Medias : après la suspension de la Maison de la Presse, un comité pour gérer l’Association et sortir de la crise
Après la décision prise par le ministre d’État en charge de l’Intérieur en date du 31 janvier 2024 de suspendre jusqu’à nouvel ordre l’autorisation accordée à la Maison de la Presse (MDP), un comité ad-hoc a été mis en place pour gérer provisoirement les activités de l’association faitière des structures de la presse nigérienne. Composé de cadres des ministères de l’Intérieur et de la Communication, le Comité aura certainement à mener des réflexions pour réviser les textes de la Maison de la Presse afin qu’elle puisse repartir sur de nouvelles bases après la crise née du renouvellement du dernier bureau ainsi que des critiques de certains syndicats membres et professionnels du secteur de la presse à l’encontre de certains membres du bureau sortant, notamment l’ancien Président Ibrahim Harouna, taxé de servir les intérêts de l’ancien régime.
La crise qui secoue depuis plusieurs mois la Maison de la Presse a ainsi connu son épilogue suite à la décision du 31 janvier du Ministre de l’Intérieur, suspendant jusqu’à nouvel ordre l’autorisation d’exercice qui lui a été accordée suivant l’arrêté N°0308/MISPD/ACR du 22 mai 2017. Après cet arrêté de suspension, un comité ad hoc de gestion de l’Association est créé à cet effet avec comme Président le Secrétaire général du ministère de l’Intérieur et le Secrétaire général du ministère de la communication comme rapporteur. Les autres membres de ce comité sont constitués du Directeur général des affaires publiques et juridiques (DGAPJ) ainsi que celui des Libertés publiques (DLP) du ministère de l’Intérieur et le Directeur de la législation du ministère de la Communication, de la Poste et de l’Économie numérique.
Cette décision fait suite à la lettre du ministère de la Communication du 29 décembre dernier portant révocation du Conseil d’administration ainsi que du Bureau de la Maison de la Presse, qui étaient du reste en fin de mandat.
Le bureau sortant, qui était en fin de mandat, avait convoqué à deux reprises une assemblée générale afin de procéder à l’élection des nouveaux membres, mais les deux convocations avaient été suspendues par le ministère de l’Intérieur qui avait, entre autres, évoqué le risque de « troubles à l’ordre public ».
C’est justement le renouvellement des membres du Bureau et du Conseil d’administration sortant qui a été à la base de la crise larvée qui couvait entre le Président sortant, Ibrahim Harouna, et le ministère de la Communication.
À plusieurs reprises, le Président sortant a été mis en cause par des structures membres de la Maison de la Presse dans sa gestion des affaires et surtout ses prises de positions qualifiées de politiciennes, surtout au lendemain des évènements du 26 juillet 2023 et l’avènement au pouvoir des militaires du CNSP. Considéré comme proche de l’ancien régime, il est accusé de manœuvrer pour passer le relai à un de ses « amis », alors que d’autres professionnels du secteur convoitent la place en profitant du nouveau contexte politique actuel avec le changement de direction intervenu à la tête du pouvoir.
Lors de la célébration, le 03 novembre dernier, de la dernière édition de la Journée nationale de la Presse, il a été publiquement accusé par le ministre de la Communication Sidi Mohamed Raliou, de donner une lecture biaisée de la situation de la liberté de la presse au Niger au lendemain du coup d’État militaire.
Dans une réaction aux médias internationaux, après l’annonce de la décision des autorités de transition, l’ancien Président du Conseil d’administration a dit avoir été « surpris » par cet arrêté du ministère de l’Intérieur qui met à la tête d’une association de la presse des cadres de l’administration. « Nous sommes surpris, comme tout un chacun, de recevoir cette décision du ministère de l'Intérieur qui intervient dans un contexte où vraiment le bureau du conseil d'administration de la Maison de la presse est effectivement en fin de mandat. Malheureusement, à chaque fois que nous avons lancé les invitations pour l'organisation de cette assemblée générale, nous avons reçu l'interdiction du même ministère de l'Intérieur pour tenir ces assises-là » a-t-il réagi au micro de la DW, précisant que l'association devait organiser une assemblée générale depuis le mois de novembre. « On veut mettre des gens à la tête de cette organisation qui ne vont rien dire, qui vont se taire face à tout ce qui peut advenir en ce qui concerne la liberté de la presse dans notre pays. Nous ne pouvons pas laisser et regarder violer la liberté de la presse et la liberté d’expression dans notre pays, qui empêche les journalistes de faire notre travail. Donc, malheureusement, c’est ce travail qu’on ne veut pas que nous fassions, et on veut qu’on mette des gens à la tête de cette organisation qui ne vont rien dire, qui vont se taire face à tout ce qui peut advenir en ce qui concerne la liberté de la presse dans notre pays », a-t-il aussi déclaré à RFI.
Dans un communiqué publié mercredi 31 janvier 2924, le Syndicat National des Professionnels de la Presse Écrite et de l’Audiovisuelle (SYNAPPEAN), a salué la décision du gouvernement relative à la suspension de l’autorisation d’exercice de la Maison de la Presse du Niger. Le Syndicat a saisi l’occasion pour dénoncer « les traitements dégradants, et injustes » auxquels font face les professionnels des médias privés du Niger, avant de fustiger « le comportement peu orthodoxe des anciens membres du Conseil d'Administration de la Maison de la Presse, qui au lieu de s'intéresser des conditions de vie et de travail des professionnels des médias au Niger, se sont plutôt intéressés à des prises de positions politiques, comme en atteste la participation de certains de ces membres à la manifestation du 26 Juillet pour réclamer le rétablissement du président déchu ».
Dans son communiqué, le SYNAPPEAN a aussi salué la mise en place d'un comité ad hoc avant de plaider pour la mise en place d'un nouveau Bureau consensuel de la Maison de la Presse, dans les plus brefs délais.
Créée en 2005, la Maison de la Presse est un cadre fédérateur des organisations socioprofessionnelles des médias avec actuellement 32 associations et syndicats membres. Son Conseil d’administration et son bureau exécutif ont pour mission de promouvoir le pluralisme médiatique et l’indépendance de la presse.
Ikali Dan Hadiza (actuniger.com)
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