Entretien avec un jeune déscolarisé : « J’ai quitté l’école à partir de la classe de 6ème parce que mes parents n’ont pas les moyens… »
La déscolarisation, phénomène qui touche les jeunes de moins de 16 ans sortis du système scolaire, soit car ils ne sont inscrits dans aucun établissement, soit car ils ont arrêté de fréquenter l'établissement dans lequel ils sont inscrits, soit car ils ont été exclus et n'ont pas encore intégré de nouvel établissement est une réalité qui contribue à rehausser le taux d’analphabétisme, marginalisation sociale et oisiveté.
La question de la mendicité et ses conséquences a été au centre de la commémoration de la Journée de l’Enfant Africain édition 2022 au Niger dont le thème général est « Élimination des pratiques néfastes affectant les enfants : Progrès sur les politiques et pratiques depuis 2013 ».
Un autre phénomène qui a une même racine que la mendicité à savoir, la pauvreté, le décrochage scolaire constitue un autre recul dans la réalisation des droits des enfants. Au Niger, c’est une frange importante d’enfants qui abandonnent l’école surtout entre le primaire et le secondaire.
Pauvreté, mariages d’enfants, renoncement, apprentissage insuffisant et la manque d’intérêt de certains enfants sont entre autres causes qui sont à la base de l’abandon de l’école au Niger.
Dans l’entretien accordé à notre jeune reporter Chamsou Amadou, un enfant déscolarisé, a évoqué les raisons qui l’ont conduit dans cette situation et son vœu de renouer d’avec l’école. Entretien.
ActuNiger: A partir de quelle classe tu as abandonné l’école et pourquoi?
Enfant: j’ai quitté l’école à partir de la classe de 6ème, parce que mes parents n’ont pas les moyens. Rien que les frais de COGES, c’est difficile pour moi de les apportés régulièrement. Du coup, ce problème a coïncidé avec un manque d’intérêt de ma part aussi pour l’école. Une fois qu’on me chasse de l’école pour non-paiement des frais du Comité de Gestion des Etablissements Scolaires (COGES), personne ne me demande pourquoi je suis à la maison.
Maintenant que tu ne pars plus à l’école qu’est-ce que tu fais ?
Pendant la saison sèche, je viens en ville, ici à Niamey pour travailler soit dans les maisons ou dans un restaurant comme ici où vous m’avez trouvé. L’argent que je gagne, je l’envoie à mes parents pour payer de la nourriture.
Est-ce que tu veux retourner à l’école ?
Bien sûr que oui, sauf que maintenant ça fait trois (3) ans que j’ai abandonné et j’ai 16 ans actuellement et en plus mes parents n’ont pas d’argent pour me payer le privé surtout que dans notre village, ces genres d’écoles n’existent même pas, il y a que le public.
Tu es le seul parmi tes camarades qui travaillent ici qui a quitté les bancs de l’école ?
Non je ne suis pas seul, j’ai des amis du même village que moi, qui sont dans la même situation. Mais eux, ils font des travaux domestiques. Le problème c’est qu’au village, il y a des parents en dehors même de la pauvreté, qui préfèrent envoyer les enfants à l’école coranique. Du coût, dès que l’enfant donne des signes d’un manque d’intérêt pour l’école, personne ne l’oblige à y aller et il finira soit, en ville pour chercher du travail, soit chez un marabout, où il va apprendre le Coran.
Est-ce que tu sais que l’école peut te permettre d’avoir un travail décent contrairement à ce que tu fais aujourd’hui ?
Oui je sais, mais si vous appartenez à une famille qui n’a pas de moyens, ta chance de rester sur le banc de l’école le plus longtemps possible est moindre.
Il y a des gens même qui te disent que l’école c’est une perte de temps surtout pour les jeunes filles. C’est pourquoi, au village elles sont mariées même si elles sont inscrites à l’école.
Interview réalisée par Chamsou Amadou pour actuniger.com
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