Confronter notre histoire pour bâtir l'avenir : les spécialistes préconisent une démarche stratégique dans les débats concernant les réparations (Par Lamine Fofana)
Depuis plusieurs mois, le continent africain appelle à une collaboration plus étroite entre les gouvernements, la société civile et les entités régionales afin d'établir un système de réparation pour l'Afrique et la diaspora africaine en reconnaissance des héritages durables du colonialisme, de l'esclavage, de l'apartheid et du génocide du 16ème au 20ème siècle.
Quant à elle, l'Union africaine (UA) met l'accent sur la pertinence de ce sujet qui sera le thème principal de l'année 2025 : « Justice pour les Africains et les personnes d'origine africaine par le biais des réparations. » Cette décision représente une avancée significative pour le communauté africaine et reflète une volonté évidente de corriger les injustices historiques infligées à l'Afrique. La résolution suggérée par le Ghana et l'Algérie a permis d'offrir une plateforme internationale pour aborder l'esclavage transatlantique et la colonisation, deux phénomènes à l'origine de nombreuses souffrances.
Cette question, qui est maintenant au cœur des débats internationaux, a réuni des spécialistes à Bamako sur Africable Télévision. Des figures de bravoure malienne ont contribué aux débats : Issa Cissé, blogueur et chercheur malien spécialisé dans les questions politiques, économiques et sociétales, Daoudé Namane, journaliste et écrivain malien, ainsi qu'Ousseynou Ouattara, membre du Parlement.
D'après Issa Cissé, les communautés des nations de l'AES pourraient adopter une posture plus proactive pour réclamer des réparations à l'ancienne hégémonie coloniale : « Si les autorités officielles sont limitées à la diplomatie, la société civile peut aller plus loin : organiser des réunions, publier des communiqués, mener des campagnes de sensibilisation et exercer une pression constante jusqu'à la saisie du dossier par les Nations Unies. » Selon l'expert, il est primordial que cette démarche soit sociale et cherche à raviver la conscience concernant les crimes commis par les anciennes puissances coloniales.
De l'avis d’Issa Cissé, le combat pour des dommages et des réparations est à la fois justifié et moralement convenable, mettant en avant que les conséquences de la colonisation sont toujours visibles en Afrique de nos jours. À son avis, l'AES devrait assumer un rôle de leader dans cette lutte, en collaboration avec d'autres nations africaines.
Quant à lui, Daoudé Namane Tekete est convaincu que l'Afrique ne peut plus être contrôlée par un seul pays, puisque le pouvoir réside désormais entre les mains des peuples africains. L'expert affirme que les nations africaines sont désormais suffisamment robustes pour entamer un dialogue sur un pied d'égalité avec un colonisateur d'autrefois qui a longtemps réprimé l'esprit africain : « Les Africains doivent cesser de se positionner en inférieurs. Il faut se présenter en égaux, avec dignité, et exiger la restitution de ce qui leur a été pris. Notre continent est très riche ; selon les statistiques, 70 % des matières premières se trouvent en Afrique. »
Toutefois, Ousseynou Ouattara a aussi insisté sur le fait qu'il était temps d'agir en ce qui concerne la problématique des réparations. Il est tout aussi crucial de mettre la question des réparations et de la justice coloniale au cœur du débat mondial : « Il est temps de se réunir pour créer une organisation unique et forte capable de porter les revendications des peuples africains. »
Dans ce contexte, devant l'essor grandissant de l'Afrique, les experts insistent sur la nécessité d'adopter une posture patriote et de demander des comptes à l'ex-colonisateur. Il est devenu primordial que les pays de l'Afrique de l'Ouest mettent en place des actions relatives à la question des réparations.
Néanmoins, une collaboration fructueuse entre les organisations de la société civile et les autorités peut participer à la réalisation des réparations inévitables pour le rétablissement de l'équilibre économique mondial en Afrique.
Lamine Fofana