Monsieur le Président, l’avion présidentiel n’a pas été acheté sur fonds propres de l’Etat, mais grâce à un prêt d’une société financière des Iles Caïman
Je dois vous venir que cette fois-ci, je crois bien que je vais bientôt jeter l’éponge. Je n’en peux plus de jouer ce rôle ingrat alors que celui que je sers semble sur une autre planète, dans l’ignorance totale des sujets de préoccupation sociale et politique dont je l’entretiens depuis des mois.
Je n’en peux plus de continuer à servir quelqu’un qui semble sourd et muet face aux fracas du Niger qui est en train de s’effondrer, financièrement, politiquement et socialement. Aussi, c’est avec amertume et désolation que je vous annonce, avec tous les respects que je dois a l’institution que vous incarnez, ma décision d’arrêter cette perte de temps, d’énergie et, ma foi, d’intelligence.
Ce travail, je m’y suis investi avec abnégation, espérant que vous en tirerez le meilleur pour une gouvernance honnête et digne pour le Niger. Hélas, je constate que vous n’en avez que faire. Quant à moi, de ce travail, je n’ai tiré que haine et mépris. C’est certes un énorme gâchis, mais qui m’a toutefois permis de voir combien l’âme humaine est corruptible et à quel point le discours peut être trompeur. Jamais aucun pouvoir n’a connu autant de scandales au sommet de l’Etat que sous votre magistère. Tenez, j’ai eu la preuve que l’achat de l’avion présidentiel est un autre scandale qui ferait tomber n’importe quel gouvernement en Occident. Votre gouvernement, et même des députés de la majorité qui vous soutiennent au détriment des intérêts du Niger et de son peuple, ont vociféré des jours durant, sur le non-lieu des récriminations de l’opposition politique. Et pourtant, je viens de découvrir que ce sont des mensonges sur toute la ligne. En attendant de vous entretenir de ce nième drame pour le Niger, je m’interroge sérieusement sur les motivations réelles de ces représentants du peuple qui aident, consciemment ou inconsciemment, à gruger l’État.
Monsieur le Président, contrairement à ce que vous avez prétendu et défendu becs et ongles, y compris à l’hémicycle, l’avion présidentiel n’a pas été acheté sur fonds propres de l’État. Il a été acheté grâce aux bons offices d’une société financière basée à Dubai qui a payé, sous forme de prêt remboursable avec 6% d’intérêts. Les fonds propres de l’État du Niger s’élèvent à 22 millions de dollars. Alors, où sont passés les crédits régulièrement inscrits dans trois lois de finances, selon le député Ghousmane. N’y a-t-il pas double usage de fonds ? Le Niger, ma foi, va doublement payer cet avion que vous avez tenu à acheter malgré les conditions désastreuses dans lesquelles vivent vos compatriotes. J’ai découvert que, sur toute la ligne, ce sont des mensonges grossiers qui ont été servis au peuple tandis que, probablement, des gens tapis au sein de votre pouvoir, se remplissent les poches avec les fonds publics. J’ai découvert que pour acheter cet avion, vous n’avez pas curieusement suivi les procédures normales. Vous avez volontairement écarté le ministre des Finances, Gilles Baillet, au profit d’un homme qui saura, avec quelques subsides, garder le silence comme une carpe. Comme dans l’affaire dite « Minutes de discussion de Paris » dont les Nigériens ont vu les conséquences avec le renvoi aux calendes grecques d’Imouraren et la mise au chômage de milliers de nos compatriotes, vous avez choisi d’opérer hors des réseaux formels et officiels en confiant l’achat de l’avion à votre propre directeur de Cabinet. Je dois vous dire que plus aucun Nigérien ne vous croira, sauf à considérer que le Niger est une vache laitière et que ceux qui y vivent constitue un bétail électoral à qui il suffit, le moment opportun, de jeter quelques jetons volés. C’est un scandale de plus, monsieur le Président. Un scandale de trop ! Le Niger ne peut pas continuer à souffrir ainsi, dans l’insouciance de ceux qui sont chargés de le conduire vers des lendemains meilleurs. J’ai remarqué, et ce n’est certainement pas un hasard, que la transaction d’achat de l’avion s’est passée dans un des plus grands paradis, à savoir les Iles Caïman. Il reste à présent, d’une manière ou d’une autre, que tous ceux qui ont joué un rôle dans cette sombre affaire rendent compte. Et croyez-moi, nul n’est au dessus de la loi, c’est juste une question d’opportunité. Monsieur le Président, je suis sincèrement scandalisé. Comme moi, des milliers d’autres compatriotes sont choqués et demandent des comptes. Vous ne pouvez pas vous taire sur cette gravissime affaire, même si, moi, je vous comprends. C’est vous qui avez mandaté votre directeur de Cabinet pour engager la responsabilité de l’État du Niger dans une affaire aussi sale. Je comprends également les députés de votre majorité, lorsqu’ils pensent pouvoir vous tirer d’affaire en recourant aux services d’un juge qui sera probablement choisi parmi mille. Mais, c’est peine perdue. Aucun magistrat n’acceptera de se compromettre en faisant le sale boulot. Le déballage est désormais dans la rue et il n’est plus possible de camoufler la vérité. Je plains, donc, ceux qui, à l’image du député Assoumana Malam Issa, qui bousillent leur avenir en cherchant à défendre l’indéfendable. Je les plains vraiment. Cependant, à partir de cette semaine, je présume qu’ils vont avoir l’humilité et la décence de garder le silence dans cette histoire qui est désormais claire comme de l’eau de roche.
Le Monde d'Aujourd'hui
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