Résilience aux changements climatiques : Des femmes s’approprient le projet « Tangamo » initié par Pathfinder dans la région de Tillabéri, il y a deux ans

Dans la commune rurale de Tondikandia, appelée localement Damana, subit aussi la forte dégradation des terres et des ressources naturelles, ce qui a un lourd impact sur la sécurité alimentaire, la résilience des systèmes de production, et les autres moyens de subsistances des ménages... De nombreuses jeunes mères, confrontées à de mauvaises récoltes, s’exilent vers les centres urbains comme Niamey, en quête de survie économique. Malheureusement, ces emplois précaires, souvent domestiques, les exposent à des violences diverses, aggravant leur précarité.

Face à cette situation, l’ONG Pathfinder International Niger, en partenariat avec la Fédération des Unions de Groupements Paysans du Niger (FUGPN-Mooriben), une ONG locale, a lancé en 2022 le projet Tangamo, un projet de renforcement de la résilience des jeunes femmes et des filles face aux effets du changement climatique, dans la commune de Tondikandia (région de Tillabéri).
Signifiant "résilience" en langue zarma, cette initiative novatrice mêle santé communautaire et activités de génération de revenus pour renforcer la capacité des femmes à faire face aux effets du changement climatique grâce à une approche intégrée. Selon le Directeur Pays adjoint de Pathfinder Niger, Zakou Harouna, je cite, « cette approche vise l’amélioration de la qualité de vie des jeunes femmes et des filles migrantes ou affectées par la migration de leurs partenaires ».

Il poursuit en expliquant, qu’au Niger particulièrement, le changement climatique affecte les ressources naturelles et surtout les ménages les plus vulnérables dans les zones rurales. Il affecte ainsi la sécurité alimentaire et particulièrement affecte les femmes. Au niveau rural, le changement climatique enferme les femmes dans le cercle vicieux de la malnutrition, de la migration saisonnière forcée du fait de la réduction des moyens de subsistance. « Lorsqu’une femme se trouve en situation de migration, comme les jeunes filles qui se déplacent pour les travaux de ménage, elles sont exposées aux violences basées sur le genre particulièrement les violences économiques ou sexuelles ».
Le projet a ciblé 100 adolescentes et jeunes femmes, réparties entre migrantes et non migrantes, dans cinq villages de Tondikandia : Hayni Si Morou Maourey, Maourey, Follo, Soufani et Fandou Béri. Durant une année, du 1er janvier au 31 décembre 2022, Tangamo a transformé la vie de ses bénéficiaires, impactant positivement leur qualité de vie et celle de leurs communautés.
Seyni Karimou, animateur de la Fédération Mooriben de Damana, confirme cette transformation : « Deux ans après la fin du projet, les femmes se sont approprié l’initiative. Elles poursuivent le maraîchage et l’élevage. Avant Tangamo, elles partaient à Niamey pour effectuer des travaux domestiques. Aujourd’hui, elles restent sur place ».

Des résultats concrets : témoignages et transformation économique
Pour évaluer la pérennité des acquis et l'impact durable du programme après sa fermeture, une équipe a visité Hayni Si Morou Maourey, un village situé à 49 km de Damana qui a bénéficié du projet.
Le Chef de ce village, Harouna Yollé, a indiqué que pour soutenir l’initiative, il a fait don d’un champ, je cite : « le projet avait demandé un terrain pour la l’installation d’un forage au profit de la population, et j’ai décidé de donner mon terrain de cinq hectares qui se trouve à 500 mètres du village ».
Avant le lancement du projet Tangamo, de nombreuses femmes de la région de Tondikandia partaient en exode à Niamey pendant la saison sèche, à la recherche de moyens de subsistance. Aujourd’hui, grâce à cette initiative, elles ont trouvé une stabilité économique et sociale dans leurs villages.
Il renchérit en disant que « Les femmes ont vendu beaucoup de moringa et restent désormais dans le village. Nous espérons que la capacité des points d’eau sera augmentée pour qu’aucune femme n’ait plus besoin d’aller à Niamey ».
Chaque bénéficiaire du projet a reçu une somme de 50 000 F CFA comme fonds de démarrage, utilisée pour initier l’embouche du bétail. Ce petit élevage a porté ses fruits : les animaux se sont multipliés, et presque toutes ces femmes possèdent désormais plusieurs têtes de bétail. C’est le cas de Tayou Hama, habitante du village de Maourey, qui témoigne : « Maintenant que nous avons des animaux, nous les élevons tout en restant à la maison. Nous menons une vie paisible dans nos foyers et n’avons plus de conflits avec nos maris à cause de la migration. Nous sommes heureuses ».
Mais le projet Tangamo ne s’est pas limité à l’élevage. Dans chaque village bénéficiaire, les femmes ont bénéficié des semences adaptes aux conditions climatiques pour cultiver de l’arachide, du moringa, des oignons, de la salade et d’autres légumes. Ces femmes, qui auparavant ignoraient tout des cultures de contre-saison, maîtrisent aujourd’hui les techniques de maraîchage. La production agricole est divisée en trois parts : une pour la consommation familiale, une autre pour la vente, et la dernière est destinée à une caisse commune pour renforcer la durabilité de l’initiative. Grâce à ces activités, la quasi-totalité des anciennes migrantes ont renoncé à l’exode rural.
Amina Hamadou, la quarantaine révolue, mère de quatre enfants et résidente de Hayni Si Morou Maourey, témoigne également de son expérience : « Aujourd’hui, grâce au projet Tangamo, avec le maraîchage, mon troupeau constitué en trois ans, ainsi que la production de moringa et d’oignons, je parviens à subvenir aux besoins de ma famille »

Le Projet "Tangamo" suscite l’intérêt dans d’autres villages de la commune de Damana
Grâce aux résultats concrets obtenus sur le terrain, les chefs de communautés et les bénéficiaires du projet Tangamo plaident pour l’extension des espaces exploités ainsi que des infrastructures. Les femmes, en particulier, demandent un renforcement des infrastructures hydrauliques, notamment des bassins, actuellement au nombre de 7 ou 8, et qui nécessitent une augmentation des forages pour répondre à la demande croissante.
Les femmes des villages environnants expriment également leur souhait de bénéficier du projet. Harouna Yollé, chef du village de Hayni Si Morou Maourey, témoigne : « Actuellement, le projet profite même aux femmes des villages voisins. Elles viennent nous demander d’intercéder auprès de Pathfinder pour que Tangamo soit reconduit et déployé dans leurs communautés ».

Une résilience climatique liée à la santé
Le Directeur Pays adjoint de Pathfinder International Niger, Zakou Harouna, souligne que, les deux groupes de femmes courent un risque accru de contracter des maladies sexuellement transmissibles, des grossesses non désirées, d’avortements clandestins, des viols et harcèlements sexuels, des divorces, qu’il s’agisse de leur propre migration ou de celle de leur mari. Pour prendre en compte cet aspect, Tangamo a intégré un volet santé communautaire, répondant aux besoins spécifiques des femmes en sensibilisant les bénéficiaires sur la santé maternelle et reproductive. Ce qui a entrainé une augmentation spectaculaire du recours aux services de santé, passant de 28 % à 97 % pour les femmes non migrantes et de 51 % à 91 % pour les migrantes.

Selon Dr Yaro Asma Ghali, directrice pays de Pathfinder International au Niger, le projet Tangamo a adopté une approche holistique en répondant aux besoins globaux des femmes rurales : « Nous apportons un paquet combiné de services sociaux qui permet aux femmes d’améliorer leurs conditions de vie. Cette stratégie qui a produit des résultats très encourageants, notamment en renforçant le pouvoir des femmes ».
Ces services incluent la sensibilisation à la santé maternelle et reproductive. Tayou Hama, une habitante du village de Maourey, âgée de 18 ans et mère de deux enfants, témoigne : « Grâce aux sensibilisations, nous faisons des consultations prénatales et postnatales. Nous avons appris les avantages du planning familial, qui nous aide à mieux gérer notre santé et retarde le vieillissement. Même pendant les grossesses, les souffrances sont réduites, et les chefs de famille sont plus sereins ».

Le Projet Tangamo : un catalyseur de changements durables pour les femmes au Niger
Les campagnes de sensibilisation à l'hygiène menstruelle et à la prévention des violences basées sur le genre ont atteint un large public, 69 % des non migrantes et 80 % des migrantes ont acquis des informations correctes sur les bonnes pratiques d’hygiène.
En outre les bénéficiaires ont été formées à des techniques agricoles adaptées à la sécheresse et ont reçu des semences résistantes au climat.
Le projet a également été déployé dans les sites de migration urbaine, où des groupes de solidarité ont été créés pour soutenir les femmes migrantes, a précisé, Zakou Harouna que : « Pathfinder Niger a aussi porté ce programme dans la région d’Agadez dans le département d’Aderissanat où l’organisation a ciblé les femmes Woodabé qui constituent les communautés en perpétuels mouvements, composée d’éleveurs et affectées par le changement climatique avec la rareté des possibilités pour les animaux de se développer, provoquant ainsi la perte de cheptel ».

Grâce à des initiatives comme Tangamo, Pathfinder International organisation non gouvernementale de renommée mondiale, installée au Niger depuis 2014, montre qu’il est possible de transformer durablement les vies, même dans des contextes complexes comme celui de la région de Tillabéri. Ce succès appelle à une mobilisation accrue des partenaires et des décideurs pour étendre ces solutions à d’autres communautés vulnérables au Niger et au-delà.

Abdoulkarim (actuniger.com)