JEA 2022 : A la découverte des femmes qui luttent pour retrouver leur dignité !
Juin 1991-juin 2022, cela fait exactement 32 ans que les pays africains célèbrent chaque 16 juin, la Journée de l’Enfant Africain (JEA). Cette 32ème édition a été une occasion pour le Comité Africain d’Experts sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant (CAEDBE), de faire le point sur ce qui a été fait en matière d'adoption de politiques, des pratiques et de réfléchir à ce qui doit encore être fait pour éliminer efficacement les pratiques néfastes affectant les enfants en Afrique.
Au Niger, les MGF ont la vie dure et sont pratiquées dans trois Régions du Niger, à savoir Diffa, Niamey et Tillabéri. Elles «constituent une violation flagrante des droits de l’homme en général et en particulier celle des femmes et des filles», victimes de mariages précoces, à l’origine de la fistule obstétricale dont souffrent plusieurs femmes.
L’aveu étant la reine des preuves, nous nous sommes intéressés à des femmes victimes de la fistule obstétricale, prises en charge au centre Dimol, qui signifie dignité en fulfuldé
Elles étaient jeunes et venaient juste d’entrer dans l’adolescence. Elles étaient âgées respectivement de 12 et 15 ans, lorsqu’elles ont contracté la fistule obstétricale. Aujourd’hui, ce sont deux braves dames de 45 ans et 48 ans, venues de la région de Tillabéri que nous avons rencontrées au centre DIMOL. Elles font même partie du décor pour avoir longtemps séjourné dans ce centre.
C’est avec leur premier accouchement qu’elles ont vécu le cauchemar. C’est après un travail d’accouchement qui a duré plus de trois (3) et quatre (4) jours pour les deux jeunes filles qu’elles étaient à l’époque que cette maladie qu’elles trainent encore pendant plus de deux (2) décennies a fait son apparition, faisant basculé leur vie.
«J’étais mariée à l’âge de 14 ans. C’est à l’accouchement que j’ai eu cette maladie, le travail a duré 3 jours avant que j’atterrisse dans un centre de santé. J’ai accouché en cours de route. C’est arrivé à la Maternité Issaka Gazobi que les médecins ont constaté que je suis victime de la fistule», se rappelle cette hôte du centre DIMOL, qui, les larmes aux yeux, voit remonter le chagrin de la perte de son bébé ce jour-là.
Sa camarade d’infortune, de raconter elle aussi, son calvaire. « C’est à 16 ans, lors de mon premier accouchement que j’ai attrapé la fistule. J’ai fait un travail de quatre (4) jours avant qu’on ne m’amène dans un centre de santé et déjà la situation s’était compliquée. C’est ce qui m’a fait attraper la fistule », rembobine-t-elle avec douleur.
Si elles ont trainé la maladie pendant plusieurs années, c’est parce qu’elles ignoraient l’existence d’un centre de prise en charge. Raison pour laquelle, elles sont dans leur quinzième année de va-et-vient entre leurs villages, le centre DIMOL et les hôpitaux.
Les deux femmes d’aborder la question de la stigmatisation dont elles e leurs semblables sont victimes y compris dans leur entourage familial. Aussi, elles n’hésitent pas à lancer aux allures de plaidoyer en faveur de l’abandon des mariages précoces. «Nous lançons un appel à l’endroit des parents pour qu’ils laissent les filles atteindre l’âge de 20 ans avant de les donner en mariage », crient-elles en choeur.
Les deux dames font partie de ce qu’on appelle dans le jargon des cas améliorés, c’est-à-dire des personnes dont l’opération n’est plus possible et qui vivent avec la fistule, a précisé la présidente de l’ONG DIMOL Mme Traoré Salamatou.
De la création du centre en 2003 à aujourd’hui, c’est plus de 2000 femmes qui ont transité par le centre. Parmi elles, «certaines sont juste âgées de 12 à 14 ans et vivent avec des fistules multiples qui sont difficiles à guérir», a notifié la présidente de l’ONG DIMOL.
«Ces femmes ont subi tellement de violences au point où, une fois guérie, en les ramenant chez elles, elles ont des difficultés à reconnaitre leur propre village», a fait savoir la présidente de DIMOL.
Mme Traoré Salamatou a exhorté les parents à instruire et éduquer leurs enfants parce que c’est une obligation. Toutefois, elle déplore l’analphabétisme des patientes qui transitent dans son centre. «Vous avez des femmes qui ne savent même pas compter à plus forte raison lire et écrire. Elles viennent ici, elles ne connaissent même pas le nom de leur village».
Mme Traoré Salamatou de se lancer dans un véritable plaidoyer qui sonne comme un cri du cœur. «Il faut respecter les droits de femmes. On ne peut pas construire une société sans un code de la famille, la convention de MAPUTO, l’Etat a émis des réserves, la CDE n’est pas respectée et c’est l’Etat qui doit veiller à ça»,
Avec un taux de guérison de 68%, le Centre DIMOL reçoit des cas provenant des régions de Tillabéri, Maradi, Diffa et même des pays voisins comme le Bénin, le Burkina et le Mali.
Notons toutefois que les actions entreprises par les différents acteurs commencent à porter leurs fruit et se manifestent par des déclarations d’abandon de ces pratiques néfastes par les communautés à la base, la baisse de la prévalence nationale qui était de 5% en 1998, 2,2% en 2006, puis 2% en 2012 selon l’Enquête Démographique et de Santé et MICS III UNICEF (EDSN), et 0,7% aujourd’hui, selon l’étude sur l’Ampleur et les Déterminants des Violences Basées sur le Genre récemment réalisée au Niger avec l’appui de l’UNFPA.
Abdoulkarim Moumouni & Safwan Salifou Ibrahim pour actuniger.com
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