Migration et gestion des frontières au Sahel: les partenaires édifiés sur l'approche intégrée de l'OIM pour une meilleure préservation de la paix
L'hôtel Barvia de Niamey a abrité, lundi 04 juillet 2022, une Conférence des partenaires et des bailleurs de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) sur l’approche intégrée de la gestion de l’Immigration et des Frontières (IBM) au Niger. L'objectif de cette rencontre est, entre autres, de coordonner les acteurs autour des recommandations des différentes stratégies continentales et sous-régionales en matière de gestion des frontières ; de présenter les réalisations et les acquis de l’OIM aux partenaires et bailleurs ainsi que de dresser des recommandations et retours sur les perspectives et prochaines étapes. L'occasion aussi pour le lancement d'un nouveau projet, « renforcer la gestion intégrée des frontières pour une sécurité accrue au Niger », financé par le Royaume de Belgique et destiné à la mise en œuvre de la stratégie d’ensemble.
C'est le Secrétaire général représentant le Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, M. Saidou Halidou, qui a présidé la cérémonie officielle d'ouverture de la Conférence qui s'est déroulée en présence de l’Ambassadeure du Royaume de Belgique au Niger, SE. Myriam Bacquelaine, de la cheffe de mission de l'OIM au Niger, Barbara Rijks, ainsi que du Gouverneur de la Région de Niamey, M. Oudou Ambouka. On notait également la présence à cette occasion, des représentants du corps diplomatique et des organisations régionales et internationales, des responsables des agences du Système des Nations Unies, des responsables des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), des Gouverneurs et préfets des régions et départements frontaliers du Niger ainsi que des présidents des Conseils régionaux et représentants de la société civile.
Plusieurs allocutions ont été prononcées à cette occasion dont celle de bienvenue du Gouverneur de la Région de Niamey, M. Oudou Ambouka, qui s'est félicité du choix porté sur son entité pour abriter cette importante rencontre avant d'exprimer toute sa gratitude et sa reconnaissance à tous les participants qui ont fait le déplacement à Niamey.
L'OIM engagée aux cotés du Niger pour la réalisation des ambitions de l'UA et de la Cédéao ainsi que l'ODD en matière de gestion des frontières
Dans le discours qu'elle a prononcé à cette occasion, la Cheffe de mission de l'OIM au Niger s'est félicitée du fait de l’honneur fait par l'Etat du Niger à l'organisation onusienne en charge des migrations, en lui accordant sa confiance pour l’accompagner dans l’exécution de sa vision et de sa stratégie en matière de gestion des frontières au Niger. Barbara Rijks a saisi l'occasion pour assurer les autorités de l'engagement sans faille de l'OIM à être à leurs côtés pour un Niger plus sûr, plus prospère et dynamique. Elle a aussi tenu à remercier la large audience de partenaires, collègues, représentations diplomatiques, autorités et représentants de la société civile d’avoir fait le déplacement pour participer à cette Conférence visant à aligner les différentes vues, échanger des idées et mieux comprendre le contexte complexe dans lequel l'OIM et ses partenaires œuvrent.
La Cheffe de mission de l'OIM au Niger a ensuite rappeler les ambitions pour ce qui est de la gestion et du contrôle des frontières de l'Union africaine (UA) et de la Cédéao, celle : "d'une frontière comme ressource pour la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que pour une plus grande intégration et développement socio-économique dans la région". Dans cette droite ligne, a-t-elle poursuivi, la stratégie de l’OIM en la matière vise à réconcilier et assurer le juste équilibre entre les deux fonctions principales des frontières, qui sont à la fois de constituer un point de contact, de jonction, de migration entre deux pays ou communautés, et, d’autre part, assurer un rôle de séparation, de contrôle et de protection. "Bien gouvernées, les zones frontalières ne sont pas source d’insécurité et ne constituent pas des périphéries en dehors de la compétence de l’État et des lois, mais leurs populations deviennent au contraire une partie de la solution vers les droits de l’homme et la sécurité humaine sur toute l’étendue du territoire national", a souligné Barbara Rijks qui n'a pas manqué de rappeler que depuis 2015, l’OIM Niger, en particulier son unité de gestion des frontières, œuvre aux côtés de l’Etat du Niger avec le soutien des différents bailleurs de fonds pour améliorer la gouvernance de la migration et la gestion des frontières au Niger. Elle a ce sens indiqué que les actions mises en place répondent à l’Objectif de développement durable (ODD) 10.4 qui est de « faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées ». Selon ses explications, un accent particulier doit être mis sur la promotion de la libre circulation légitime des personnes, des biens et des services, pour approfondir l’intégration continentale et créer de la richesse. "Des actions décisives doivent être entreprises pour le renforcement socioéconomique des zones frontalières mais aussi leur stabilité au sens large afin de renforcer la sécurité humaine et renforcer la paix et la stabilité propice au développement", a-t-elle aussi affirmé ajoutant que "c’est pour cela que ces efforts ne peuvent être que transversaux, concertés et intégrés entre tous les acteurs impliqués vers une vision commune".
"La gestion intégrée des frontières revêt en effet des aspects humanitaires, mais aussi sanitaires, et implique un travail de fond complexe sur les vecteurs de fragilité et de mobilité dans ces zones souvent exposées. La rareté et la disparition des ressources naturelles liées au changement climatique, la pauvreté endémique, l’accès limité aux services de base mais aussi l’instrumentalisation des conflits inter-communautaires et la porosité des frontières sont autant de facteurs qui contribuent à la fragilité de ces zones, et à leur exposition aux menaces sécuritaires transfrontalières telles que le terrorisme, l’extrémisme violent, et autres crimes transnationaux. C’est pour cette raison que nous avons souhaité initier aujourd’hui cette activité qui permettra de comprendre les imbrications et complémentarités entre les portefeuilles afin de contribuer ensemble à un objectif commun, aux côtés de l’Etat du Niger". Barbara Rijks, Cheffe de mission de l'OIM au Niger.
Selon la Cheffe de mission de l'OIM au Niger, cette conférence s’inscrit dans le cadre de l’approche intégrée de la gouvernance de la migration et de la gestion des frontières et vise principalement à coordonner les acteurs autour des recommandations des différentes stratégies continentales et sous-régionales en matière de gestion des frontières ; réaffirmer les besoins dans le contexte du Niger et présenter les différentes politiques et stratégies nationales pour assurer la stabilité et la paix dans les zones frontalières fragiles ; et présenter les réalisations et les acquis ainsi que les perspectives. Elle a aussi annoncé que c'est dans ce cadre plus large que l'occasion sera mise à profit pour procéder au lancement du nouveau projet financé par le Royaume de Belgique, qui vient compléter le portefeuille et donc les efforts globaux investis entre autres sur ce sujet par l’OIM au Niger. En terminant son allocution, la Cheffe de mission de l'OIM au Niger a tenu à réaffirmer la détermination de l’Organisation à travers son Unité de gestion des frontières à accompagner les efforts du Gouvernement et de tous les partenaires dans la gestion et le renforcement de la sécurité aux frontières. "C’est aussi notre souhait de mettre à disposition cette expertise transversale pour générer d’avantage de synergies d’action et utiliser cette plateforme d’échange pour maximiser notre impact collectif", a conclu Barbara Rijks.
Un Projet pour renforcer la gestion intégrée des frontières pour une sécurité accrue au Niger
De son coté, l'Ambassadeure du Royaume de Belgique au Niger a mis en contexte les défis auxquels le Niger est confronté avec des frontières partagées avec sept (07) voisins, soit près de 6000 km de frontière terrestre. "Cette évocation permet à elle seule de prendre la mesure de la tâche à réaliser quand on envisage un contrôle de ces frontières, rendu bien nécessaire aujourd’hui en raison de l’instabilité et de l’insécurité régionale", a reconnu SE. Myriam Bacquelaine qui s'est par la même occasion appuyée sur les données du dernier rapport de l’Organisation de Sécurité, de Coopération en Europe (OSCE) qui a mis en évidence le fait que les zones frontalières sont particulièrement mortifères puisque 40% des décès liés à des événements violents, se concentreraient à moins de 100km d’une frontière terrestre. "Le Niger comme l'ensemble de la région sahélienne est touché par tous les trafics : les armes, la drogue, les trafics des êtres humains, et ses frontières poreuses se laissent facilement franchir par les groupes extrémistes violents qui rependent la terreur, la mort et la désolation sur leur passage", a rappelé la diplomate belge qui n'a pas manqué de souligner que tous ces mouvements frontaliers négatifs ont un grand impact sur le développement économique et social du pays, et la présence limitée de l’État, lui-même soumis aux attaques récurrentes des groupes terroristes et des criminelles, privent les populations de l’accès aux services publics de base. Dès lors, a estimé l'Ambassadeure Myriam Bacquelaine, la mise en place d’une réponse logistique telle que celle proposée par l’OIM s’impose sans ambiguïté dans ce contexte. "Et c’est également la vision et la priorité de la Belgique, en particulier sur ce que je pourrais qualifier d’axe transversale qui lie la migration et le développement, et qui s’inscrit d’ailleurs dans la nouvelle stratégie de la Belgique adoptée en 2021 à cet effet, et celle-ci met bien évidemment l’accent sur la nécessité d’une approche globale", a-t-elle indiqué.
L'Ambassadeure du Royaume de Belgique au Niger a annoncé par la suite que c’est donc dans ce contexte général que la Belgique a décidé d’appuyer l’approche globale de l’OIM à travers le projet intitulé " renforcer la gestion intégrée des frontières pour une sécurité accrue au Niger". Ce projet, a expliqué la diplomate, est en ligne avec la politique nationale des frontières du Niger et il vise en particulier le renforcement des capacités des forces de sécurité frontalières afin de protéger les populations et de prévenir les mouvements des groupes extrémistes armés. "Ce projet mettra en particulier à disposition des équipements et des infrastructures modernes pour une meilleure collecte et une meilleure analyse des données et un soutient aux capacités d’investigation. Il prévoit également une réhabilitation et un équipement des infrastructures douanières. Et enfin, il sera localisé à Diffa et à Agadez", a enfin souligné SE. Myriam Bacquelaine, Ambassadeure du Royaume de Belgique au Niger.
Une gestion intégrée des frontières pour maintenir et préserver la paix
En procédant à l'ouverture officielle de la Conférence, le Secrétaire général du ministère de l'Intérieur s'est réjoui du fait que son département a été étroitement associé à cet évènement important. " Le caractère essentiel de ce sujet tient avant tout à sa très haute transversalité. Il implique en effet une multitude d’acteurs qui dépendent du ministère de l'Intérieur mais aussi de ministère connexes, tels que les Finances, la Santé, les acteurs stratégiques mais aussi les acteurs de la société civile et nos compatriotes et frères des pays voisins qui voient le théâtre de leur vie se jouer dans ces zones frontalières particulièrement exposées, source à la fois de grande opportunités mais aussi de grandes menaces", a indiqué M. Saidou Halidou.
Après avoir rappelé les défis auxquels le Niger fait face dans ses zones frontalières et qui sont aujourd'hui amplifiés par les menaces sécuritaires de tout genre, le SG du ministère de l'Intérieur a estimé qu'aller vers une gouvernance et une gestion efficace des frontières, qui doivent être à la fois fluides et bien contrôlées pour assurer les droits des voyageurs et maintenir la sureté du territoire national, est donc indispensable pour garantir une migration humaine et ordonnée, faire fructifier les avantages liés à la mobilité transnationale mais limiter en même temps les menaces dans les zones frontalières et sur l’ensemble du territoire national. "Le potentiel des frontières doit être exploité en tant que ressource pour la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que pour une plus grande intégration et le développement socio-économique de la région et du Niger, comme le prône l’Union Africaine", a souligné M. Saidou Halidou qui n'a pas manqué de rappeler que le gouvernement nigérien a depuis plusieurs années démontré sa détermination à promouvoir une gestion intégrée des frontières en prenant part aux initiatives régionales dans ce sens et en en élaborant des stratégies nationales, exécutées avec le concours des partenaires techniques et financiers. Dans ce cadre, a-t-il indiqué, " nous avons déjà affirmé que les solutions sécuritaires ne pouvaient être appréhendées sans des mesures de développement les accompagnant, pour assurer la stabilité et la prospérité des bandes frontalières ". C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, " nous accueillons avec plaisir cette initiative de l’Organisation Internationale pour les Migrations car c’est pour nous l’occasion de voir rassemblées les autorités régionales, gouvernementales, et nos partenaires techniques et financiers à tous les niveaux pour partager les connaissances, les succès et défis de la Police Nationale et de ses alliés, mais aussi de l’unité de gestion des frontières de l’OIM dans le contexte du Niger afin de favoriser la coordination entre tous les acteurs et dresser les recommandations pour les temps à venir, à la lumière des enjeux régionaux et national ". "La variété des contextes au Niger nous incite à avoir un regard particulier sur chacune des régions, selon ses spécificités et ses enjeux, raison pour laquelle je salue tout particulièrement l’implication des Gouverneurs des 8 régions du Niger", a tenu à mettre en exergue le SG du ministère de l'Intérieur qui a terminé ses propos en transmettant ses remerciements aux acteurs étatiques, civils, traditionnels, des forces de sécurité intérieure (FSI), mais aussi aux partenaires au rang desquels l’OIM pour leur engagement sans faille et leur action soutenue en faveur de la préservation et du maintien de la paix.
Des échanges enrichissants et des recommandations pertinentes
Peu après la cérémonie officielle, les travaux de la Conférence ont proprement débuté avec une série de communication sur plusieurs thématiques notamment " les acquis et les perspectives de la gouvernance et la gestion des frontières au Niger " ainsi que les " enjeux liés à paix et la stabilité dans les zones frontalières au Niger dans le contexte régional ". Les présentations ont été faites par des experts de l'OIM Niger et l'Unité en charge de la gestion des frontières, de la Commission nationale des frontières (CNF), de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP), de l'OCDE ainsi que des autorités locales, des responsables de la Direction de surveillance du territoire (DST) ainsi que des consultants.
Par la suite, il a été procédé au lancement officiel du nouveau projet financé par le Royaume de Belgique ainsi qu'à la présentation et à la validation de l’étude d’impact.
Après des échanges enrichissants, la Conférence s'est clôturée sur une note de satisfaction au regard de la qualité des travaux ainsi que des perspectives dégagées par les participants.
Abdoul Wahab Issaka (actuniger.com)