RACHAT DE LA SML : La patate chaude de la Sopamin
"En réponse à votre lettre ci-dessus référencée (N/Réf/N° 012/FK/2015), j'ai l'honneur de vous faire connaître que ma requête d'audit de la SML est une exigence de transparence à laquelle je ne peux me soustraire en ma qualité de directeur général entrant ; du reste, cela est de règle et quoi de plus normal que de mettre à la disposition de la nouvelle direction cet outil pédagogique qu'est l'audit lui permettant de partir sur de nouvelles bases et de mener à bien ses fonctions ".
C'est en ces termes que le nouveau directeur général de la Société des mines du Liptako (SML) débuta sa lettre adressée au ministre des Mines pour marquer sa désapprobation vis-àvis de sa décision d'opposition à l'audit de la société au motif qu'un audit a déjà été réalisée dans le cadre du processus de sa privatisation. Une décision dont il dit être surpris parce que le ministre l'a personnellement instruit, lors d'une audience juste après sa nomination à la tête de la société, de faire l'état de lieux de la SML.
Il se trouve malheureusement, selon le directeur, qu'aucune copie du fameux audit dont a parlé le ministre n'est disponible au niveau de la SML et même avec les administrateurs de la société.
Et les audits réalisés par les candidats à la reprise de la société restent leur propriété, donc non accessibles à des tiers. "Je persiste donc à croire que cette initiative de réaliser un audit de la société est de ma responsabilité et ne remet nullement en cause ni vos attributions en tant que ministre de tutelle ni celles des administrateurs", a clarifié Abdelkader Cissé, exprimant sa surprise et son indignation vis-à-vis des propos discourtois accompagnés de menaces de sanction formulés par le ministre à son encontre. Si le directeur Cissé tient fermement à la réalisation de l'audit de la SML, c'est parce que tout simplement des sorties importantes non justifiées de fonds ont été effectuées sur les comptes de la société avant qu'il ne prenne fonction.
Sorties douteuses de fonds
Le patron de la SML signale une sortie de 1.931. 919.101 francs CFA au profit de la SOPAMIN (Société du patrimoine des mines) alors que l'avance consentie à la SML se chiffre à 1.159.301.441 francs ; une autre sortie de 415.984.455 francs au profit d'une notaire et une autre de 172.550.000 francs au profit d'un avocat.
Par rapport à l'acquisition des actions de SEMAFO par la SOPAMIN, les choses ne sont pas du tout claires aussi. La SOPAMIN aurait dit avoir acquis lesdites actions à la somme de 1.307.834.234 francs alors que la valeur des actions, telle que formulée par SEMAFO dans son appel, était fixée à 598.125.479 francs.
Le directeur de la SML a également mentionné une reconnaissance à SEMAFO d'une redevance de 1,2% sur tout l'or produit à l'usine de traitement de Samira jusqu'à un maximum de 12 millions de dollars US, signalant l'inscription de cette redevance dans les livres de la société comme devant être payées par la SML.
Ce n'est pas tout. Il a dit aussi avoir être saisi d'une correspondance de la direction générale de la SOPAMIN l'informant que les dépenses effectuées par la SOPAMIN au titre d'avance à la SML est de 2.034.006.127 francs, une somme que la comptabilité de la SML n'est pas en mesure de vérifier par manque de supports. Plus troublant encore, il signale la réception d'une première correspondance comportant la somme de 2.267.610.222 francs comme dépenses effectuées par la SOPAMIN au profit de la SML. Ces contradictions a suscité chez lui cette interrogation : comment la SOPAMIN peut elle prétendre avoir supporté l'achat des actions de la SEMAFO alors même qu'elle envoie un débours de 2.034.006.127 francs ? A tout ceci viennent s'ajouter d'autres défenses effectuées au nom de la SML dont la pertinence reste à prouver comme les missions au Niger et à l'extérieur qui ont englouti 129 millions de francs, des prestations (audit, avocats : 112 millions) l'assistance d'avocat à l'extérieur (304 millions), l'assistance et conseils (12 millions) Due diligence-SKR (77,5 millions).
Devant cette situation, la diligence d'un audit apparaît impérieuse pour le directeur surtout que la transaction proprement dite avec SEMAFO n'a coûté que 600 millions de francs environ, selon lui.
Estimations douteuses des réserves
Abdelkader Cissé a émis aussi des doutes sur sincérité des bilans de la société concernant les exercices 2011-2012 qui s'établissent respectivement à 8,7 milliards de résultats bénéficiaires en 2011 et 10 milliards en 2012 contre -11,5 milliards de perte en 2013.
Devant le gap important entre les deux premiers résultats et celui enregistré avec la reprise de la société par la SOPAMIN, il a demandé une vérification de l'exactitude des résultats. Enfin, une troisième préoccupation soulevée par Cissé dans sa correspondance sur les réserves minières qui nécessitent une évaluation d'après lui. Et pour cause : les réserves prouvées sont chiffrées à 3.840.600 tonnes à 1,38g/t soit 5,3 tonnes d'or métal alors que les réserves probables sont estimées à 2.661.400 tonnes à 1,10 g/t soit 2,9 tonnes d'or métal. Sur la base de ces estimations, il juge importante l'évaluation parce que tout simplement la teneur moyenne traité en 2013 est en deçà des taux avancés dans les estimations. Elle n'est que de 1,01 g/t, bien inférieure à celle de 2012 (1,66 g/t) et de 2011 (1,29 g/t). Voici les raisons objectives pour lesquelles le directeur général de la SML souhaite l'audit contre lequel s'oppose malheureusement le ministre d'Etat des Mines, soutenu dans sa démarche incompréhensible par le directeur général de la SOPAMIN qui a été ampliataire de la correspondance.
En réaction à ladite correspondance, ce dernier saisit d'ailleurs à son tour le ministre d'Etat des Mines pour charger le directeur général de la SML "de profonde méconnaissance de l'historique de la SML S.A et du processus ayant conduit l'Etat à racheter la totalité des actions détenues par la SEMAFO en 2013" et prétendre "corriger les contre-vérités manifestes contenues dans l'écrit".
Après avoir brossé les conditions dans lesquelles la société, en situation de faillite, a pu être rachetée et sauvée par l'Etat, le directeur général de la SOPAMIN a cru devoir apporter des éléments de réponses aux interrogations soulevées dans sa correspondance par le directeur de la SML. Il a parlé d'un audit qui a été réalisé et qui serait disponible, il a parlé des fonds engagés par la SOPAMIN pour permettre à la SML de reprendre ses activités et il a aussi parlé des démarches en cours pour la recherche d'un partenaire stratégique, l'Etat n'ayant pas vocation à exploiter lui-même la mine. Cependant, les explications qu'il a fournies ne suffisent pas pour justifier l'abandon de l'audit.
Les soucis exprimés par le directeur général de la SML sont légitimes, ils procèdent d'une volonté de transparence dans la gestion de la ressource minière, qui appartient à tous les Nigériens. Si le ministre d'Etat et le directeur général de la SOPAMIN ne se reprochent rien par rapport aux sorties de fonds non justifiées exposées par celui de la SML dans sa correspondance, pourquoi s'opposent- il de manière obstinée à l'audit ? Il y a assurément anguille sous roche, mais tôt ou tard, la vérité finira par se savoir.
O. Seyni
Bulletin d’information du ROTAB PCQVP Niger
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