À Niamey, un Forum national pour armer les radios communautaires face à la désinformation et protéger la cohésion sociale

Alors que la désinformation gagne du terrain et menace la cohésion nationale, Niamey a accueilli du 25 au 27 novembre dernier au Palais des Congrès, le Forum national sur la communication inclusive et responsable, consacré au rôle des radios communautaires, des autorités et des leaders locaux dans la consolidation de la paix et la gouvernance locale. Une initiative stratégique du Ministère de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information, appuyée par l’UNICEF, pour réaffirmer la place décisive de ces médias de proximité dans la promotion d’une information fiable, apaisée et tournée vers les communautés.
Événement voulu stratégique par les autorités à un moment où l’information, devenue un véritable champ de bataille, influence autant la cohésion des communautés que la stabilité des institutions, le forum a été placé sous le haut patronage du Premier ministre, M. Ali Mahamane Lamine Zeine. La cérémonie a été présidée par le ministre d’État, ministre de l’Intérieur, le Général de Division Mohamed Toumba, assurant l’intérim du chef du gouvernement. Autour de lui, plusieurs membres du Gouvernement, des représentants du CNSP et des partenaires dont l’UNICEF ont marqué leur présence, signe d’un engagement commun en faveur d’un espace médiatique national solide, fiable et enraciné dans les réalités locales.
Un réseau de plus de 200 radios au cœur de la lutte contre la désinformation
Dans son allocution d’ouverture, le Général de Division Mohamed Toumba n’a pas manqué de rappeler le rôle central des radios communautaires dans un Niger où plus de 200 stations maillent désormais villes, villages et hameaux reculés. Une présence extensive qui en fait, selon lui, « un puissant levier » de sensibilisation, de prévention et de cohésion.

« L’infrastructure communicationnelle est en place. Il appartient désormais aux acteurs locaux – autorités coutumières, administratives, société civile, opérateurs économiques – d’en faire un usage responsable », a-t-il insisté, non sans évoquer les risques croissants de manipulations orchestrées depuis l’étranger. Le ministre d’État a dénoncé les « assauts médiatiques mensongers » visant l’espace AES, regrettant une volonté manifeste de saper les institutions par la diffusion de contenus biaisés ou alarmistes.
Cette mise en garde n’est pas anodine. Dans un contexte sahélien fragilisé par l’extrémisme violent, les campagnes de désinformation se sont multipliées, profitant des failles d’un environnement numérique encore peu régulé et d’une opinion parfois exposée à des contenus sensationnalistes. Pour le ministre d’État, l’enjeu dépasse largement la gouvernance locale : « À l’échelle planétaire, l’information fait partie de la bataille d’influence. C’est un outil que les puissances, et parfois les groupes mal intentionnés, savent manier avec adresse. »
Former, encadrer, professionnaliser : un impératif devenu urgence
Le forum, prévu sur trois jours, doit permettre un partage d’expériences et la formulation de recommandations concrètes pour renforcer les pratiques professionnelles des animateurs et journalistes de proximité.
Le ministre de la Communication et des NTI, M. Adji Ali Salatou, a insisté sur la nécessité d’« améliorer la qualité de l’information publique », alors que le Niger connaît une montée inquiétante de rumeurs, d’intox et de manipulations relayées par les réseaux sociaux.
Pour lui, les radios communautaires constituent la première ligne de défense : « Elles possèdent une légitimité sociale incomparable, un ancrage profond, une capacité unique à dialoguer avec les populations. »
Le ministre a également replacé ce forum dans un agenda national plus large : celui d’un Niger qui cherche à consolider son modèle de gouvernance, renforcer sa diplomatie et mieux structurer son économie. « Pour accompagner ces mutations, il faut un système de communication plus moderne, plus professionnel et plus responsable », a-t-il ajouté.
UNICEF : les radios communautaires, des voix qui sauvent et qui relient le Niger
Parmi les partenaires présents, l’UNICEF a livré un message fort sur l’importance stratégique des radios communautaires.
La Représentante résidente, Mme Djanabou Mahondé, a ouvert son intervention par une anecdote marquante, inspirée d’une rencontre sur le terrain avec Hadja Awa, animatrice d’une radio locale. « Quand je parle au micro, j’ai l’impression de m’adresser à chaque foyer. La radio entre dans toutes les maisons, même là où il n’y a ni école ni route », lui avait confié l’animatrice. Une phrase que Mme Mahondé a qualifiée de "lumière", tant elle résume la portée immense de ces radios : un simple micro, un petit studio… mais une voix qui traverse les distances et touche les consciences.
Saluant l’engagement du Gouvernement et des professionnels des médias, la Représentante de l’UNICEF a rappelé que le rôle des radios communautaires dépasse largement l’information. « Vous êtes les premiers relais, les premiers témoins, parfois même les premiers secouristes des consciences », a-t-elle insisté.
Grâce à elles, les droits de l’enfant prennent forme au quotidien : l’allaitement maternel est expliqué, la vaccination comprise, l’éducation des filles valorisée, les violences dénoncées. Dans de nombreuses localités éloignées, ces radios demeurent la seule source d’information fiable, la seule voix en laquelle les habitants accordent une véritable confiance.

Mme Mahondé a également réaffirmé l’engagement de l’UNICEF aux côtés de ces radios : renforcement des formations, appui à la création de contenus, mise à disposition d’équipements, soutien au réseautage et plaidoyer pour des mécanismes de financement durables.
« Tant que vos voix porteront, l’espoir portera avec elles », a-t-elle conclu, saluant le courage, la créativité et la résilience de celles et ceux qui font vivre les ondes dans les villages, les quartiers et les hameaux les plus éloignés du Niger.
Un enjeu de cohésion, mais aussi de civilisation
L’évolution rapide du paysage médiatique n’a pas seulement modifié les habitudes d’information ; elle a aussi transformé les repères culturels et sociaux. Le gouverneur de la région de Niamey, le Général de Division Assoumane Abdou Harouna, l’a rappelé dans son mot de bienvenue : « Il est très facile de passer d’une culture où les normes sont clairement définies à une culture où les idées et les images circulent dans une mosaïque déconnectée et décivilisée. »
Un avertissement qui résonne fortement dans un contexte mondial marqué par la prolifération des contenus non vérifiés, des montages, et des discours radicaux soigneusement diffusés pour provoquer tensions ou incompréhensions.
Un forum pour repenser la communication nationale
Au-delà des discours, ce forum ambitionne de jeter les bases d’une nouvelle approche de la communication de proximité, articulée autour de trois axes majeurs :
- Renforcer la cohésion sociale et la résilience communautaire,
- Promouvoir une information équilibrée, apaisée et rigoureuse,
- Protéger l’espace médiatique national des ingérences et manipulations extérieures.
La démarche épouse les orientations récentes du Président de la République, le Général d’Armée Abdourahamane Tiani, dont les visites de terrain dans les zones les plus reculées traduisent une volonté de renouer avec une communication de proximité, directe, dépouillée de filtres, destinée à rendre compte des nouveaux paradigmes de la relation du Niger au monde.
À l’heure où les crises sécuritaires et sociales exigent plus que jamais des médiations fiables, la tenue de ce forum marque une étape importante pour un pays qui mise sur ses propres forces et ses propres voix. En réunissant journalistes, autorités locales, leaders traditionnels et partenaires techniques, le gouvernement entend consolider un front national contre la désinformation, mais également renforcer la place des radios communautaires comme instruments de paix, de gouvernance et de développement local.
Dans les couloirs du Palais des Congrès, les discussions se prolongent entre animateurs, techniciens et responsables coutumiers. Entre quelques accolades et des débats techniques sur la rigueur des grilles de programmes, une conviction se dégage : la radio, dans sa simplicité et sa proximité, demeure un outil irremplaçable pour porter la voix des communautés, défendre leurs intérêts et préserver leur cohésion.
Le défi, désormais, est de transformer ces trois jours d’échanges en une dynamique pérenne. Une dynamique qui permettra au Niger de disposer d’un espace médiatique plus robuste, plus lucide et plus fidèle à ses réalités. Une dynamique où l’information ne sera plus seulement un droit, mais aussi un pilier de stabilité et un moteur de progrès collectif.


Abdoulkarim (actuniger.com)





