'est dire donc que la plupart des commentateurs sont passés à côté du vrai scandale, en se focalisant sur la nomination, pour la première fois, d'un juriste non magistrat à la tête d'une institution judiciaire; car, s'il est vrai que cette nomination a aussi quelque chose de choquant, elle n'est rien au regard de celle d'un ministre de finances à la tête d'une institution chargée d'auditer et juger les comptes de l'État et de ses démembrements.
Moussa Tchangari (Alternative Espaces Citoyens)
Commentaires
comprenez que cette nomination veut dire seulement que le remaniement du gouvernement est imminent et que Sidib