Forum régional sur la régulation de l’électricité de la CEDEAO : la construction de marchés de l’électricité compétitifs au centre de la 8e édition qui se tient à Niamey
Le Centre international des conférences Mahatma Ghandi de Niamey abrite, du 19 au 21 juillet 2023, les assises du 8ème forum régional sur la régulation de l’électricité de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO). Placé sous le thème ’’ construire des marchés de l’électricité compétitifs: impératifs de régulation dans le contexte mondial et régional ’’, cette 8ème édition du Forum qui coïncide avec le 15ème anniversaire de l’Autorité Régionale du Secteur de l'Électricité de la CEDEAO (ARREC) offre l’occasion aux principales autorités de régulation de l’espace communautaire ainsi qu’aux décideurs politiques d’évaluer la mise en œuvre de la politique d’intégration énergétique, telle qu’elle découle du Traité de la CEDEAO en son volet relatif à la promotion, la coopération, l’intégration et le développement des projets et secteurs des Etats membres de la Communauté. Comme pour les précédentes éditions, le rendez-vous de Niamey vise à contribuer à travers des échanges et de partage d’expérience à l’objectif assigné par les Chefs de l’Etat de l’organisation communautaire de mettre à la disposition des peuples de la CEDEAO ainsi qu’aux entreprises installées dans la sous-région, une électricité disponible, fiable et à un coût compétitif. Il s’agit plus spécifiquement de mener des échanges constructifs qui devraient permettre aux régulateurs, et à toutes les parties prenantes de renforcer leurs rôles dans la mise en œuvre des réformes nécessaires à l’ouverture à la concurrence, l'attractivité et la compétitivité des marchés de l’électricité dans notre région, voire au niveau continental.
C’est le Ministre d’État, Ministre de l’Énergie et des Energies renouvelables, M. Ibrahim Yacouba, qui a procédé à l’ouverture officielle des travaux Forum, en présence du Commissaire en charge de l'Energie, des Mines et de la Digitalisation de la Commission de la CEDEAO; du Président et des membres du conseil de régulation de l’ARECC, des Représentants des Ministres en charge de l'Energie et des Présidents des Autorités de régulation du secteur de l'Energie ainsi que les Directeurs généraux des sociétés d'électricité des pays membres de la CEDEAO. La cérémonie a été également rehaussée par la présence des Présidents d’Institutions nationales, des membres du gouvernement, des députés nationaux, des représentants du corps diplomatique et des organisations internationales ainsi que de plusieurs invités.
Placé sous le thème ‘’construire des marchés de l’électricité compétitifs : impératifs de régulation dans le contexte mondial et régional ‘’, ce 8ème Forum qui coïncide avec le 15ème anniversaire de l’Autorité Régionale du Secteur de l'Électricité de la CEDEAO (ARREC) se tient après la précédente édition qui s’est déroulée en 2022 à Banjul, en Gambie. Dans son mot de bienvenue, M. Ibrahim Nomao, Directeur général de l'Autorité de Régulation du Secteur de l'Energie (ARSE), a au nom de l’institution qu’il dirige et de la Société Nigérienne d'Electricité (NIGELEC), coorganisatrices du 8ème Forum avec le soutien du Ministère de l'Energie et des Energies Renouvelables, souhaité la bienvenue à tous les participants dont il a tenu à mettre en exergue la qualité et la diversité comme gage de bonne augure pour la réussite des assises. Après avoir rappelé les enjeux du Forum qui se rapporte d’ailleurs au choix du thème de cette édition, le DG de l’ARSE a émis l’espoir qu'il répondra aux différentes attentes et surtout, qu'il sera une occasion de plus pour permettre à toutes les parties prenantes de comprendre les processus et modalités d'ouverture des marchés nationaux à la concurrence et la nécessité d'assurer leur viabilité pour garantir leur attractivité aux investisseurs. « Nous avons la ferme conviction par ailleurs, que les échanges seront denses et enrichissants pour tous, et y résulteront des recommandations pertinentes pour renforcer davantage la construction des marchés nationaux et du marché régional de l'électricité de l'espace CEDEAO » a déclaré M. Ibrahim Nomao qui a saisi l’occasion pour remercier tous les partenaires et sponsors qui ont contribué à la bonne organisation de cet évènement.
Le Marché Régional de l'Electricité, un véritable levier d'intégration dans l'espace CEDEAO
Dans son discours officiel d’ouverture du Forum qu’il a prononcé au nom du Premier ministre et chef du gouvernement, SEM. Ouhoumoudou Mahamadou, le Ministre d’Etat en charge de l’Energie a, tout d’abord, tenu à transmettre, au nom du gouvernement nigérien et du Président de la République SEM. Mohamed Bazoum, les appréciations ainsi que leurs remerciements à l’ensemble des personnalités ayant fait le déplacement de Niamey pour participer à ce forum en présentiel comme en visioconférence. Le présent forum régional, a rappelé M. Ibrahim Yacoubou, est un cadre pour rappeler et évaluer la mise en œuvre de la politique d’intégration énergétique, telle qu’elle découle du Traité de la CEDEAO en son volet relatif à la promotion, la coopération, l’intégration et le développement des projets et secteurs des Etats membres de la Communauté. « L’intégration énergétique suppose l’interconnexion des réseaux électriques des Etats membres, c’est-à-dire, la possibilité de diversifier les sources d’approvisionnement électrique en faisant appel aux capacités de production et transport d’une région voisine. Les interconnexions électriques sont le support des transactions commerciales transfrontalières et favorisent l’exploitation efficace des moyens de production de l’ensemble des pays de la CEDEAO. L’interconnexion des réseaux et le couplage des marchés permettent aux consommateurs d’accéder à l’électricité à un prix plus bas» a poursuivi le Ministre d’État qui n’a pas manqué de souligner que l'électricité et l'énergie en général sont des facteurs essentiels du développement durable. « Il est évident que la disponibilité de l'énergie électrique ne constitue pas, à elle seule, la condition du développement économique et social d'un pays », a-t-il reconnu car les statistiques indiquent, en effet, que « la consommation d'électricité est fortement corrélée à la richesse, et un faible accès aux services énergétiques modernes est également le reflet du niveau de pauvreté d'un pays ». Pour le ministre d’Etat, dans cette ère du numérique, il est difficile d'envisager le développement sans des services électriques adéquats. Ainsi, a estimé le ministre Yacoubou , le déficit énergétique qui prévaut dans la plupart de nos Etats et ce, malgré l'abondance des ressources énergétiques fossiles comme l'uranium, le pétrole, le gaz naturel, le charbon et des ressources renouvelables comme l'hydroélectricité, le solaire et l'éolien, encore très faiblement exploitées, a motivé notre organisation communautaire à affiner sa politique énergétique et ce par la création d'un marché régional de l'électricité à travers la mise en œuvre du Système d'Echange d'Energie Electrique Ouest Africain, adopté en 1999 par la 22ème session de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO. « Cette décision résulte de la détermination des dirigeants politiques de notre Organisation d'aborder la question du déficit d'énergie électrique en Afrique de l'Ouest par une mutualisation des ressources énergétiques et des capacités techniques de la région afin de partager la production d'électricité à travers une solidarité agissante entre Etats membres », a souligné le ministre nigérien qui a saisi l’occasion pour rappeler que le Niger a été très tôt pionnier de la politique d'intégration énergétique en adoptant dès l'année 1972 un Accord de coopération dans la fourniture de l'énergie électrique avec la République Fédérale sœur du Nigéria. A travers cet Accord, a-t-il expliqué, la première ligne d'interconnexion à 132 Kv entre Birnin Kébbi (Nigéria) et Niamey a été mise en service en 1976 et processus s'est poursuivi avec la construction de la ligne d'interconnexion à 132 Kv entre Katsina (Nigéria) et Gazaoua afin de desservir le Centre-Est du Niger, en 1994 et la construction de la ligne à 33 Kilovolts entre Damassak (Nigéria) et Chétimari pour desservir l'Est du territoire du Niger, en 2005. Et le ministre d’ajouter que les Etats de la sous-région ont compris la nécessité d'une intégration énergétique plus large avec la construction en cours de la dorsale Nord du West African Power Pool, en vue de l'interconnexion à 330 Kilovolts entre Birnin Kébbi (Nigeria)-Bembéréké (Bénin)-Niamey (Niger) et Ouagadougou (Burkina Faso).
Selon le ministre nigérien de l’Energie et des Energies renouvelables, « la construction d'un marché commun d'électricité proprement dit est un processus long et complexe ; le marché de la CEDEAO s'est essentiellement basé sur une approche politique et transactionnelle ». En effet, a-t-il poursuivi, il fallait allier, dès le départ, le développement des interconnexions électriques à une dimension institutionnelle pour gérer efficacement les transactions entre les États membres. Cela s'est traduit par la création de deux institutions clés en charge du développement du marché régional de l'électricité, à savoir le Secrétariat Général du Système d'Echanges d'Energie Electrique Ouest Africain pour faciliter le développement des infrastructures, et l'ARREC pour réguler le marché régional en gestation. Ainsi, a-t-il souhaité, les assises du présent forum doivent être une plate-forme d'échanges entre acteurs institutionnels et opérationnels du marché régional de l'électricité. « Elles doivent vous permettre d'évaluer le chemin parcouru dans sa mise en œuvre, de capitaliser, à travers les témoignages des parties prenantes, les meilleures pratiques et les réponses politiques et réglementaires possibles, de réévaluer et relever les défis qui plombent notre ambition à établir un marché régional de l'électricité ouvert, compétitif, attractif et concurrentiel », a déclaré le ministre d’Etat Ibrahim Yacoubou qui a invité l’ensemble des participants « à mener des discussions ouvertes et constructives afin de permettre à notre sous-région de disposer d'un marché de l'électricité à la hauteur de nos ambitions de développement ».
Du chemin parcouru mais aussi des efforts à consentir pour un véritable marché énergétique régional compétitif
Auparavant, le Président de l’Autorité Régionale du Secteur de l’Electrique de la CEDEAO, M. Laurent Koccou R. Tossou, a pris la parole pour rappeler qu’il y a un an jour pour jour, le 19 juillet 2022 à Accra, au Ghana, il prenait fonction en tant que nouveau Président de l’ARREC. Il a aussi rappelé qu’exprimant « leur ferme conviction de mettre à la disposition des peuples de la CEDEAO une électricité disponible fiable et à coût compétitif », la trente troisième session ordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement tenue à Ouagadougou le 18 juin 2008, a créé par acte additionnel, l’Autorité de Régulation Régionale du secteur de l’Electricité de la CEDEAO (ARREC), comme institution spécialisée de la CEDEAO. Après 15 ans d’existence, l’occasion de la tenue de ce forum de Niamey offre l’occasion de lancer les activités devant marquer la commémoration de cet évènement heureux, s’est réjoui M. Laurent Koccou qui a saisi l’ occasion pour exprimer sa gratitude, au nom de l’institution, au gouvernement nigérien mais également aux partenaires techniques et financiers pour leur soutien continu aux programmes du secteur de l’énergie de la CEDEAO, et en particulier leur soutien au développement et à la mise en œuvre des activités de l’ARREC. « Au cours de ces 15 années, l’ARREC a joué un rôle central dans la promotion du développement du marché régional de l’électricité de la CEDEAO. En tant qu’autorité de régulation chargée de superviser le marché régional de l’électricité, l’ARREC a travaillé sans relâche pour favoriser des règles du jeu équitables, renforcer les capacités et faciliter le commerce transfrontalier de l’électricité. Aujourd’hui, nous reconnaissons et célébrons les progrès significatifs que nous avons réalisés ensemble », s’est félicité le Président de l’ARECC qui n’a pas manqué de faire revenir sur le thème de ce forum, qui est de la plus haute importance. « Le paysage énergétique mondial évolue à un rythme sans précédent. Les progrès technologiques, les préoccupations liées au changement climatique et la demande croissante de l’énergie durable et abordable remodèlent le secteur de l’énergie. En tant que régulateur régional, il est de notre devoir de nous adapter à ces évolutions, de saisir les opportunités qu’elles présentent et de relever les défis qu’elles engendrent », a ajouté M. Lauent Koccou pour qui, « pour assurer le succès de marchés de l’électricité concurrentiels, nous devons nous concentrer sur les impératifs réglementaires qui favorisent une concurrence loyale, encouragent les investissements privés et protègent les intérêts des consommateurs ».
De son côté, le Commissaire en charge des Infrastructures, de l’Energie, des Mines, Ressources en eau et de la Digitalisation, M. Sediko Douka, Représentant du Président de la Commission de la CEDEAO a souligné que pendant les 15 dernières années, des réalisations ont été faites, dont les renforcements des capacités des organes nationaux de régulation, l’assistance technique et la mise en place du cadre régional institutionnel et réglementaire dans la régulation du secteur de l’électricité. Abordant la nouvelle politique régionale de l’énergie, il a indiqué qu’elle tient compte des nouveaux paradigmes tels que le changement climatique, la transition énergétique et le développement à grande échelle des énergies renouvelables. Cependant, a mis en avant le Commissaire, « ces notions ne doivent pas nous faire perdre de vue que nous devons utiliser et épuiser d’abord toutes nos ressources énergétiques d’où qu’elles viennent et quelle que soit leur nature. Vous n’êtes pas sans savoir, que notre région regorge d’énormes potentialités de combustibles fossiles qui, tant qu’elles ne sont pas suffisamment utilisées, constitue un échec de notre part de vouloir opérer une transition abrupte qui ne tient pas compte de nos réalités ». Des lors, a estimé M. Sediko Douka, « faisons du Gas to Power une réalité ». Dans la même lancée, il a plaidé pour davantage d’efforts en faveur du développement du marché régional de l’électricité de la CEDEAO dans la dynamique de l’engagement collectif et de la détermination qui a prévalu ces dernières années. Il a lancé un appel à l’ensemble des acteurs et particulièrement aux autorités de régulation à poursuivre leur engagement et leur collaboration en ce sens. « Votre dévouement et votre travail acharné ont jeté les bases de nos progrès. Continuons à renforcer nos partenariats, à favoriser le dialogue et à prendre des mesures audacieuses pour concrétiser la vision d’une politique énergétique harmonisée et d’une Afrique de l’Ouest prospère » a déclaré le Commissaire en charge de l’Energie de la Commission de la Cédéao.
Défis et enjeux de la régulation pour un marché de plus en plus concurrentiel
Après la cérémonie officielle d’ouverture, les travaux du Forum sont entrés dans le vif du sujet avec à l’ordre du jour plusieurs sessions et activités relatives au thème de cette édition mais aussi à la vie de l’ARECC. Le Forum qui réunit des représentants des ministères en charge de l'Energie et des Finances, des autorités de régulation nationales, des entreprises de services publics, des parlementaires, des universitaires, des chercheurs, des groupes de consommateurs et d'autres organisations de la société civile, des banques et des institutions financières régionales et internationales, ainsi que des partenaires au développement constitue un véritable cadre de partage d'idées et de discussions sur des questions liées aux réformes et mesures à entreprendre dans l’espace régionale pour le développement du marché régional de l'électricité. Il s’agit entre autres des défis et enjeux relatifs à l’ouverture à la concurrence des marchés nationaux et du Marché Régional de l'Electricité ; au rôle et l’expérience des régulateurs pour l'attractivité et la viabilité financière des marchés de l'électricité ainsi qu’au mandat, pouvoir et indépendance du régulateur. En, effet, au regard des impératifs de régulation et de la mission des régulateurs dans la construction d'un Marché Régional de l’Electricité (MRE) compétitif, il y a lieu de se poser plusieurs questions notamment Comment parvenir à une ouverture efficace et réussie des marches nationaux de l’électricité ? Comment harmoniser les politiques d'ouverture à la concurrence dans la région afin d'assurer une transition réussie vers un marché régional de l'électricité compétitif ? Quelle régulation mettre en place pour garantir la viabilité financière des marchés de l'électricité et l'attractivité des investissements ? Quels sont les défis et l'expérience de nos régulateurs nationaux dans la mise en œuvre des mesures et réformes pour la viabilité et l'attractivité des marchés ? Telles sont les questions auxquelles le forum va tenter d’apporter des réponses à travers les présentations d'experts, des échanges et des discussions entre les participants, afin d'identifier les meilleurs pratiques et les solutions politiques et réglementaires possibles.
Comme sus indiquée, l’édition 2023 du forum revêt un cachet particulier puisqu’elle coïncide avec 15e années d'existence et d'activités de l'ARREC. Un anniversaire qui a été célébrée à travers une journée porte ouverte le 19 juillet 2023 sous le sous-thème « L’ARREC : 15 ans de construction du marché régional de l'électricité ». Pour la deuxième journée du forum, le 20 juillet 2023, elle aura pour sous-thème le Rôle des régulateurs dans l'établissement d'un marché ouvert et attractif. Il convient de noter que le Forum a été précédé par une réunion, les 17 et 18 juillet 2023, des Comités Consultatifs des Opérateurs et des Régulateurs de l'ARREC, qui regroupent toutes les parties prenantes du Marché Régional de l'Electricité dans le cadre de l'élaboration et l'adoption des actes et décisions de l'institution spécialisée de la Cédéao en charge de la régulation du secteur.
A.K.Moumouni (actuniger.com)
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