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Enfants village Doutchi Koura

Dans les communes de Doutchi Koura, Gafati, Koleram, Kantché et Yaouri, plus de 240 000 habitants vivent une transformation profonde grâce à un ambitieux projet d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, soutenu par l’UNICEF en appui au gouvernement du Niger dans le cadre de son Programme pays, et financé par le gouvernement des Pays-Bas à travers le DGIS (Direction générale de la coopération internationale des Pays-Bas). De nouvelles bornes-fontaines jaillissent dans les villages, des latrines familiales remplacent les fosses à ciel ouvert, et la santé communautaire se renforce. Tandis que Doutchi Koura bénéficie d’une mini-adduction d’eau multi-village, Kantché expérimente un modèle innovant de marketing communautaire de l’assainissement. Ce reportage plonge au cœur d’une dynamique locale de changement, où chaque goutte d’eau et chaque dalle posée marquent un pas vers la dignité, la résilience et le développement durable dans le sud-est du Niger.

 

Zeyna commission0

 

FOCUS SUR DOUTCHI KOURA : Quand l’eau devient source de dignité et de progrès

Dans la chaleur poussiéreuse du Sahel, un robinet qui coule peut sembler anodin. Pourtant, dans le village de Doutchi Koura, situé dans la commune rurale de Gafati, c’est le symbole vibrant d’une transformation profonde. Ici, comme dans plusieurs localités de la région de Zinder, les populations vivent aujourd’hui un véritable tournant grâce aux investissements du gouvernement des Pays-Bas (DGIS) et aux interventions ciblées de l’UNICEF dans le domaine de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement.

Autrefois, à Doutchi Koura, les femmes et les enfants se levaient à l’aube pour parcourir plusieurs kilomètres jusqu’à Lawté ou Garin Gandou, juste pour remplir quelques bidons d’eau. Le quotidien était rythmé par cette corvée épuisante, symbole d’une pénurie d’eau chronique qui pesait sur toute la communauté. Aujourd’hui, ce calvaire appartient au passé. Grâce à la réalisation de trois systèmes d’adduction d’eau potable, dont une mini-AEP multi-village installée à Doutchi Koura, l’eau coule désormais à quelques pas des habitations, améliorant le quotidien de 18 980 personnes dans les communes de Gafati et de Kantché.

Les écoles et le centre de santé n’ont pas été oubliés : dix établissements scolaires et un centre de santé ont également été raccordés, garantissant un meilleur accès à l’hygiène, à l’éducation et aux soins.

À l’entrée du village de Doutchi Koura, situé dans un coin du département de Mirriah, l’eau potable n’est plus une denrée rare. La mini-adduction d’eau potable (mini-AEP) multi-village (Doutsin Koura, Roumbouki, Batacheri, Zangon Dila et Boudoukay), mise en service le 30 août 2022, dessert aujourd’hui près de 3 000 habitants. Son impact est visible, tangible et profond.

Réunis sous un arbre à palabres, les habitants de Doutchi Koura prennent part à une rencontre communautaire pour témoigner des impacts de l’appui reçu de l’UNICEF en matière d’accès à l’eau potable. Jeunes et anciens, hommes, femmes et adolescents, tous ont répondu présents pour exprimer leur reconnaissance et partager leur expérience autour des points d’eau nouvellement installés. Dans cette atmosphère de dialogue et de solidarité, les visages concentrés traduisent l’importance de cette avancée dans leur quotidien, notamment en matière de santé, d’hygiène et de réduction des corvées d’eau.

Avant, pour un simple seau d’eau, il fallait marcher six kilomètres, parfois jusqu’au village voisin de Lawté. « Nos femmes revenaient le soir, épuisées, parfois sans avoir trouvé assez d’eau », se souvient Nassirou Idi, chef du village de Doutchi Koura. Aujourd’hui, la situation est bien différente, il n’y a plus ce calvaire : « Cela fait deux ans que nous ne connaissons plus de problème d’eau. L’UNICEF nous a servi en eau. Nous ne pouvons que dire merci », confie-t-il avec gratitude.

À quelques mètres de là, une borne fontaine trône fièrement, symbole du progrès communautaire. L’eau y coule en abondance, sous l’œil attentif du fontainier et du comité de gestion local, garants du bon fonctionnement des installations.

Le témoignage vibrant de Rakia Ousmane, mère de famille

Rayonnante de joie, Rakia Ousmane, mère de huit enfants et habitante de Doutchi Koura, arbore un large sourire qui en dit long sur le bouleversement apporté par l’accès à l’eau potable dans sa communauté. Drapée dans un voile fleuri aux tons doux, elle incarne la résilience et l’espoir de tant de femmes rurales du Sahel, souvent en première ligne face aux défis liés à l’eau, à la santé et au développement local. Sa posture confiante et son regard lumineux témoignent des changements concrets vécus au quotidien.

Elle se remémore sans amertume mais avec gravité les temps anciens. « On quittait la maison à l’aube, direction Lawté ou Garin Gandou. On revenait parfois à midi, les bras chargés, le dos courbé, et souvent, pas assez d’eau pour tout faire », confie-t-elle, la voix posée. Elle marque une pause, puis ajoute : « L’eau, on la rationnait. Un seau pour boire, un autre pour le ménage, le reste pour les animaux ».

 

Aujourd’hui, tout est différent. Son regard s’illumine. « L’eau est juste là, à côté. Tu laves les enfants sans te presser, tu fais ta vaisselle tranquillement. Même les femmes des autres villages viennent remplir leurs bidons ici ». Et comme pour souligner que le changement ne s’arrête pas aux robinets, elle conclut avec reconnaissance : « L’UNICEF nous a aussi apporté du matériel éducatif pour les enfants. C’est une vraie bénédiction pour nous ».

Une école transformée par l’accès à l’eau

À l’école primaire de Doutchi Koura, les effets de l’accès à l’eau sont tangibles. L’arrivée de la borne-fontaine a mis fin à des années de galère, aussi bien pour les enseignants que pour les élèves. Les éclats de voix d’enfants résonnent autour de la borne-fontaine, des enfants se penchent autour d’une bassine remplie d’eau, s’aspergeant joyeusement les mains.

Mourtala Abdoulaye, directeur de l’établissement depuis peu, témoigne avec conviction : « Grâce à la borne-fontaine dans l’école, les enfants arrivent tôt et les cours commencent à 8h précises. C’est une école à cantine, donc l’eau est indispensable pour la préparation des repas. Avant, les élèves venaient en retard parce qu’ils devaient chercher de l’eau avant l’école. Aujourd’hui, les conditions d’apprentissage sont bien meilleures ».

Mais son enthousiasme est vite tempéré par une réalité plus complexe : « Le problème, ce sont les factures d’eau. À la fin du mois, le releveur vient, mais on a du mal à payer. Et les habitants pensent que cette eau est gratuite. Cela crée des tensions. Il nous faudrait aussi plus de blocs de latrines, pour séparer les garçons des filles. C’est essentiel pour préserver l’intimité des enfants. »

Non loin du bureau du directeur, dans une salle de classe en paillotte du village de Doutchi Koura, où le sigle UNICEF est bien visible sur les tables-bancs, une élève en hijab fleuri s’avance timidement pour répondre aux micros tendus. Grâce au raccordement en eau réalisé avec l’appui de l’UNICEF, son quotidien à l’école s’est profondément amélioré.

« Avant, on avait toujours soif pendant les cours, et on devait sortir chercher de l’eau au village. Parfois, on ratait des leçons », confie-t-elle en s’essuyant le front, chaleur oblige. « Maintenant, on boit quand on veut. On se lave les mains, et on peut même aider la maîtresse à laver les assiettes de la cantine ». Pour elle, l’eau à l’école, c’est bien plus qu’un confort : « Ça donne envie de venir chaque jour. Et à la maison, maman est moins fatiguée aussi. Elle n’a plus besoin de m’envoyer chercher de l’eau avant les cours ».

 

Gestion durable et défis à relever

Sous un abri métallique installé à proximité d’un point d’eau en banco, Agi Salah Tidjani Ousmane, agent municipal de l’eau et de l’assainissement de la commune rurale de Gafati, attire l’attention avec son polo jaune vif. Lunettes cerclées, il répond posément aux journalistes, le regard assuré malgré le soleil de plomb. « Nous avons longtemps travaillé avec des moyens limités. L’appui de l’UNICEF, avec le financement du DGIS, nous a permis d’installer des infrastructures durables et d’accompagner les communautés dans leur gestion », explique-t-il, avec la voix de celui qui a vu les choses évoluer pas à pas.

Il insiste sur les mécanismes mis en place pour garantir la pérennité des systèmes : « Il y a deux comptes spéciaux : le CIAE – Compte d’Investissement pour la Maintenance – et le FRE – Fonds de Renouvellement et d’Extension. Ils permettent de faire face aux pannes et de garantir un renouvellement régulier des équipements ».

Mais tout ne dépend pas des tuyaux ni des finances. Il le sait mieux que quiconque : « Malheureusement, beaucoup considèrent encore les installations comme des biens publics au sens de gratuits et sans responsabilité. Ils oublient que la durabilité dépend de chacun. C’est là notre principal défi aujourd’hui : le changement de comportement ».

Face aux urgences liées aux inondations, les efforts ne se limitent pas aux infrastructures. En partenariat avec l’ONG DEDI, des campagnes de sensibilisation sur l’hygiène et la prévention des maladies, notamment le choléra, ont été menées dans les communes de Gafati, Mirriah et dans le département de Damagram Takayya. Ces actions renforcent la résilience des populations en les outillant face aux risques sanitaires, complétant ainsi l’accès amélioré à l’eau potable.

 

ZOOM SUR KANTCHÉ : L’assainissement change de visage grâce à un marché communautaire dynamique

Tandis que l’accès à l’eau révolutionne la vie à Doutchi Koura, le département de Kantché, à 70 km de Zinder, innove avec le marketing de l’assainissement. Ce projet pilote novateur donne naissance à un marché local animé par la communauté et le secteur privé.

Comme le reste de la région de Zinder, Kantché fait face à de lourds défis humanitaires et des obstacles structurels qui limitent l’accès aux services de base, affectant en particulier femmes et enfants. Pourtant, malgré ce contexte difficile, des avancées concrètes émergent grâce à une forte mobilisation collective. 

Grâce à l’approche communale WASH, les communes de Gafati, Koleram, Kantché et Yaouri ont été certifiées « fin de la défécation à l’air libre » (FDAL). Ce succès a directement amélioré les conditions d’hygiène et d’assainissement pour plus de 236 000 habitants répartis dans près de 400 villages. En 2024-2025, cette approche s’étend aux communes de Gouna et Zermou, financée par les fonds DGIS.

Sélectionnée parmi quatre communes pilotes de la région de Zinder, Kantché bénéficie du statut envié de FDAL – Fin de la Défécation à l’Air Libre. Ce progrès est le fruit des efforts conjugués de l’approche ATPC (Assainissement Total Piloté par la Communauté) et d’une mobilisation communautaire sans relâche. Désormais, le défi est de pérenniser cette avancée en garantissant l’accès à des latrines améliorées, désirées, accessibles et adaptées à tous.

Dans les ruelles sablonneuses de Kantché, le changement est discret mais profond. Il s'observe dans chaque concession où une dalle cimentée remplace les anciens trous à ciel ouvert. Il brille dans le regard des ménages, fiers de disposer enfin de toilettes dignes. Il s'entend dans les débats radiophoniques, les réunions de quartier, et les allées et venues des artisans locaux. Ici, la latrine n’est plus un luxe, mais un symbole de santé et de dignité.

Ce bouleversement est porté par une approche de marketing de l’assainissement, soutenue par le DGIS, l’UNICEF, et des ONG partenaires comme DEMI-E et ADESP. Ensemble, ils transforment les mentalités, les pratiques et l’environnement familial.

 

De la sensibilisation à la vente : un circuit de proximité bien huilé

Le changement, ici, ne descend pas du ciel : il arrive sur deux roues, dans la poussière des sentiers, porté par des hommes et des femmes en polo et casquette siglée. Chaque jour, les agents de sensibilisation communautaires du projet sillonnent les villages de Kantché sur leurs motos, données dans le cadre du programme avec l’appui de l’UNICEF. Leur mission est simple, mais essentielle : sensibiliser, convaincre, et surtout, accompagner.

À l’arrière de leurs motos, ils transportent des outils pédagogiques : affiches illustrées, brochures explicatives. Mais leur véritable arme, c’est la parole. Une parole ancrée dans l’écoute, dans la patience, dans le respect des réalités locales. Maison après maison, ils frappent aux portes, discutent, expliquent les dangers invisibles de la défécation à l’air libre, les risques sanitaires, les solutions accessibles.

Yasser Rabe en discussion avec chef menage

Sous un abri de fortune, au cœur d’un quartier périphérique de Kantché, Yasser Rabé est à l’œuvre. Vêtu d’un polo orné des logos du programme ADGSP et de l’UNICEF, il échange calmement avec Ibrahim Mamane, père de famille et chef de concession. La scène est banale en apparence, mais cruciale dans le processus. 

« Nous sommes une dizaine à avoir été formés », explique Yasser. « On ne vend pas juste des latrines. On sensibilise d’abord. Les images aident beaucoup. On montre les conséquences sur la santé, surtout chez les enfants. Quand la personne comprend, on l’accompagne directement chez le fournisseur ».

Face à lui, Ibrahim Mamane hoche la tête, intrigué. Il pose quelques questions, observe les visuels, puis se lève sans hésiter. Il enfourche sa propre moto et emboîte le pas à Yasser. Direction : le fournisseur.

Quelques kilomètres plus loin, dans une boutique modeste en banco, Mourtala Lawaly Abdou, producteur local agréé, aligne ses produits sous l’œil curieux d’Ibrahim. Il y a des dalles simples, d’autres avec couvercle, des modèles plus robustes pour les grandes familles. « On adapte les prix selon les moyens des gens », explique Mourtala. « Ça commence à 3 000 F CFA, ça peut aller jusqu’à 8 000. Ceux qui ont déjà une fosse prennent souvent la dalle avec couvercle. Et quand quelqu’un n’a pas tout l’argent, il peut payer en plusieurs fois. Parfois, on troque ».

Mais tout n’est pas si simple. Le principal obstacle, c’est l’approvisionnement en ciment. Trop rare, parfois trop cher. Un défi constant pour maintenir la chaîne de production active.

Lorsque le choix est fait et la commande validée, les agents de vente formés, avec l’appui de l’UNICEF, consignent méticuleusement chaque transaction dans un registre. Rien n’est laissé au hasard. Grâce à une subvention directe versée par l’UNICEF, tous les ménages, accèdent à des latrines à prix réduit — un coup de pouce décisif qui lève l’un des principaux freins à l’équipement.

Dans ce circuit court et solidaire, chacun a un rôle : l’agent sensibilise, le producteur adapte, la famille choisit, et la communauté avance. C’est un écosystème de confiance qui se construit, pas à pas, dalle après dalle — vers un avenir où se soulager dans la dignité ne sera plus un luxe, mais un droit. 

 

Un suivi municipal régulier sur le terrain

Dans les villages du canton de Kantché, Mamane Sani Souley est devenu une figure familière, presque incontournable. Agent municipal de l’assainissement, il connaît chaque ruelle, chaque concession, chaque chef de famille. Depuis que l’approche ATPC – qui misait sur le déclic communautaire – a cédé la place au marketing de l’assainissement, Mamane incarne ce changement de paradigme. Un virage stratégique et humain.

« C’est en 2024 que tout a vraiment démarré », raconte-t-il, casque de moto à la main, le regard ferme. « L’UNICEF est notre principal partenaire. Les ONG DEMI-E et ADESP ont été essentielles, surtout cette dernière, qui a reçu une grosse subvention en 2025 pour renforcer le déploiement ». 

Chaque mois, du 20 au 30, Mamane reprend sa tournée. Moto, carnet en main, il quitte la mairie pour se rendre directement dans les villages. Une mission de terrain, au plus près des réalités. Il ne fait pas que superviser. Il discute, écoute, explique. Il sait qu’une bonne sensibilisation ne se limite pas à transmettre un message — il faut qu’il soit entendu, compris, approprié. « J’insiste toujours sur le lien entre les latrines et la santé des enfants. Ça, ça touche les familles. Et les agents formés font un travail formidable. On le voit, le niveau de compréhension a énormément évolué ».

Mais Mamane n’est pas qu’un messager : il est aussi un contrôleur méticuleux. À chaque visite, il consulte les registres de vente, vérifie les transactions, évalue les besoins. Rien n’est laissé au hasard. Car derrière chaque latrine vendue, il y a un mécanisme de soutien bien huilé. « Par exemple, une dalle coûte en moyenne 5 000 FCFA. Mais grâce à l’appui de l’UNICEF, on applique une subvention de 2 000 FCFA. Résultat : le ménage ne paie que 3 000. Et ça, ça fait la différence. Surtout dans les zones rurales ».

Au fil des mois, ce suivi rigoureux a porté ses fruits. Là où l’on hésitait hier, on agit aujourd’hui. Là où l’on pensait coût, on pense désormais santé et dignité. Un changement profond, dans les mentalités comme dans les pratiques.

 

LA RADIO TSRKAOU : Une voix puissante pour l'assainissement

À l’autre bout du dispositif, lorsque les voix humaines prennent le relais des motos, c’est la radio communautaire Tsirkaou (GRTK FM 95.1 MHz) qui entre en scène. Depuis 2003, cette station émet jour et nuit en haoussa et en fulfuldé. Nichée au cœur de Kantché, elle ne se contente pas d’informer : elle éduque, mobilise, transforme.

Mahamane Moussa Kantche

Pour Mahamane Moussa, son directeur, la radio n’est pas un simple outil de communication, mais un levier de développement local. « Nous avons une émission intitulée Allo Docteur, où l’on parle d’hygiène, de propreté, de santé publique. Et chaque soir à 21h30, Mu tatauna – “Discutons ensemble” – crée un espace d’échange, devenu un vrai talk-show avec la participation des partenaires. C’est trois fois par semaine, parfois en studio, parfois directement sur le terrain. »

C’est justement dans cet esprit de proximité que la station s’est engagée dans la campagne de promotion des latrines, en partenariat avec l’ONG DEMI-E. Grâce à ce lien, Tsirkaou diffuse des émissions et des spots en langues locales qui racontent, expliquent et convainquent. La parole y est donnée à des spécialistes de santé, des leaders communautaires, des bénéficiaires. Tous disent la même chose : disposer de latrines chez soi, c’est protéger sa famille.

Mais à Tsirkaou, l’action ne reste pas confinée aux studios. Loin d’être une voix désincarnée, la radio descend sur le terrain, interroge, documente, accompagne le changement. Mahamane en témoigne avec une note de fierté dans la voix : « Avant, il fallait aller jusqu’à Daoura, Kano ou Zinder pour se procurer du matériel de construction. Aujourd’hui, grâce au projet, tout est disponible à Kantché. Mieux encore, les agents de vente ont des motos pour faire du porte-à-porte et sensibiliser. »

Et l’écho se fait sentir. Des auditeurs appellent, réagissent, posent des questions. Certains reviennent plusieurs jours plus tard pour partager leur décision d’achat ou demander à revoir les agents. Ce retour permanent, selon Mahamane, est la preuve vivante que le message passe.

Avec un rayon de diffusion de 50 kilomètres, la radio Tsirkaou couvre l’ensemble de la commune de Kantché, mais aussi les villages alentours, là où les ondes voyagent plus vite que les routes ne se construisent. Elle est devenue, dans cette dynamique, bien plus qu’un média : une voix de proximité, un moteur d’engagement, un acteur à part entière de l’assainissement durable.

 

Des bénéficiaires engagés pour convaincre les autres

Dans les rues paisibles de Kantché, le changement est désormais visible jusque dans les habitudes les plus intimes. Loin des anciennes pratiques, plusieurs familles ont non seulement adopté les nouvelles installations d’assainissement, mais sont devenues elles-mêmes des actrices du changement.

Aichatou Oumarou

C’est le cas d’Aïchatou Oumarou. Mère de famille, elle se souvient encore du jour où la latrine a été installée chez elle, il y a un an. Depuis, tout a changé. « C’est propre, sans odeurs, et nous sommes douze à l’utiliser sans jamais avoir eu le moindre problème », confie-t-elle, le sourire aux lèvres. Convaincue de l’impact sur la santé de ses proches, elle ne s’est pas arrêtée là. À force d’en parler autour d’elle, Aïchatou est devenue une véritable ambassadrice de l’assainissement dans son quartier. « Je sensibilise autant que je peux. Si je n’avais pas été informée, je n’aurais jamais su. Alors je partage, je recommande à toutes les familles d’en installer ».

latrine maisons Kantche

À quelques maisons de là, Abdoul Razak vit une transformation similaire. Père de cinq enfants, il se rappelle avec une certaine amertume les jours où sa famille utilisait une vieille fosse creusée derrière la maison. « C’était dangereux pour les enfants », explique-t-il. « Et l’odeur était si forte qu’on préférait manger à l’intérieur, à l’abri. » 

Mais depuis l’installation de la nouvelle latrine, c’est une autre vie qui a commencé. Plus de mauvaises odeurs, plus de risques pour les enfants — et surtout, plus aucun cas de diarrhée signalé dans la maison. « Franchement, c’est une bénédiction », confie-t-il, ému. « Même mes enfants me rappellent de l’entretenir, c’est devenu un réflexe ».

 

Au cœur de Kantché, derrière les murs sobres et ancestraux de son palais traditionnel, le chef de canton Tountouma Abdoul Kader Amadou Issaka reçoit avec la prestance de ceux que le temps a rendu sages. Drapé dans un boubou bleu soigneusement brodé, le turban blanc impeccablement noué, il incarne à lui seul l’histoire, la dignité et l’avenir de toute une communauté. Mais sous les apparences de la tradition, son discours, lui, se tourne résolument vers le progrès.

chef de canton Tountouma Abdoul Kader Amadou Issaka

Assis dans la grande salle d’audience, le chef de canton ne cache pas sa fierté devant les mutations visibles à l’échelle de son territoire. Le regard droit, il énumère avec précision les transformations engagées : eau, assainissement, éducation, protection de l’enfant. « L’UNICEF agit sur presque tous les fronts ici », déclare-t-il d’une voix ferme. « Les résultats sont là, visibles au quotidien ».

Mais au-delà de cette énumération, c’est un pan de l’histoire locale qu’il tient à mettre en lumière. D’un ton empreint de solennité, il évoque un tournant majeur : « C’est même dans le département de Kantché, à travers la commune de Yaouri, que l’ATPC — l’Assainissement Total Piloté par la Communauté — a été lancé pour la première fois. Cela a connu un succès retentissant ».

Ce n’est pas qu’un simple programme, insiste-t-il. C’est une dynamique sociale qui a transcendé les habitudes. Ici, les populations n’ont pas attendu les ordres. Elles ont balayé leurs concessions, construit des latrines, et mis fin à la défécation à l’air libre. « Aujourd’hui, ces gestes sont devenus des réflexes. Ce sont des habitudes ancrées ».

Sur le plan de l’accès à l’eau potable, le chef se fait plus nuancé. Il salue les efforts menés, notamment les mini-adductions d’eau qui ont jailli dans plusieurs villages, une bénédiction pour les femmes et les enfants, souvent contraints à de longues marches. Mais il garde les pieds sur terre : « Certains villages n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Le travail n’est pas fini. Il faut continuer »/

Et quand il aborde le sujet de l’éducation des filles, son visage se ferme légèrement. Le ton devient grave, presque inquiet. À ses yeux, c’est là que se joue l’avenir : « L’éducation des filles est essentielle. C’est la clé du développement. Mais ici, le taux d’exclusion est élevé. Trop de jeunes filles partent trop tôt. C’est un combat que nous devons mener avec fermeté. »

 

À Doutchi Koura comme à Kantché, les témoignages sont unanimes : l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires dignes n’est plus un simple espoir, mais une réalité concrète. Ce progrès, fruit d’un engagement communautaire solide et du soutien actif du gouvernement nigérien, avec l’accompagnement de l’UNICEF, prouve qu’il est possible de réduire les inégalités, même dans les zones les plus isolées du Niger. L’eau, source de vie, ouvre désormais la voie à l’éducation, à l’hygiène, à la santé et au développement durable. L’assainissement, longtemps négligé, s’impose comme un levier puissant de transformation sociale et économique, porté par des acteurs locaux qui s’approprient les solutions et diffusent le changement.

Pourtant, les défis demeurent : certaines zones restent sans accès sécurisé à l’eau, et des efforts majeurs doivent encore être menés pour garantir l’éducation des filles et renforcer la résilience face aux urgences sanitaires. Pérenniser ces avancées exige un engagement renouvelé des pouvoirs publics, des partenaires techniques et financiers, mais surtout des communautés elles-mêmes. Car derrière chaque borne-fontaine, chaque dalle cimentée, chaque voix qui témoigne, se trouve une promesse : celle d’un Niger où la dignité humaine ne dépend plus de l’accès à l’eau ou aux toilettes, mais devient un droit inaliénable pour tous.

Abdoulkarim Moumouni, Envoyé Special (actuniger.com)

 



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