INDUSTRIES EXTRACTIVES: LE ROTAB et le GREN interpellent les autorités sur le respect des textes et la sauvegarde des intérêts du Niger
Réunis ce jour, Mercredi 1er Juin 2016 afin d’apprécier la gouvernance dans le secteur des industries extractives, Le Groupe de réflexion et d’action sur les industries extractives au Niger (GREN) et le Réseau des Organisations pour la Transparence et l’Analyse Budgétaire (ROTAB) rendent la déclaration dont la teneur suit :
Elu Président de la République à l’issue des élections générales de 2011, Mr Issoufou Mahamadou, Ingénieur des Mines était pressenti comme l’homme providentiel capable de réhabiliter la souveraineté économique du Niger sur ses ressources et protéger ses intérêts car présenté par la presse aussi bien nationale qu'internationale comme un fin connaisseur des questions minières pour avoir été un haut cadre de la Société des Mines de l’Aïr (SOMAÏR), celle-ci n’étant autre que la filiale du groupe nucléaire français Areva, à qui le Niger fournit près de 40% de l’approvisionnement de ses centrales nucléaires.
L’espoir du peuple nigérien de voir inverser la tendance de la malédiction des ressources naturelles grâce au couronnement de l’ingénieur Issoufou Mahamadou à la magistrature suprême de notre pays était d’autant plus légitime que son élection est intervenue après une grande réforme du secteur minier :
d'abord l’adoption de la loi n° 2006-026 du 09 août 2006, modifiant l’ordonnance 93-16 du 02 Mars 1993 portant loi minière complétée par l’ordonnance n° 99-48 du 05 novembre 1999
et aussi la constitutionnalisation de la gestion des ressources naturelles à travers la section VII de la constitution du 25 Novembre 2010 dont les articles 147 à 153 consacrent les principes de transparence et de bonne gestion des ressources naturelles. Il s'agit entre autres des principes suivants : (i) Les ressources naturelles et du sous-sol sont la propriété du peuple nigérien ; (ii) L'État s'attèle à développer son potentiel énergétique en vue d'atteindre la souveraineté énergétique, l'accès à l'énergie et à bâtir un secteur industriel, minier, pétrolier et gazier dynamique et compétitif, orienté vers la satisfaction des besoins nationaux et des exigences du développement ; (iii) L'exploitation et la gestion des ressources naturelles et du sous-sol doit se faire dans la transparence et prendre en compte la protection de l'environnement, du patrimoine culturel ainsi que la préservation des intérêts des générations présentes et futures ; (iiii) La publication intégrale des contrats et des revenus miniers au Journal officiel ; (v) Les recettes réalisées sur les ressources naturelles et du sous-sol sont réparties entre le budget de l'État et les budgets des collectivités territoriales conformément à la loi ; (vi) L'État veille à investir dans les domaines prioritaires, notamment l'agriculture, l'élevage, la santé et l'éducation, et à la création d'un fonds pour les générations futures.
Cependant après cinq ans de gouvernance bâtie sur le clientélisme, la corruption, l’enrichissement illicite et le détournement des deniers publics, jamais les intérêts du Niger n’ont été aussi contrariés en matière d’exploitation des ressources naturelles, par les actes des gouvernants résolument déterminés à défendre et protéger les intérêts des multinationales. Cela se fait le plus souvent en violation de la loi fondamentale et du cadre légal dont les dispositions, qui, aux yeux de nos gouvernants ne méritent respects que quand elles protègent les intérêts des multinationales dont le Chef de l’Etat, de par son comportement se sent plus redevable qu’au peuple qui l’a pourtant souverainement élu en 2011. C’est ainsi que, dans son laxisme à imposer aux multinationales le respect des dispositions légales du secteur extractif, le gouvernement a laissé la SEMAFO s’en aller de la SML sans y réhabiliter l’environnement dégradé de 2004 à 2012.
Alors que le peuple nigérien s’attendait avec impatience à la mise en œuvre effective du code minier de 2006 dans le partenariat entre le Niger et le groupe nucléaire français Areva, suite à l’expiration à la date du 31 décembre 2013 des conventions minières de ses filiales SOMAÏR et COMINAK, le Président Issoufou Mahamadou décida non seulement d’ordonner la signature dans la plus grande discrétion avec Areva des nouvelles conventions COMINAK et SOMAÏR sans aucune conformité à la loi, mais aussi de remettre en cause les acquis de la convention Imouraren signée en 2009 en phase avec le code minier, par le renvoi de son exploitation à l’horizon 2020 sans qu’Areva ne verse ni les pénalités prévues pourtant par la convention, ni ne perde le permis d'exploitation. Cette contradiction entre le code minier et les nouvelles conventions COMINAK et SOMAÏR fut finalement reconnue sur la pression de la société civile par le Ministre en charges des mines de l’époque.
Pire les activités minières SOMAÏR et COMINAK se sont poursuivies et se poursuivent encore dans la plus grande illégalité : les conventions n’étant jusque-là pas publiées au journal officiel de la République conformément à l’article 150 de la Constitution, celles-ci ne sont pas sensées s’opposer aux administrations fiscales et douanières sommées de renoncer à des taxes et d’accorder à ces sociétés des exonérations illégales en phase d’exploitation d’où la tension de trésorerie que connait l’Etat actuellement.
En plus du bradage des ressources minières au profit du groupe nucléaire français Areva, dont il a été l’employé, le Président Issoufou Mahamadou, excelle aussi dans le bradage des ressources pétrolières au profit des sociétés chinoises. Après les nombreuses péripéties sur les conditions catastrophiques de travail du personnel nigérien discriminé dans les sociétés chinoises (CNPC, SOMINA, SORAZ) et l’opacité qui entoure l’exploitation et la gestion du pétrole (indemnisation des populations déplacées, choix du Tchad pour le pipeline et non celui du Benin économiquement plus viable, prêts Exim Bank, gestion des revenus du pétrole, gestion du Fond de l’Energie etc.), le Président Issoufou Mahamadou vient non sans surprise, de remettre en cause le monopole de la SONIDEP sur la commercialisation des produits pétroliers en accordant également à la SORAZ le droit d’en exporter. Cette mesure qui est prise à l’issue d’une rencontre entre les partenaires chinois et le cabinet du Président de la République (selon le courrier du ministre du pétrole) qui n’est nullement la structure habilitée en la matière, révèle des soupçons de corruption dans le secteur et montre à quel point les ressources naturelles sont gérées dans la plus grande opacité au mépris des dispositions pertinentes de la Constitution, des lois et règlements de la République du Niger. Au regard de tout ce qui précède, le ROTAB et le GREN :
v Exigent la publication sans délai au Journal officiel des revenus miniers ainsi que celle des contrats SOMAÏR et COMINAK et leur mise en conformité avec le code minier en vigueur ;
v Exigent la lumière sur les prêts d’Exim Bank, l’utilisation du Fonds de l’Energie et l’audit des sociétés SONIDEP et SORAZ ;
v Exigent l’effectivité de la rétrocession et la régularisation des arriérés en particulier, et le respect intégral des dispositions légales de la loi fondamentale en matière d’exploitation et de gestion des ressources naturelles ;
v Dénoncent la liquidation programmée de la SONIDEP et demandent au gouvernement de revenir sur cette mesure scélérate qui porte atteinte à la souveraineté de notre pays sur les ressources naturelles, en contradiction flagrante avec l’article 147 de la constitution ;
v Demandent la réduction des coûts d’installation et de fonctionnement de la SORAZ à travers la réduction du personnel chinois et le transfert des compétences au personnel nigérien ainsi que la réduction des prix des hydrocarbures à savoir : l’essence, le gaz oïl, et le Gaz ;
v Restent opposés à toute initiative de révision de la loi minière 2006 dans le sens de remettre en cause les intérêts du Niger tel que la mesure tendant à ramener la redevance minière 5,5%.
Fait à Niamey, le 1er Juin 2016
Commentaires