Niger : coup de balai dans le secteur de la sécurité privée, 400 sociétés dissoutes d’un seul trait
Le couperet est tombé ce jeudi 18 septembre 2025 : 400 sociétés de sécurité privée viennent d’être dissoutes d’un seul trait par un arrêté ministériel signé par le Général de Division Mohamed Toumba, Ministre d’État de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et de l’Administration du Territoire. Une décision radicale qui marque la volonté du gouvernement de mettre fin à des années de flottement juridique et de désordre dans un secteur aussi sensible que stratégique.
Le texte ministériel ne motive pas cas par cas la dissolution, mais l’intention est claire : assainir un milieu devenu propice aux abus et aux dérives.
Cette opération de grande ampleur n’est pas sortie de nulle part. Déjà le 10 juin 2024, le ministère de l’Intérieur avait retiré les autorisations provisoires de trois sociétés, Securicom, GADNET Sécurité et Manga Sécurité, suite à des manquements graves dans leur fonctionnement. Ces sociétés font aujourd’hui partie des 400 structures définitivement dissoutes.
Si cette première mesure avait suscité des inquiétudes sur le chômage des agents de sécurité, elle avait aussi été perçue comme une réponse attendue face aux conditions de travail précaires. Nombre d’agents dénonçaient des salaires dérisoires, souvent inférieurs à 50 000 F CFA par mois, des horaires excessifs et une absence quasi totale de protection sociale.
Le décret de février 2025 : un cadre légal historique
Pour combler le vide juridique du secteur, le 7 février 2025, le Conseil des Ministres, présidé par le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, Président du CNSP et Chef de l’État, avait adopté un décret régulant enfin les activités des sociétés de sécurité privée.
Jusqu’alors, ces sociétés évoluaient sous de simples autorisations provisoires, sans mécanismes de suivi rigoureux. Cette lacune avait favorisé la prolifération d’acteurs informels, parfois peu scrupuleux, posant des risques évidents pour la sécurité publique.
Le décret a instauré un cadre strict pour les sociétés de sécurité privée, en imposant une autorisation préalable de cinq ans, non transférable, une enquête de moralité obligatoire pour les dirigeants, un encadrement strict du port d’armes, l’interdiction d’exercer des missions régaliennes réservées aux FDS, ainsi que la création d’une commission de suivi et de contrôle pour superviser l’ensemble du secteur.
Surtout, il a accordé un délai de six mois de mise en conformité aux sociétés existantes, faute de quoi elles seraient considérées comme dissoutes.
Une nouvelle ère pour la sécurité privée
C’est ce cadre légal que vient appliquer l’arrêté du 18 septembre 2025. Long de 12 pages, il détaille la liste des sociétés radiées, des plus connues, comme Le Bouclier, Tigre Security Group ou Lynx Security, aux microstructures les plus opaques. Le message est clair : l’État reprend le contrôle absolu d’un secteur trop sensible pour être laissé à des pratiques défaillantes. Cette diversité illustre la fragmentation extrême d’un secteur qui avait proliféré sans véritable régulation.
« Tout contrevenant aux dispositions du présent arrêté s’expose aux sanctions prévues par la réglementation », avertit le texte, qui a valeur de couperet.
Cette décision brutale va avoir des retombées économiques et sociales immédiates. Des milliers d’agents de sécurité se retrouvent menacés de chômage, alors que de nombreuses entreprises et institutions devront trouver de nouveaux prestataires fiables pour assurer leur protection.
L’avenir dira si cette réforme atteindra pleinement ses objectifs. Mais une chose est sûre : les survivants du secteur devront se conformer à des standards plus élevés, offrir de meilleures conditions à leurs employés et prouver leur fiabilité. Pour l’État, le défi est double : garantir une sécurité continue sur le terrain et accompagner la reconversion de milliers d’agents licenciés.
Avec cet arrêté, le Niger tourne la page des autorisations provisoires et ouvre celle d’une sécurité privée encadrée, normée et alignée sur l’intérêt général. Reste à savoir si cette volonté de fermeté saura s’accompagner d’un vrai plan social pour ceux qui en payent le prix le plus direct : les agents de sécurité.
Mohamed Cissé (actuniger.com)
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