Le président Issoufou à Emmanuel Macron : « votre visite va directement au cœur des nigériens »
Le président de la République française, Emmanuel Macron, a effectué une courte visite, dans l’après-midi du dimanche 22 décembre 2019, de retour d’une visite officielle en Côte d’Ivoire. Accueillit par le président de la République, Issoufou Mahamadou, à la base aérienne 101 de l’Aéroport international Diori Hamani de Niamey, il a ensuite été salué par les autorités politiques et militaires. Les deux chefs d’Etat se sont entretenus en tête au salon d’honneur, avant de rendre hommage, au Carré des Martyrs, aux 71 soldats nigériens tués durant l’attaque du 10 décembre dernier à Inatès, près de la frontière malienne.
Les président Issoufou et Macron ont ensuite visité les installations de la base militaire française située dans l’enceinte de l’aéroport. Auparavant, ils ont animé conjointement une brève conférence de presse. L’occasion pour le président nigérien de remercier son hôte et saluer son engagement ainsi que celui de la France, aux cotés du Niger et des pays membres du G5 Sahel, dans la lutte contre le terrorisme. Au cours de son intervention, le président Issoufou Mahamadou a tenu à transmettre au président Macron, « les remerciements des familles de ceux qui sont tombés sur le champ d’honneur, ainsi que ceux de l'ensemble du peuple nigérien », pour le déplacement qu’il a effectué ainsi que l’hommage rendu aux soldats disparus, et « pour tout ce que vous faites à nos côtés pour lutter contre le terrorisme qui constitue une menace grave ».
« Dans nos traditions, rendre visite à ceux qui sont dans le deuil, c’est l'acte le plus apprécié et c'est pour cela que la visite que vous nous rendez aujourd'hui va directement au cœur des nigériens. Cette visite confirme aussi votre engagement à nos côtés, dans la guerre contre le terrorisme, cette guerre dans laquelle des hommes meurent des deux côtés, de tous les côtés. Il y a de cela quelques semaines, la France a perdu 13 de ses soldats et nous, nous avons perdu le 10 décembre dernier, 71 de nos soldats. Le sacrifice de ces soldats et le sacrifice de toutes les victimes civiles et militaires du terrorisme, ne doivent pas être vain. C'est pour cela que nous sommes déterminés à poursuivre la lutte jusqu'à la victoire finale, jusqu’à vaincre le terrorisme ». Issoufou Mahamadou, président du Niger.
Au cours de la conférence de presse, le président Issoufou a indiqué que son gouvernement continue à travailler pour le renforcement des capacités opérationnelle et stratégiques des Forces de défense et de sécurité (FDS), au niveau national et aussi au niveau régional avec le G5 Sahel et la Force mixte multinationale (FMN), engagée contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. « Nous essayons également de mobiliser la solidarité à l'échelle de la CEDEAO », a poursuivi le chef de l’Etat qui a rappelé l’engagement de l’organisation communautaire, pris la veille à Abuja lors du 56e Sommet des chefs d’Etat, à accompagner la guerre contre le terrorisme dans le Sahel et dans le bassin du lac Tchad. « Il faudra qu'on renforce nos alliances, notamment avec la France et avec les autres pays amis » a plaidé Issoufou Mahamadou, qui a également tenu à remercier son homologue français pour son engagement dans « la mobilisation de l'opinion européenne sur cette guerre que nous menons ici au Sahel ». D’autant que, « malheureusement », a déploré le président nigérien, « certains pense peut-être que ce qui se passe au Sahel ne les concerne pas en Europe ».
« Quelqu'un a dit : qui tient l'Afrique tient l'Europe. Si le terrorisme arrive à tenir au Sahel, ce ne sera non pas au Sahel que les Européens auront à faire la guerre, mais sur le sol européen. C'est donc le moment de mobiliser toutes les forces nécessaires pour faire face à un ennemi commun ». Issoufou Mahamadou.
Le président Issoufou a par ailleurs tenu à remercier encore le président Macon, pour l’effort qu’il consacre pour que la Force conjointe du G5 Sahel soit mise sous le chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, ainsi que son plaidoyer pour que la MINUSMA puisse avoir un mandat plus offensif. « Je sais que c'est difficile mais nous n'allons pas baisser les bras, nous allons continuer ce combat et nous allons vaincre l'ennemi parce que nous allons mieux nous organiser, mieux coordonner nos actions ainsi que celles de nos forces nationales, des forces conjointes et des forces alliées comme Barkhane qui est et sera à nos côtés ».
« Positions claires » du G5 Sahel pour le Sommet de Pau
Interrogé sur la position des pays membres du G5 Sahel relativement au prochain sommet de Pau, initié par Macron, le président Issoufou a indiqué que les chefs d’Etat ont convenu, à l’issue de leur rencontre tenue le 15 décembre à Niamey, d’aller à cette rencontre prévue le 13 janvier « avec des positions très claires ». Selon Issoufou Mahamadou, « tous les Etats du G5 Sahel souhaitent davantage d'alliances pour faire face à l'ennemi commun », et c’est ce qui sera confirmé à Pau, « parce que la menace du terrorisme et une menace planétaire, qui nécessite une riposte à l'échelle de la planète ».
« A Pau, nous allons définir et harmoniser nos positions avec notre principal allié, la France, pour lever toutes les ambiguïtés, lever toutes les incertitudes, parce que pour se battre efficacement ensemble, il faut qu'on se fasse confiance et si il n'y a pas de confiance, il y’ aura malheureusement des conséquences fâcheuses sur l'efficacité de notre lutte. Nous allons avoir des objectifs communs et qu’ils soient clairs pour tout le monde et acceptés par tous ». I.M
Pour le chef d’Etat, « nos peuples ne doivent pas continuer à supporter tout seul le poids de la guerre ». Dans certains pays comme le Niger, a poursuivi Issoufou Mahamadou, « c'est 19 % des ressources budgétaire que nous nous engageons dans le combat contre le terrorisme ». « Je sais que la France, qui est engagée à nos côtés, consacre également beaucoup de ressources et je pense qu’à Pau, nous lancerons un appel à la solidarité internationale pour ne pas que le Sahel et la France soient les seuls pays engagés dans ce combat planétaire, afin qu'on puisse mettre en place une coalition internationale la plus large possible contre ce fléau dans le Sahel », a ajouté le président nigérien qui s’est dit « très optimiste quant aux conclusions qui seront tirées de la rencontre de Pau, à laquelle tous les chefs d'États du G5 Sahel participeront ».
« Nous voulons plus de Barkhane et des forces alliés »
Sur la présence de la force française Barkhane au Sahel, le président nigérien a réitéré ses propos sur sa nécessité ainsi que celle des alliés. Issoufou Mahamadou a d’ailleurs plaidé pour « plus d'engagements des forces européennes, des forces américaines et des forces de tous les alliés qui peuvent nous aider à endiguer cette menace qui est réellement une menace mondiale ».
« Je l'ai dit et d'ailleurs je le confirme : nous voulons plus de Barkhane et nous voulons plus d'alliés, parce que l'ennemi que nous combattons nécessite une coalition la plus large possible pour qu'il soit vaincu. On a vu, ailleurs, comment les coalitions ont été mises en place, en Irak et en Syrie contre l'État islamique, ou en Afghanistan également contre le terrorisme. Nous disons qu’il faut que la communauté internationale soit plus solidaire vis-à-vis de notre combat ici au Sahel contre le terrorisme parce que comme j'ai coutume de le dire, la sécurité est un bien public mondial, donc le combat que nous menons ici au Sahel, nous le menons aussi pour l'Europe, nous le menons aussi pour le monde et si les européens ne s'engagent pas davantage à nos côtés dans cette lutte, ils auront à faire cette guerre sur leur territoire, donc mieux vaut qu'il le fasse ici au Sahel, endiguer le terrorisme ici au Sahel, plutôt que d'avoir à faire la guerre sur le sol européen ». SEM Issoufou Mahamadou.
Selon le chef de l’Etat nigérien, ce qui se passe actuellement au Sahel ainsi que l'issue de cette guerre contre le terrorisme dans la zone, auront des conséquences en Europe. « Parce que non seulement la guerre pourra être exportée en Europe, sur le sol européen même, mais aussi parce que la guerre contre le terrorisme va créer des problèmes au plan économique », a expliqué le président nigérien qui a alerté sur les risques de la crise sécuritaire sur la croissance et donc la création d’emplois pour les jeunes. « Nous avons 10 millions de jeunes africains qui arrivent sur le marché du travail chaque année, ils seront 30 millions à l’horizon 2040 à 2050. Si ces jeunes n'ont pas d'emplois, ils iront alimenter la migration clandestine et ils iront effectivement en Europe. Donc ce qui se passe ici aura des conséquences sur l'avenir de l'Europe et j'invite les européens à se mettre aux côtés de la France, aux côtés de Barkhane pour que nous puissions engager ensemble cette lutte contre cet ennemi commun. C’est pourquoi nous voulons plus d'alliés, nous voulons plus de Barkhane », a souligné le président nigérien Issoufou Mahamadou au cours de la conférence de presse conjointement animé avec Emmanuel Macron.
A.Y. Barma (actuniger.com)
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