Niger : les boulangers annoncent une grève de 48 heures dès lundi contre un arrêté jugé irréaliste
Le Syndicat Patronal des Boulangers et Pâtissiers du Niger (SPBPN) monte au front contre l’Arrêté ministériel n°0058/MC/I/ANMC du 11 juillet 2025, jugé inapplicable et dangereux pour une filière déjà fragilisée par les importations et les contraintes logistiques. Estimant les mesures imposées irréalistes, les artisans du fournil annoncent une grève nationale de 48 heures, du lundi 4 août à 00h au mardi 5 août à minuit, avertissant que l’arrêt de production pourrait être reconduit si aucun compromis n’est trouvé.
Réunis en Assemblée Générale Extraordinaire au Stade Général Seyni Kountché, les membres du SPBPN ont fustigé ce qu’ils qualifient de « campagne de discrédit » menée par le ministère du Commerce à la suite d’une mission d’enquête unilatérale de l’Agence nationale de métrologie et du contrôle de la qualité (ANMC). « Cette démarche précipitée a ignoré le dialogue pourtant amorcé avec les autorités », déplore le syndicat, rappelant les multiples tentatives restées sans suite depuis 2023 pour alerter sur les difficultés du secteur.
Un arrêté jugé inapplicable
Parmi les points les plus contestés de l’arrêté figure l’obligation d’utiliser exclusivement des farines de type T55 et T65. « Or, ces types de farine sont pratiquement introuvables sur le marché local, où 98 % de l’approvisionnement est importé d’Algérie, dans des conditions logistiques peu fiables », précise le SPBPN. Le syndicat regrette un recul par rapport aux initiatives locales de souveraineté alimentaire, notamment l’intégration des céréales locales dans la panification.
Autre point d’achoppement : la fixation d’un dosage unique à partir d’un pétrin de 100 kg, « sans lien direct avec la qualité ou l’hygiène du pain ». Les boulangers y voient une entrave technique, ne tenant pas compte des évolutions des outils de production ni de la réalité du terrain.
L’étincelle vient d’un rapport explosif de l’Agence nationale de métrologie et du contrôle de la qualité (ANMC), affirmant que 100 % des boulangeries nigériennes violent les normes. « Ces accusations reposent sur une interprétation erronée du précédent arrêté et ignorent les formules équivalentes déjà reconnues », estime le SPBPN, dénonçant une violation du principe du contradictoire.
Le pain nigérien : le moins cher de la sous-région
L’un des arguments phares du syndicat réside dans la comparaison des coûts avec les pays voisins. Si le prix de la tonne de farine atteint jusqu’à 600 000 FCFA au Niger, contre 306 000 au Sénégal et 550 000 au Mali, le prix de vente du pain nigérien reste paradoxalement le plus bas, à 200 FCFA pour une baguette de 300 g – soit 0,66 FCFA le gramme, contre 0,79 au Sénégal et 0,80 au Mali. « C’est une performance sociale remarquable que nous assurons au prix de lourds sacrifices », insiste le syndicat.
Appel à la révision urgente
Le SPBPN réclame une révision immédiate de l’arrêté controversé, estimant que son application provoquerait une cascade de fermetures de boulangeries, la perte de milliers d’emplois et une rupture d’approvisionnement pour les populations. « Nous sommes prêts à produire un pain de qualité, croustillant et doré, mais encore faut-il que la matière première soit disponible », avertissent les responsables syndicaux.
En guise de pression, le syndicat annonce une grève de deux jours renouvelables. « Le Ministère du Commerce portera l’entière responsabilité des conséquences économiques et sociales qui découleront de cette situation », prévient le communiqué.
Malgré la colère, la porte du dialogue reste entrouverte, le SPBPN conclut par une main tendue : « Nous restons ouverts au dialogue, fidèles à notre mission de contribuer à la refondation d’un secteur boulanger solide et durable ».
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