Niger : de l’eau dans le gaz à la Soraz ?
Née d’un contrat conclu entre l’État et la société chinoise CNPC, la Société de raffinage de Zinder qui exploite et transforme le pétrole dans la région d’Agadem, dans le sud du Niger, est dans une mauvaise passe. Combien de temps tiendra-t-elle ?
Depuis novembre 2011, à une quarantaine de kilomètres de Zinder, la China National Petroleum Corporation (CNPC) exploite les champs pétrolifères et la raffinerie d’Agadem, qui ont permis au Niger de devenir producteur de pétrole, de ne plus avoir besoin d’en importer et même d’envisager d’en vendre aux pays voisins. Coentreprise entre la CNPC (60 % du capital) et l’État nigérien (40 %), la Société de raffinage de Zinder (Soraz) a créé plusieurs centaines d’emplois dans la région et compensé le ralentissement du marché de l’uranium. Mais elle n’a toutefois pas généré de renversement structurel, d’autant que les objectifs visés ont dû être revus à la baisse à cause de l’effondrement des cours des produits pétroliers, mais pas seulement.
« On extrait beaucoup de pétrole, mais on ne le vend pas… »
À l’image de la route en très mauvais état qui dessert l’usine, l’activité de la Soraz s’est dégradée. La guerre contre Boko Haram au Nigeria voisin a rendu difficile l’acheminement de ses produits comme le super, le gasoil, le GPL et le kérosène vers les pays de la sous-région.
Si durant les deux premières années d’exploitation une moitié de la production partait à l’export, elle reste désormais confinée au Niger. « On extrait beaucoup de pétrole, mais on ne le vend pas », déplore Dardaou Zanaidou, 41 ans. Juriste de formation, originaire de Zinder, cet ancien député du PNDS-Tarayya (au pouvoir) était directeur des ressources humaines de la Soraz avant d’en être nommé directeur général adjoint, en janvier 2015. Sa mission : sauver l’entreprise.
Nouveaux statuts
« Il y a trop d’impayés, poursuit-il. Nous avons un problème avec la Société nigérienne des produits pétroliers [Sonidep], l’entreprise publique chargée de récupérer l’argent. Et nous avons accumulé d’énormes crédits avec la CNPC qui, elle, s’occupe de l’extraction et nous met beaucoup de pression. Par ailleurs, le prix de cession des produits est devenu tellement bas que l’on vend toujours à perte. »
Alors que la capacité de traitement installée de la Soraz est d’environ 1 million de tonnes de brut par an (soit environ 20 000 barils/jour de produits raffinés, dont 7 000 destinés à la consommation intérieure), elle en a traité à peine 740 000 tonnes en 2015, accumulant ainsi un déficit de 58 milliards de F CFA (88,4 millions d’euros). La production de brut a reculé de 12,7 %, et celle de produits raffinés de 7,6 %. La même année, un projet de licenciement collectif a provoqué une levée de boucliers chez les quelque 430 employés nigériens de la société. Grèves et débrayages ont alors sérieusement menacé la survie de l’entreprise, mais le gouvernement a finalement rejeté le plan de restructuration.
Aujourd’hui, il n’est plus question de licenciements. Après la mise en place de nouveaux statuts pour le personnel, le relèvement des salaires, en cours, et une aide pour le transport et le logement, l’entreprise semble avoir retrouvé une certaine sérénité. Mais jusqu’à quand pourra-t-elle tenir ? Et si la Soraz continue de s’endetter, la CNPC n’aura-t-elle pas intérêt à se désengager du capital ? Pour l’instant, il n’en est pas question, mais le risque est bel et bien là.
Pour éviter la faillite, la direction de l’entreprise est actuellement en pourparlers avec le gouvernement afin de s’occuper elle-même de la vente des produits raffinés, sans passer par la Sonidep. « Le principe est déjà acquis et des postes seront créés pour mieux renforcer la gestion », confirme Dardaou Zanaidou. Le vent pourrait bien tourner dans le bon sens : Boko Haram montre des signes de faiblesse et un projet de pipeline pour acheminer les produits de la Soraz vers le Bénin est à l’étude.
Jeune Afrique
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