LE DROIT A L’EDUCATION AU NIGER ET LES OBLIGATIONS DES PRINCIPAUX ACTEURS (Par Moustapha Liman Tinguiri)
L’éducation n’est pas un privilège. C’est un droit fondamental de l’Homme indispensable au développement du bien-être individuel et collectif. L’éducation permet à chacun, jeune ou adulte, d’apprendre à lire, écrire, recevoir une instruction et de s’épanouir dans sa vie sociale. Elle a pour finalité d’améliorer la qualité de vie de toute population, en contribuant à la stabilité sociale par la réduction de la pauvreté, l’amélioration de la santé et la promotion de l’égalité des sexes.
L’article 26 de la déclaration universelle des droits de l’Homme proclame :
« 1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants ».
Le Niger a ratifié la plupart des conventions et traités internationaux en matière des droits et a clairement indiqué dans l’article 12 de La Constitution de la VIIème République que : « Chacun a droit à la vie, à la santé, à l’intégrité physique et morale, à une alimentation saine et suffisante, à l’eau potable, à l’éducation et à l’instruction dans les conditions définies par la loi. L’Etat assure à chacun la satisfaction des besoins et services essentiels ainsi qu’un plein épanouissement. Chacun a droit à la liberté et à la sécurité dans les conditions définies par la loi ».
L’article 2 de la LOI n° 98-12 du 1er juin 1998, portant Orientation du Système Educatif Nigérien, LOSEN, stipule que « L'éducation est un droit pour tout citoyen nigérien. L'Etat garantit l'éducation aux enfants de quatre (4) à dix-huit (1 8) ans ». L’article 8 précise que « Le droit à l'éducation est reconnu à tous sans distinction d'âge, de sexe, d'origine sociale, raciale, ethnique ou religieuse. Le Niger réaffirme le respect de ses engagements souscrits en matière d'éducation ».
Le but ultime de l’éducation, pour notre pays est libellé comme suit par l’Article 9 de la LOSEN : « L'action éducative doit s'accorder à tous les niveaux avec les impératifs du développement économique, social et culturel du Niger ».
Le droit à l’éducation est aujourd’hui reconnu et réaffirmé dans tous les pays du monde. Mais, en dépit des progrès de la scolarisation, un grand nombre d'enfants surtout en Afrique, ne sont pas scolarisés ou achèvent très tôt leur scolarité et l’analphabétisme des adultes, défini comme le pourcentage de la population âgée de 15 et plus qui ne sait pas lire ni écrire, reste élevé.
Selon l’institut statistique de l’UNESCO le taux d’alphabétisation continue de progresser dans le monde: 871 millions de personnes ne savent ni lire, ni écrire correctement en 1994, contre 780 millions en 2020. Mais malheureusement et à contrario, l’UNESCO constate parallèlement, qu’il y a de plus en plus d’enfants qui ne vont plus à l’école dans le monde et l’Afrique subsaharienne est la région qui compte la plus grande proportion d’enfants non scolarisés avec 98 millions sur 244 millions pour l’ensemble du monde en 2022.
Concernant le Niger, le 8 septembre 2022, en célébrant la journée internationale de l’alphabétisation, le Ministre de l’éducation nationale, Pr Ibrahim Natatou a reconnu qu’il reste beaucoup à faire pour éradiquer l'analphabétisme car : « 2.626.576 enfants et d’adolescents sont hors école et 7 adultes sur 10 qui ne savent ni lire, ni écrire avec un taux d'analphabétisme de 68,9 % en 2021 »
Compte tenu de l’évolution et des mutations aux plans économique et social, il y a lieu de rappeler les devoirs de responsabilité des principaux acteurs du système éducatif, notamment les apprenants, les enseignants, les parents d’élèves et l’Etat, et mettre tous ces protagonistes face à leurs obligations.
- Les apprenants-
Les élèves et étudiants doivent avant tout être disciplinés et bien travailler au regard des sacrifices consentis par l’Etat et leurs parents ou tuteurs. Ils doivent être soucieux de leur avenir, avoir le goût de l’effort et un bon comportement vis-à-vis de l’administration scolaire ou académique, des enseignants et de leurs camarades, tout au long des études.
En ce sens, l’Article 52 de la LOSEN indique que : « Les obligations des élèves et des étudiants consistent à accomplir les tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent l'assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective dans les établissements. Dans les établissements d'enseignement moyen et supérieur, les élèves et étudiants jouissent de la liberté d'expression. L'exercice de cette liberté ne doit pas porter atteinte aux activités d'enseignement». Et l’Article 53 de préciser que : « Les élèves des enseignements moyen et supérieur ont le droit de créer des associations dans les desseins de défendre leurs droits et intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels et ce, dans le strict respect des textes et des lois en vigueur ».
Depuis la décennie 1980 et jusqu’au temps présent, tout le monde peut observer qu’il y a une crise multiforme de valeurs qui affecte notre société et plus particulièrement le système éducatif. L’école est impactée négativement par diverses mutations liées à l’évolution de la gouvernance administrative, l’attitude de désintérêt, de « démission » et ou du manque de suivi des études par de nombreux parents, la dégradation des mœurs induite par le développent des chaînes de télévisions et des réseaux sociaux véhiculant des modes de vie qui nous éloignent des réalités et des valeurs nationales et qui entrainent une réduction du temps que les jeunes consacrent aux études.
L’État, garant de la qualité de l’éducation et de la formation, doit Analyser ces mutations, en concertation avec tous les autres acteurs et partenaires de l’école, et prendre toutes les dispositions indispensables pour améliorer le système éducatif.
- Les Enseignants-
Ne doit pas être enseignant n’importe quel diplômé, si l’on aspire à un système éducatif de qualité. L’enseignant de métier doit disposer de diplômes disciplinaire et pédagogique. Les enseignants, des jardins d’enfants à l’Université, ont l’obligation d’assurer les programmes officiels et se conformer aux horaires en vigueur. Ils doivent donner aux apprenants les connaissances, les compétences, les savoir-faire, mais aussi les sensibiliser sur les bonnes manières de vivre en société notamment le respect des droits de l'homme, de l’état de droit selon les niveaux par des cours de morale ou d’instruction civique, l’étude de textes, de livres ou de débats sur des thèmes appropriés. Les enseignants doivent aussi échanger avec les parents d’élèves sur les comportements, difficultés et réussites des apprenants. Par leur comportement professionnel exemplaire, fondé sur l’éthique et le respect de la déontologie du métier d’enseignant, ils doivent être des « modèles » pour leurs élèves en s’acquittant de toutes les charges qui relèvent de leurs fonctions, définies par les textes règlementaires et les instructions officielles.
Il faut mettre Enseignants et Élèves, dans de bonnes conditions en améliorant leur cadre de travail : salles de classes en matériaux définitifs et tables-bancs en nombre suffisant, des équipements, manuels, matériels d’ouvres, des bibliothèques et des blocs sanitaires fonctionnels et répondant aux normes. Les enseignants bien formés et disposant des compétences et de la vocation, ont l’amour d’enseigner et contribuent par de bons rendements au développement ou à la construction du pays.
Mais il faut au-delà de la formation, un statut qui valorise la fonction enseignante, des salaires et primes permettant de vivre décemment et un plan de développement de carrière.
- Les Parents-
Les parents ont toujours été et resteront les premiers éducateurs des enfants. Les parents d’élèves et d’étudiants ont des relations permanentes avec les établissements scolaires aux niveaux local, régional et national grâce aux structures de partenariat comme l’Association des Parents d’Elèves, l’Association des Mères Educatives, les Comités de Gestion Scolaire. Mais, il y a lieu face aux nombreux défis de l’éducation de redynamiser ces structures partenariales. Il faut également renforcer de la relation école/parents et faire en sorte que de nombreux parents suivent régulièrement la scolarité de leurs enfants à domicile et rencontrent le plus souvent les enseignants et l’administration scolaire et pas seulement à l’issue de la proclamation des résultats des examens ou des décisions de passage/redoublement/exclusion.
Il tout aussi important et impératif de restructurer le DECRET n° 99-393/PCRN/MEN du 23 septembre 1999, déterminant la composition et le fonctionnement du Conseil National (CNE), des Conseils Régionaux (CRE) et Sous Régionaux de l’Education (CSRE) et de faire revivre ce cadre qui joue un rôle considérable de concertation de l’ensemble des partenaires de l’Education. Il est aujourd’hui plus que nécessaire de donner un second souffle à ce décret en revoyant la composition des membres statutaires, en rapport avec situation du moment et avec de nouveaux principes. Il est indispensable de regrouper annuellement l’ensemble des acteurs de l’Education pour que tous les acteurs s’accordent de manière solidaire à apporter régulièrement les correctifs appropriés pour une éducation de qualité et chaque acteur principal assume ses responsabilités.
L’existence de cette structure vise à impliquer davantage tous les partenaires dans le processus du développement de l’école, dans l’intérêt de la nation.
- L’État-
La ratification du traité relatif au droit à l’éducation impose aux Etats de mettre en œuvre ce droit en assumant les obligations et devoirs suivants :
- Interdire toute discrimination dans l’accès à l’éducation et assurer un enseignement primaire gratuit et obligatoire,
- Rendre accessible à tous l’enseignement secondaire, y compris l’enseignement et la formation techniques et professionnels, avec une instauration progressive de la gratuité
- Respecter la liberté des parents de choisir pour leurs enfants des écoles conformes à leurs convictions morales et religieuses,
- Prendre des mesures pour assurer au maximum des ressources de l’Etat, le plein exercice du droit à l’éducation.
Le Manuel sur le droit à l’éducation de l’UNESCO impose aux États des obligations à différents niveaux : le respect, la protection et la réalisation du droit à l’éducation.
- L’obligation de respect exige des États qu’ils évitent toute mesure qui entrave ou empêche la jouissance du droit à l’éducation.
- L’obligation de protection exige des États qu’ils prennent toutes mesures pour empêcher des tiers d’interférer avec la jouissance du droit à l’éducation.
- L’obligation de réalisation signifie que les États doivent prendre toutes mesures positives pour permettre aux individus et aux communautés de jouir du droit à l’éducation et ils les aident dans ce sens.
L’alphabétisation des jeunes et des adultes est un élément essentiel du droit à l’éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie. Un paragraphe important est d’ailleurs consacré à l’éducation et à l’apprentissage des adultes dans l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4).
L’alphabétisation des adultes contribue à les autonomiser en leur permettant de participer à de nombreuses activités sociales, économiques et culturelles et aura un impact certain sur l’accroissement de l’accès des jeunes à l’éducation et à leur maintien prolongé à l’école. L’élaboration et la mise en œuvre d’une politique ambitieuse d’alphabétisation des adultes contribueront sans aucun doute à l’amélioration des résultats de l’Education et un meilleur classement du Niger dans l’Indice de Développement Humain. Une politique d’alphabétisation de masse des adultes doit être initiée pour une amélioration globale et une progression rapide de l’Education au Niger.
Au-delà de « la stratégie de faire-faire », la prise en compte de l’alphabétisation des adultes à sa juste valeur est d’une importance cruciale pour le développement général de l’éducation mais aussi pour un développement économique, social et culturel, tout court. Il revient à l’Etat de garantir le droit exclusif (des jeunes et des adultes) à l’éducation en veillant sur la qualité et en dotant le système éducatif de tous les moyens nécessaires. Un enseignement de qualité permet de former les enfants, les jeunes et les adultes et les transformer en hommes de bonne moralité, conscients de leurs responsabilités, autrement dit des hommes qui accomplissent des tâches utiles à eux-mêmes et à la société.
Par Moustapha Liman Tinguiri, planificateur de l’Éducation à la retraite à Zinder