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Suite à la suspension de Canal 3 Niger et au retrait de la carte de presse de Seini Amadou, les organisations socioprofessionnelles des médias du Niger montent au créneau pour dénoncer une décision qu'elles jugent "arbitraire", "injustifiée" et "inquiétante" pour la liberté de la presse. Cette mesure, prise le 17 janvier 2025 par le ministère de la Communication, des Postes et de l’Économie Numérique, fait suite à un reportage classant les membres du gouvernement par ordre de mérite. Le paysage médiatique nigérien est en effervescence, d'autant que cette décision s'accompagne de l'interpellation du journaliste. Les organisations appellent à un retour au dialogue et au respect des textes garantissant la liberté de la presse.

 

Zeyna commission0

 

Une décision sans justification légale
La mesure, prise par arrêté ministériel le 17 janvier 2025, fait suite à un reportage diffusé par Canal 3 Niger, dans lequel Seini Amadou, directeur de l’information de la chaîne, a classé les membres du gouvernement par ordre de mérite. Bien que ce type de reportage soit une tradition annuelle depuis plus d’une décennie, les autorités ont jugé le contenu "inapproprié" et ont décidé de sanctionner à la fois le média et le journaliste.
Cependant, selon le Cadre d’Actions des Professionnels des Médias (CAP-Medias-Niger), cette décision ne repose sur aucune base légale. "La suspension d’un organe de presse par l’exécutif, sans justification réglementaire, est une première dans l’histoire de la régulation médiatique au Niger", a déclaré le Moussa Moudy, membre du CAP-Medias. "Cela crée un précédent dangereux pour la liberté de la presse".

Un appel à l’accélération de la mise en place d’un organe régulateur
Les organisations professionnelles ont saisi l’occasion pour réitérer leur demande d’accélérer la mise en place de l’Observatoire national de la communication, un organe indépendant chargé de réguler le secteur médiatique. "L’absence d’un tel organe explique les dysfonctionnements et les décisions inadaptées que nous observons aujourd’hui", a-t-on souligné.
Rappelant les engagements du chef de l’État, le général Abdrahman Tiani, en faveur de la liberté de la presse, les professionnels des médias ont insisté sur la nécessité de préserver les acquis obtenus au fil des transitions politiques, notamment l’ordonnance 2010-35 portant régime de la liberté de la presse.

Une réaction en chaîne des organisations médiatiques
Le Collectif des Organisations Socioprofessionnelles des Médias du Niger (COSPROMEN) a également exprimé son indignation. Dans un communiqué, le collectif a qualifié la décision de "surprenante" et a déploré l’absence de motifs clairs dans l’arrêté ministériel. "Si le reportage en question présente des insuffisances, cela ne justifie en aucun cas la suspension d’un média et le retrait de la carte de presse d’un journaliste", a-t-il déclaré.
De son côté, l’Observatoire Nigérien Indépendant pour l’Éthique et la Déontologie (ONIMED) a condamné avec force cette décision, la qualifiant de "violation des principes de droit et de liberté de la presse". L’ONIMED a également pointé du doigt l’utilisation de textes législatifs obsolètes, issus du Conseil supérieur de la communication (CSC), un organe dissous depuis juillet 2023.

Soutien à Seini Amadou et appel à la retenue
Les organisations ont unanimement exprimé leur soutien à Seini Amadou, actuellement en garde à vue depuis samedi matin. Elles ont appelé au respect de ses droits, conformément à l’ordonnance 2010-35, et ont demandé sa libération immédiate.
Par ailleurs, tout en défendant la liberté de la presse, les professionnels des médias ont lancé un appel à la retenue et au professionnalisme. "Nous devons éviter le sensationnel et rester conformes aux règles d’éthique et de déontologie qui régissent notre métier", a déclaré Moussa Moudy, membre du CAP-Medias Niger.

Le CAP-Medias-Niger s’est dit prêt à jouer un rôle de médiateur entre le gouvernement et les médias pour résoudre ce différend. "Nous invitons le gouvernement à instaurer un cadre de dialogue permanent avec les organisations socioprofessionnelles afin de trouver des solutions aux défis qui assaillent le secteur des médias", a-t-il ajouté.

Une liberté de la presse en péril ?
Cette décision intervient quelques semaines seulement après que le gouvernement a exempté les entreprises de presse privées du régime d’imposition, une mesure saluée par les professionnels du secteur. Pour beaucoup, la suspension de Canal 3 Niger et le retrait de la carte de presse de Seini Amadou constituent un revirement inquiétant.
Alors que le Niger traverse une période de transition politique, les médias jouent un rôle crucial dans l’information des citoyens et la consolidation de la démocratie. Les organisations professionnelles appellent donc à une union sacrée pour préserver la liberté de la presse, un acquis chèrement obtenu.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Les médias nigériens, unis et mobilisés, attendent une réponse rapide et constructive pour éviter que cette crise ne dégénère en une remise en cause des libertés fondamentales. Dans un contexte régional et national fragile, la liberté de la presse reste plus que jamais un pilier essentiel de la démocratie. 

Ibrahim Issa (actuniger.com)



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