Les Français du Niger interpellent l'Elysée

Collectif citoyen pour la fraternité EUROPE-NIGER Nous, collectif citoyen pour la fraternité Europe-Niger, de diverses origines, de tous horizons politiques, issus de divers corps de métier, et subissant les effets de la rupture des relations diplomatiques entre La France et le Niger, exprimons notre profond désarroi face aux conséquences des sanctions prises par le gouvernement français et par la CEDEAO à l'encontre du Niger et de sa population. Les sanctions économiques de la CEDEAO, l’arrêt de la délivrance de visas aux ressortissants nigériens, le classement de l’ensemble du pays en zone rouge y compris la capitale, la suspension de l’aide publique au développement et de la coopération, ainsi que la fermeture, de la chancellerie diplomatique, du consulat, du CCFN et du lycée français ont des conséquences graves sur les populations nigériennes et européennes :

- Le blocus économique de la CEDEAO frappe de plein fouet les populations civiles et particulièrement les plus fragiles. Les populations subissent les coupures de courant, la hausse vertigineuse des prix des denrées alimentaires et les médicaments commencent à manquer dans les pharmacies. Ce blocus économique impacte aussi fortement les entreprises qui ne peuvent plus s’approvisionner, payer leurs fournisseurs et voient leurs frais de fonctionnement exploser.

- L’arrêt de la délivrance des visas empêche l’accès des personnes à leurs droits et aux opportunités qui leur sont offertes. Des familles binationales sont séparées, les échanges artistiques et culturels sont suspendus, privant des artistes de leur programmation à venir, des responsables d'associations, d'ONG, d'entreprises, ne peuvent plus rejoindre leurs projets, des étudiants et des chercheurs abandonnent l’idée de rejoindre leur université, des sportifs ne participeront pas aux entraînements et aux compétitions, tout cela à l'approche des JO qui auront lieu en France.

- La récente classification en zone rouge de la capitale, Niamey, est une mesure injustifiée. Nous ne constatons pas, nous qui sommes sur place, une augmentation de l’insécurité à Niamey qui justifierait de passer de zone orange à rouge. Être classé en zone rouge engendre d'innombrables effets pervers, ralentit les flux commerciaux et de personnes, impacte négativement les opérateurs économiques locaux et internationaux travaillant avec l'Europe et menace de nombreux emplois locaux, complique voire rend impossible le recrutement d'occidentaux dans les entreprises, la venue sur le terrain de responsables de projets, l'obtention de certaines assurances.

- L'arrêt de la coopération et la suspension de tout financement public français a sonné l’arrêt de projets et de nombreuses coopérations bilatérales qui avaient mis des décennies à se mettre en place. La soudaineté de ces mesures, sans précédent, a rompu des équilibres complexes, a laissé des familles dans des situations de détresse et de vulnérabilité dramatiques, provoqué des vagues de licenciement et nourri un sentiment d'injustice parmi nos partenaires nigériens. La fermeture du lycée La Fontaine, contraint de fonctionner en enseignement à distance, prive de nombreux élèves d’un enseignement de qualité et la fermeture du consulat complique considérablement les démarches administratives de nos concitoyens.

Ces sanctions disproportionnées se retournent contre la France car dans leur grande majorité, les populations sanctionnées en rendent responsable avant tout le gouvernement français. Contrairement à ce qu’on a voulu nous faire croire, il n’y a pas de sentiment antifrançais au NIGER mais bien un sentiment de rejet de la politique française à l’égard du NIGER. Les peuples nigériens et européens se considèrent toujours comme frères mais pour combien de temps encore ?

Autre sujet préoccupant, les postures martiales et condescendantes des personnalités politiques françaises au sujet du Sahel en général et du Niger en particulier ne font que « jeter de l’huile sur le feu ». Sachant que les propos de l’ancienne puissance coloniale sont scrutés par plus de 450 millions d'africains francophones, nous attendons des autorités françaises qu’elles s’expriment avec respect et diplomatie. L’entêtement de l’état français à maintenir en place un ambassadeur « persona non grata » n’a fait qu’attiser les tensions.

Au-delà des relations en jeu entre les états et leurs gouvernants, il existe une multitude de liens personnels et professionnels entre familles, associations, entreprises, artistes, étudiants, chercheurs. Ces liens doivent être préservés, perdurer et se renforcer, indépendamment des tensions politiques et diplomatiques actuelles entre nos États.

Pour sauvegarder le patrimoine humain interculturel que nous nourrissons, entretenons et construisons tous les jours, nous demandons au gouvernement français de prendre quatre mesures immédiates. Ces mesures, perçues comme un signe d'apaisement, permettraient, nous en sommes convaincus, d'initier une reprise des relations diplomatiques :

1) La reprise de la délivrance de visas aux ressortissants nigériens (par l’instruction des dossiers par voie électronique si nécessaire).

2) L’annulation du classement en zone rouge de Niamey et ses alentours.

3) La reprise, en accord avec le gouvernement nigérien, de la coopération scientifique, éducative et culturelle et des actions d’appui au bénéfice des populations nigériennes.

4) La réouverture des institutions françaises (Consulat, Ambassade, CCFN et lycée La Fontaine).

Cette lettre ouverte porteuse de nos convictions, de nos craintes et de nos espoirs a été validée par tous les membres du collectif. Niamey, le 21 décembre 2023 Le collectif citoyen pour la Fraternité Europe-Niger.

Niamey, le 21 décembre 2023

Le collectif citoyen pour la Fraternité Europe-Niger