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A l’ombre d’un grand arbre, les sages sont assis de part et d’autre du chef de Gao, département de Filingué. Sur la grande place sableuse couleur crème, face à la mosquée, Abdoulaye siège dans le fauteuil qui lui est réservé depuis 1986. Cette année-là il a succédé à son père, lui-même chef du village fondé en 1943. Mieux que personne, Abdoulaye peut témoigner des changements opérés dans son village natal. « Quand j’ai été désigné chef de Gao, nous avions tout. Le village vivait de l’agriculture et du commerce. Personne n’avait jamais acheté des haricots, du mil, ou du sorgho. On nourrissait nos animaux avec notre production. C’était l’abondance. »

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Aujourd’hui, dans le village d’Abdoulaye, plus rien ne pousse. Le grand arbre sous lequel sont prises les décisions, est un des rares rescapés de la sècheresse. La saison ne dure plus que trois mois, et ne suffit pas à nourrir les familles : « lorsque l’on sème, ça ne pousse pas. Ou alors, les plants meurent avant de pouvoir être récoltés. Même lorsqu’il pleut, l’eau ne rentre pas, elle glisse sur la terre et envahit tout le village. Le vent souffle trop, le couvert du sol est pris par le sable. »

Des enfants et des vieillards constituent la majorité des habitants. Depuis une dizaine d’années, le village est vidé de ses forces vives. Des 19 enfants d’Abdoulaye, 4 sont partis en exode. « Les gens quittent non parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils n’ont pas le choix », constate le chef. La majorité des jeunes hommes ont partis en Libye, laissant femmes et enfants.

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Iliassou, lui, a choisi de revenir. « Depuis l’année de mon mariage, la production est mauvaise. Un beau jour je suis rentré à la maison, l’électricité était coupée depuis plus de 9 mois, il ne restait plus qu’un demi-sac de riz. C’était une trop grande humiliation. J’ai pris un crédit de 200 000 francs. J’espérais rembourser en deux mois : il m’aura fallu plus d’un an. »

Environ deux tiers des zones cultivables sont désormais infertiles. En conséquence, les champs mis en gage pour financer « l’exode » ne trouvent plus preneurs, parce qu’ils ne produisent plus. « Auparavant, il était facile de contracter un crédit dans le village. Mais aujourd’hui plus personne ne veut prêter. Si quelqu’un a de l’argent, il ne voudra pas le montrer. Il y a une rupture de confiance dans le village. »

Avec le sable et la misère, la méfiance s’infiltre jusque dans les foyers : les hommes contraints de partir, les femmes restent seules avec les beaux-parents, reprenant des métiers d’hommes si la production le permet, retournant dans le village de leurs parents si l’homme parti ne peut subvenir aux besoins de la famille. Gao connaît ainsi de nombreux divorces.

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Il arrive que quand les hommes reviennent, ils constatent que l’argent envoyé n’a pas servi aux investissements espérés. « Si l’hivernage était bon, les parents ne détourneraient pas l’argent envoyé…, regrette Abdoulaye. Mais la confiance disparaît dans les familles, et les jeunes arrêtent d’envoyer de l’argent à leurs parents. Peu à peu avec la méfiance et l’égoïsme, ils se séparent de leur village. »

C’est pourtant grâce aux financements de leur exode, que les habitants de Gao ont pu construire une digue pierreuse, aux abords du village. 18 millions de CFA ont été nécessaires pour ce long mur de pierres, maintenues par du fer. Sa présence permet de retenir le sable et l’eau qui dévale sur le village en saison des pluies, envahissant les rues jusqu’à taille d’homme, et ravageant les maisons. Cette digue a valeur d’espérance pour le chef du village, qui espère contenir la désertification et le délitement du village fondé par son père.

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Pour Barbara Rijks, Cheffe de mission de l’OIM, « le nexus migration, environnement et changement climatique est complexe, il remodèle les habitats, les moyens de subsistance et la disponibilité et répartition des ressources essentielles à la vie. L’OIM Niger étudie ces interactions afin d’accompagner la migration environnementale, en faire une stratégie adaptative choisie et non subie. »

Ce travail de recherche est financé avec le soutien du Fond de l’OIM pour le développement .



Commentaires

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