Infox et insécurité : le défi double du Niger
La propagation de fausses nouvelles est une menace pour la démocratie. Elle l’est d’autant plus en Afrique Subsaharienne, région en proie à l’insécurité, la fréquence des coups d’États et ses frontières poreuses. À ce titre, le Niger subit les effets collatéraux de la manipulation de l’information qui déstabilise l’équilibre social et politique du pays, le détournant, ainsi, des problématiques sécuritaires.
L’infox : phénomène mondial source de déstabilisation politique et sociale
L’infox est la nouvelle épidémie du moment : elle est virale et mondiale. L’appauvrissement des débats, le manque de recul et d’analyse ouvrent la porte aux scoops dont la véracité n’a pas d’importance. Il est devenu facile de manipuler l’opinion par des images ou propos sortis de leur contexte à des fins idéologiques. L’opinion publique adhère à ce qu’elle a envie de croire, sans nécessairement faire la démarche de vérifier la véracité de ces informations.
Si les fausses nouvelles constituent une menace globale pour la démocratie en général, elles sont aussi nuisibles pour la stabilité des états en particulier.
Prenons pour exemple la vidéo de Mohammed Bazoum, détournée pour faire de lui un ancien membre de la délégation des rebelles des mouvements du nord lors de la Conférence de Réconciliation Nationale entre l’État malien et les Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad (MFUA). Mohamed Bazoum était alors membre de la délégation nigérienne en tant que secrétaire d’État aux affaires étrangères. Signe de sa viralité, cette vidéo a été partagée près de 7300 fois en 5 jours.
Autre cas de figure, une photo intitulée « Niamey en ébullition », partagée des centaines de fois sur Facebook début février 2022 était supposée montrer une manifestation du 30 janvier annoncée à Niamey par le mouvement « Tournons la page à Niamey » contre le gouvernement. Il s’agissait en réalité d’une tentative d’instaurer un sentiment d’effet dominos avec les protestations qui se tenaient au Mali et au Burkina pour pousser les Nigériens dans la rue.
Médias et réseaux sociaux : des canaux difficiles à contrôler sans entraver la liberté d’expression
Les journalistes sont accusés d’avoir pleinement contribué à ce phénomène. Ils sont taxés de partialité, de médiocrité et d’agir à l’encontre de leur éthique par intérêt politique. Toutefois, à l’heure actuelle, la démocratisation des réseaux sociaux a elle aussi largement contribué à ce phénomène. Tout individu, aussi peu qualifié qu’il soit, s’improvise journaliste et peut se sentir galvanisé par les « likes et partages ». Les sources de ces infox ne proviennent pas nécessairement de personnalités connues. Il suffit de publier au bon moment pour devenir viral.
En 2020, en réponse à l’insécurité liée aux conflits ethniques, à la criminalité et au terrorisme, le Niger a adopté une loi sur l’interception des communications. Elle fait suite à la loi nationale sur la cybercriminalité promulguée en 2019 qui criminalise la diffusion et la production de données susceptibles de perturber l’ordre public. Le non-respect de ces lois expose à de lourdes amendes. D’autres initiatives sont nées des professionnels des médias, comme Nigercheck, pour inviter les internautes à vérifier leurs sources. Autrement, la solution la plus employée consiste à démentir l’information en citant la source de la fausse nouvelle.
La circulation des fausses informations est un véritable fléau qu’il faut chercher à combattre. La première des armes, c’est la vérification des informations car il faut toujours se demander à qui profite le crime.
Omar Sylla
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