Société: levée de bouclier contre le Projet de loi sur les Principes Fondamentaux de la Santé et de l'Hygiène Publique au Niger
Adopté par le gouvernement lors du Conseil des ministres du 14 avril dernier et transmis à l'Assemblée nationale pour adoption, le Projet de Loi sur les Principes Fondamentaux de la Santé et de l'Hygiène Publique au Niger a provoqué une véritable levée de bouclier au sein des professionnels de la santé ainsi que des associations islamiques. En cause, la "légèreté" avec lequel le texte a été adopté par le gouvernement selon le Syndicat des Pharmaciens, Médecins, Chirurgiens-Dentistes du Niger (SYMPHAMED), et du fait que plusieurs de ses dispositions ont été jugées "contraires aux valeurs islamiques et morales de notre société" par les associations religieuses. La balle est désormais dans le camp des députés, à moins que le gouvernement se ravise et retire son texte pour revoir sa copie afin de ne pas ouvrir un nouveau front social en engageant un bras de fer par un passage en force comme il a une majorité absolue à l'Assemblée nationale.
S'achemine-t-on vers un nouveau bras de fer entre d'une part, le gouvernement et, d'autre part, les associations islamiques sur le Projet de Loi sur les Principes Fondamentaux de la Santé et de l'Hygiène Publique, actuellement en examen à l'Assemblée nationale ? On est en droit de se le demander au vu de la réponse toute tranchée et surtout assez sèche que le Secrétaire général du ministère de la Santé publique, de la Population et des Affaires sociales a apporté à l'Association des Femmes Musulmanes suite à leur dernière déclaration publique. Dans cette dernière, l'Association s'est insurgée contre le texte qu'elles ont qualifié "d'atteinte aux valeurs islamiques" et certains articles de "heurter les mœurs et la religion". Réponse du tic au tac du Dr Ibrahim Souley : "le projet de Loi ne contient aucune disposition qui heurte les mœurs et la religion. Il promeut le Bien-être Social la Santé et l'hygiène Publique sans discrimination aucune."
Pourtant, dans sa mise au point, le SG a reconnu de lui-même que le texte est encore en discussions avec les différents acteurs pour recueillir "leurs contributions pour son amélioration". Autant dire que rien n'est encore joué surtout avec la levée de boucliers qu'il a soulevé même au sein de l'hémicycle.
Aussi, bien avant la sortie de l'Association des Femmes Musulmanes, plusieurs structures ont protesté contre certaines dispositions du Projet de Loi. Il s'agit notamment du Syndicat des Pharmaciens, Médecins, Chirurgiens-Dentistes du Niger (SYMPHAMED) qui a appelé à son retrait pour une meilleure concertation ainsi qu'une coalition d'une soixantaine d'associations islamiques qui ont rejeté une dizaine d'articles contenus dans le Projet de loi par que "non-conformes aux valeurs islamiques et morales" de notre société.
Une loi prévue par la constitution
Il convient de rappeler que le Projet de loi déterminant les principes fondamentaux de la Santé et de l’Hygiène Publique a été adopté par le gouvernement lors du Conseil des ministres du 14 avril 2022 conformément à l’article 100 de la Constitution qui dispose que la loi détermine les principes fondamentaux de la santé et de l’hygiène publique. "La santé publique est la prise en charge par les pouvoirs publics de la santé globale des populations sur les aspects curatifs, préventifs, éducatifs et sociaux" et, "l’hygiène publique est l’ensemble des actions déployées par l’Etat et les collectivités publiques ou par tout organisme privé ou public doté des prérogatives en la matière en vue de sauvegarder la santé publique", avait alors expliqué le gouvernement pour qui, "ce projet de loi constitue une réponse à ces préoccupations en édictant les principes fondamentaux qui visent notamment à garantir le bien-être de la population, à assurer la couverture sanitaire, la qualité et l'efficience des services de santé et d’hygiène publique".
Jusque-là, rien de mal puisque l'on est dans les généralités. Mais c'est lors de sa transmission à l'Assemblée nationale et surtout son examen par la Commission des Affaires Sociales que les organisations des professionnels de la santé et les associations religieuses ont pris connaissance des dispositions de certains des 70 articles qui composent le texte et qui ont provoqué leur colère.
Le gouvernement invité à revoir sa copie
Dans une déclaration le lundi 13 juin 2022, le Bureau exécutif national du SYNPHAMED a dénoncé "la légèreté" avec laquelle le gouvernement a élaboré et adopté un texte d'une si grande importance et qui touche à la vie des citoyens et de la société dans son ensemble. Tout en dégageant "toute responsabilité car n’étant pas associé ni de près ni de loin dans l’élaboration de ce projet de loi", le BEN/SYNPHAMED lancé un vibrant appel aux députés pour renvoyer "ce texte non consensuel" pour une seconde lecture.
Par la suite, c'est une soixantaine d'associations islamiques qui, dans une déclaration commune, se sont également insurgés contre 12 des 72 articles que comptent le projet de loi et que ces associations ont qualifiés de non conformes aux valeurs religieuses et morales de notre société.
Les associations islamiques ont été rejoints ce weekend par les associations des femmes musulmanes qui se sont également inscrits dans le même registre en dénonçant certaines dispositions de ce projet de loi qui "heurtent la sensibilité religieuse et morale" de notre societé.
Sur la douzaine d'articles sur lesquels les associations islamiques ont émis des réserves, quatre (04) ont particulièrement provoqué l'ire des oulémas et que l'Association des femmes musulmanes a même qualifié de "pernicieux », l’article 9 qui stipule que « toutes les spécialités de la santé et de l’hygiène publique doivent être prise en considération dans les programmes de formation de l’Etat ».
L’article 12 du projet est également visé car il stipule que « chaque couple légalement marié à le droit de procréer selon ses capacités de prise en charge ».
Il y aussi l’article 23 selon lequel, « tout couple légalement marié a le droit de procréer selon sa capacité de prise en charge ».
L’article 63 est aussi dans la ligne de mire des associations islamiques car il stipule que « l’utilisation de toutes sources de bruits intenses en milieu urbain, dans les bars, restaurants, hôtels, salles des jeux et spectacles, dans les lieux de culte, aux abords des établissements scolaires et académiques, des formations sanitaires et autres services administratifs est interdite ».
A tous ces articles, les oulémas ont donné leurs avis en s'appuyant sur plusieurs préceptes religieux comme argumentaires pour en remettre en cause les dispositions du Projet de Loi.
Il faut noter que déjà, plusieurs autres aspects de ce projet de loi relatif à certains sujets sensibles comme la famille, la natalité, la démographie tels que présenté par le gouvernement ont été élagués du texte qui est en train de se vider de sa substance sous la pression des associations religieuses.
Le gouvernement dos au mur, l'Assemblée sur une corde raide
Dans leurs différentes déclarations, les associations islamiques ont appelé le gouvernement à retirer "ce Projet de loi imaginer par le ministère de la Santé publique, de la Population et des Affaires sociales".
"Nous comptons sur la vigilance la clairvoyance des députés pour barrer la route à toux ceux qui veulent porter atteinte à nos valeurs morales et religieuses", ont déclaré les associations des femmes musulmanes.
Actuellement, le Projet est toujours en examen à la Commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale où aucune date n'est annoncée pour l'adoption du texte. Les concertations et consultations vont certainement se poursuivre et c'est la bonne voie au regard du rejet dont le projet fait l'objet avant même sa discussion en plénière qui constitue une autre paire de manche pour le gouvernement.
La balle est donc désormais dans le camp de l'Assemblée nationale qui, à travers ses amendements peut concilier les positions même si certaines se situent aux antipodes de ceux qu'a prévu le gouvernement, et la perception que se font les associations islamiques ainsi que beaucoup de citoyens qui adhèrent plus à la position des professionnels de santé et des associations islamiques qu'à celle du gouvernement.
Le gouvernement pourrait aussi retirer le projet comme l'estime beaucoup de citoyens pour qui, au regard des urgences du moment, les priorités sont ailleurs et qu'il est inutile d'ouvrir un nouveau front social.
A.Y.B (actuniger.com)
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