Zinder et sa région : la BAD signe un financement historique de 98,7 milliards FCFA pour mettre fin à 70 ans de pénurie d’eau et transformer l’accès à l’assainissement pour 700 000 habitants

Après près de sept décennies de pénuries, de rationnements et de solutions temporaires, Zinder et sa région s’apprêtent à connaître une transformation majeure. La Banque africaine de développement (BAD) vient d’approuver un financement historique de 120,9 millions d’unités de compte, soit environ 98,7 milliards de francs CFA, destiné à refonder durablement l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Cette enveloppe considérable bénéficiera non seulement à la ville de Zinder, mais aussi à Mirriah et à quatorze villages environnants, couvrant près de 700 000 habitants, dont plus de la moitié de femmes. Pour ces communautés longtemps éprouvées, l’eau, rare et précieuse, pourrait enfin devenir un droit accessible et un moteur de développement, mettant fin à une crise hydraulique qui a conditionné la santé, l’économie et le quotidien de plusieurs générations.
Un geste lourd de sens pour une région où l’eau, rare et capricieuse, conditionne presque tout : la santé, l’activité économique, l’équilibre social et même, parfois, la paix communautaire.
Mettre fin à une pénurie chronique enracinée depuis 1955
Dans son allocution, Ali Mahaman Lamine Zeine n’a pas cherché à masquer la profondeur du problème. Il a parlé d’une crise “qui frappe la zone depuis la période coloniale” et dont même la première station de captage d’Aroungouza, construite en 1955, n’a jamais réussi à venir à bout. Zinder, deuxième ville du pays, y fait face depuis des décennies, avec une démographie galopante, des ressources limitées et des effets du changement climatique de plus en plus visibles.
« L’objectif ultime de ce projet est d’améliorer durablement les conditions de vie des populations de Zinder », a-t-il affirmé. « Il répond à un besoin réel et vital pour les populations de cette ville et celles des localités environnantes, longtemps éprouvées par des pénuries incessantes d’eau ».
Un rappel simple, presque évident, mais essentiel : “L’eau, c’est la vie”, a martelé le Premier ministre. Et dans cette partie du Niger, l’accès à l’eau potable demeure un combat quotidien.
PREPAAR : des infrastructures conçues pour résister au temps et au climat
Le financement accordé par la BAD permettra de lancer la première phase du Projet de renforcement de l’alimentation en eau potable, d’assainissement et de résilience (PREPAAR), une initiative d’envergure qui combine augmentation de la capacité de production, stockage, distribution et assainissement. Cette première phase prévoit le raccordement de trente forages entièrement équipés, une étape essentielle pour améliorer l’approvisionnement en eau dans la région.
Pour sécuriser la distribution, deux bâches de reprise d’une capacité totale de 1 500 m³ et un réservoir de 3 000 m³ seront construits, tandis que deux systèmes d’adduction multi-villages viendront desservir les localités périphériques où les besoins restent importants. À Zinder, une station de traitement des boues de vidange renforcera l’assainissement et contribuera à la salubrité urbaine.
L’initiative inclut également la réalisation de 12 000 branchements sociaux, garantissant un accès direct à l’eau potable pour de nombreux ménages vulnérables. Enfin, des études techniques et sanitaires accompagneront l’ensemble afin de préparer la seconde phase du programme et d’assurer la cohérence et la durabilité des infrastructures à venir.
Une approbation accélérée, signe d’un engagement clair de la BAD

Pour la BAD, ce financement n’est ni un geste isolé ni un hasard du calendrier. Le Représentant pays, Mamadou Tangara, a tenu à rappeler la célérité avec laquelle le projet a été approuvé : « Ce projet a été approuvé par le Conseil d’administration de la Banque le 5 novembre 2025. Une semaine plus tard, nous procédons déjà à sa signature. »
Un rythme presque inédit qui, selon lui, illustre la place stratégique du secteur de l’eau pour l’institution. “Le secteur de l’eau et de l’assainissement occupe une place de choix dans la stratégie d’assistance de la Banque au Niger”, a-t-il déclaré.
Le projet s’inscrit d’ailleurs dans un cadre stratégique solidement structuré. Il répond d’abord aux orientations du pilier 2 de la stratégie pays de la BAD, qui met l’accent sur le développement agricole résilient et la valorisation durable des ressources en eau. Il s’aligne également sur la vision portée par le Président de la Banque, une vision tournée vers la création d’infrastructures capables de résister aux effets du climat tout en soutenant la croissance.
Sur le plan national, l’initiative trouve toute sa place dans le Programme pour la Refondation de la République (PRR 2000) 2025-2029, récemment adopté par les autorités et qui redéfinit les priorités du pays en matière de services essentiels. Elle s’insère aussi dans le programme sectoriel Eau et Assainissement 2016-2030, qui trace la feuille de route de long terme pour l’accès universel à l’eau potable.
Enfin, le projet participe pleinement à l’atteinte de l’Objectif de Développement Durable n°6, consacré à l’accès équitable à l’eau, à l’assainissement et à la gestion durable des ressources hydriques. Autant d’éléments qui témoignent de la cohérence globale du programme et de son inscription dans une vision à la fois nationale, régionale et internationale.
Autant de cadres qui, mis ensemble, donnent une cohérence rare à un projet dont les impacts seront visibles pendant des décennies.
700 000 habitants concernés, dont la moitié de femmes
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le projet couvrira Zinder, Mirriah et 14 villages environnants, soit environ 700 000 habitants, dont 51 % de femmes.
Selon les projections, le projet transformera concrètement le quotidien des communautés concernées. Au total, 483 000 personnes devraient bénéficier d’un accès nouveau ou nettement amélioré à l’eau potable, une avancée majeure dans une zone longtemps confrontée à la pénurie. Parallèlement, quelque 507 000 habitants, dont 225 000 femmes, seront touchés par des campagnes de sensibilisation destinées à renforcer les bonnes pratiques d’assainissement.
Les effets attendus sont considérables : le taux d’utilisation des latrines, aujourd’hui limité à 23,5 %, est appelé à atteindre 85 % avant la fin du projet, un progrès qui marquerait un véritable tournant en matière d’hygiène et de santé publique dans la région.
De tels résultats, s’ils se concrétisent, marqueront un tournant historique dans une région longtemps oubliée des grands investissements structurants.
Un moteur d’emplois locaux
Le projet PREPAAR sera aussi un important générateur d’emplois. Selon Mamadou Tangara, le projet générera également un impact économique immédiat grâce à la création de 1 265 emplois. Parmi eux, 735 seront des emplois directs, tandis que 530 autres naîtront de manière indirecte au fil des activités connexes. La répartition annoncée met en évidence une forte participation masculine, avec 954 postes destinés aux hommes, mais aussi une place importante accordée aux femmes, qui bénéficieront de 230 emplois.
Le dispositif prévoit en outre 81 opportunités spécifiquement dédiées aux jeunes, dont 25 réservées aux filles, un choix qui traduit la volonté de promouvoir l’inclusion et l’accès des jeunes générations aux filières techniques et opérationnelles du secteur de l’eau.
Au-delà de l’accès à l’eau, ce sont donc des dizaines de familles qui bénéficieront de nouvelles sources de revenus, parfois durables.
Avec cette nouvelle opération, le portefeuille total de la BAD au Niger atteint désormais environ 700 milliards de francs CFA, répartis sur 22 projets couvrant huit secteurs stratégiques : énergie, transport, gouvernance, agriculture, assainissement, social…
En conclusion, le Représentant pays de la BAD a salué “l’excellente collaboration” entre son institution et la République du Niger, rendant hommage au rôle du cabinet du Premier ministre et des unités de gestion des projets.
Il a également remercié les autres partenaires techniques et financiers œuvrant dans le secteur de l’eau, qui travaillent “en parfaite synergie” avec la BAD — un élément clé pour la réussite de la seconde phase du programme.
En signant cet accord, le Niger et la BAD viennent de franchir une étape déterminante. Pour Zinder et les localités voisines, cette initiative représente plus qu’un projet hydrique : c’est un engagement, presque un pacte, en faveur de la dignité et du bien-être de centaines de milliers de citoyens.
Une promesse que l’eau, ce bien si simple et pourtant si vital, n’aura plus à être un luxe pour les habitants de l’Est du pays.
Abdoulkarim (actuniger.com)



