Niger-Etats-Unis : pour Washington, le coup d’Etat est désormais « validé » !
Dans une déclaration du Département d’état, ce mardi 10 octobre, les Etats-Unis ont formellement qualifié de « coup d’état », la prise de pouvoir par les militaires du CNSP le 26 juillet dernier, reconnaissant explicitement le renversement du régime de Bazoum Mohamed et implicitement, les nouvelles autorités du pays. Conformément à leurs législations, les USA ont confirmé la suspension de leur appui économique au gouvernement, estimé à quelques 500 millions de dollars, tout en maintenant leur aide humanitaire. Dans le communiqué, les Etats-Unis se disent engagés auprès du peuple du Niger pour le rétablissement d’un régime démocratique, tout en indiquant que toute reprise de leur aide est subordonnée à la prise par le CNSP, « de mesures propres à instaurer une gouvernance démocratique dans les meilleurs délais et de manière crédible ».
« Les États-Unis ont conclu qu’un coup d’État militaire à eu lieu au Niger. Conformément à la section 7008 de la loi annuelle sur les crédits du Département d’État, les États-Unis suspendent la majeure partie de leur aide au gouvernement du Niger », a annoncé dans le communiqué, Matthew Miller, le porte-parole du Département d’Etat américain. Le 5 août dernier, est-il rappelé, les Etats-Unis avaient temporairement suspendu certains programmes d’aide extérieure au gouvernement du Niger, d’un montant total de près de 200 millions de dollars et selon la note, cette assistance est désormais suspendue en vertu des mêmes dispositions de la loi américaine.
Le Département d’état américain dit également prendre note de la suspension par Millennium Challenge Corporation (MCC) de toute assistance au Niger, y compris de tous les travaux préparatoires relatifs à l’accord de transport régional (Niger Regional Transportation Compact), d’un montant de 302 millions de dollars, et de toutes les nouvelles activités relatives à l’accord de 2018.
Les Etats-Unis annoncent cependant maintenir l’aide humanitaire, alimentaire et sanitaire, qui permet de sauver des vies, « pour le bien du peuple nigérien » et disent, par ailleurs, qu’ils entendent « poursuivre leur collaboration avec les gouvernements de la région, y compris le Niger, pour faire avancer leurs intérêts communs en Afrique de l’Ouest ».
« Les États-Unis sont solidaires et engagés auprès du peuple nigérien dans ses aspirations à la démocratie, à la prospérité et à la stabilité. Depuis le coup d’état, nous soutenons l’action de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui cherche à travailler avec le Niger en vue de parvenir au rétablissement d’un régime démocratique. Toute reprise de l’aide des Etats-Unis est subordonnée à la prise le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) de mesures propres à instaurer une gouvernance démocratique dans les meilleur délais et de manière crédible ». Matthew Miller, porte-parole du Département d’Etat US.
Aux antipodes de Paris, Washington acte le changement politique intervenu à Niamey
Plus de deux mois donc après l’avènement des militaires au pouvoir, Washington a finalement consommé le coup d’état et acté la fin du régime de Mohamed Bazoum dont elle n’appelle plus désormais qu’à la libération ainsi que celle de sa famille et des autres personnes détenues. « Nous prenons cette mesure parce qu'au cours des deux derniers mois, nous avons épuisé toutes les voies disponibles pour préserver l'ordre constitutionnel au Niger », a d’ailleurs commenté dans les médias, un haut responsable américain.
La reconnaissance par le Département d’État d’un coup d’État militaire au Niger permettra ainsi donc au gouvernement des États-Unis de déterminer la meilleure façon de procéder en ce qui concerne leur assistance au peuple nigérien, comme indiqué par le porte-parole Muller.
« Les États-Unis sont un partenaire engagé auprès du peuple nigérien et se réjouissent de travailler avec les parties prenantes concernées pour avancer dans le travail acharné qui les attend pour reconstruire les institutions démocratiques du Niger ».
Il faut dire que jusque-là, Washington a adopté une position assez ambiguë sur la situation qui prévaut au Niger depuis les évènements du 26 juillet dernier. L’administration Biden et le secrétaire d’Etat Anthony Blinken ont certes condamné la tentative de coup de force et appelé au rétablissement du président renversé mais sans soutenir clairement l’option militaire envisagée par les chefs d’Etat de la Cédéao et soutenue par d’autres pays occidentaux comme la France.
Au lendemain du coup d’état, Washington a même dépêché à Niamey, la N°2 de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires politiques, qui a eu des « discussions franches mais parfois difficiles », comme elle l’a reconnue, avec les nouvelles autorités nigériennes. Dans la foulée, les USA ont accrédité un nouvel ambassadeur dans le pays, poste vacant depuis presque deux ans, et qui attend encore de présenter ses lettres de créances.
Le 14 septembre, les Etats-Unis ont aussi annoncé la reprise de leurs vols de surveillance au Niger, qu'ils avaient interrompus après le coup d'Etat, le reste de leurs opérations militaires dans le pays restant encore temporairement. Les USA disposent, en effet, de deux importantes bases militaires dans le pays, notamment à Agadez, ainsi qu’un millier de soldats. Une présence militaire qui n’a pas été évoquée dans la déclaration du département d’Etat US, contrairement à celle de la France, actuellement contrainte de quitter le pays sous la pression des autorités militaires mais aussi des populations.
Avec cette nouvelle prise de position, Washington semble faire un pas de plus dans sa stratégie diplomatique de gestion de la crise au Niger, aux antipodes de celle de Paris qui continue de ne pas reconnaitre le nouveau pouvoir à Niamey.
A.Y.Barma (actuniger.com)
Commentaires
A tous les africains, revenez pour construire notre continent