Le président nigérien décline les enjeux de l’accord signé sur la ZLEC
«Avec cet accord, les entreprises africaines seront plus compétitives et pourront satisfaire la consommation intérieure (…) Désormais, nous allons pouvoir négocier de manière unie les accords internationaux », estime le président Issoufou Mahamadou.
Le président Issoufou Mahamadou, désigné en 2016 par ses pairs pour mener les travaux sur la ZLEC, a précisé, sur Jeune Afrique, les enjeux de ce qu'il qualifie de « tournant historique ». Le président Issoufou Mahamadou est aussi revenu sur la portée de cet accord et sur les obstacles qu’il reste à franchir pour permettre sa mise en œuvre. ‘‘Il s’agit d’un tournant historique pour l’Afrique, pour le continent qui a été divisé il y a 133 ans à Berlin, partagé et affaibli. Elle a décidé de s’intégrer et de s’unir. Ce sont 84 000 km de frontières, 84 000 km d’obstacles qui font que les échanges entre États africains ne représentent aujourd’hui que 17 % des échanges sur le continent’’, a-t-il d’entrée de jeu déclaré.
Selon le président nigérien quatre accord ont fait l’objet de la signature aujourd’hui : l’accord général sur la zone de libre-échange continentale, puis le protocole sur le commerce de marchandises, celui sur le commerce des services et enfin celui sur le règlement des différends.
‘‘Avec cet accord, les entreprises africaines seront plus compétitives et pourront satisfaire la consommation intérieure, mais aussi répondre aux besoins de cette classe moyenne en pleine expansion et rendre le continent plus attrayant. Désormais, nous allons pouvoir négocier de manière unie les accords internationaux’’, a-t-il justifié.
Pour le président Issoufou, le vrai enjeu de ce projet sera son taux de ratification. Le nombre de ratifications nécessaire a fait l’objet d’un débat, c’est vrai. Il se situe dans l’accord au niveau de 22 États. ‘‘C’est le compromis sur lequel nous nous sommes entendus, puisque certains avaient proposé 15 États nécessaires au minimum, d’autres les deux tiers, d’autres 51 %’’.
‘‘Je pense que cela peut être fait assez rapidement. Dans un an, maximum, je pense que les ratifications peuvent être prêtes et l’entrée en vigueur de l’accord obtenue d’ici janvier 2019. Au plus tard je prévois ça dans 18 mois, mais le premier objectif c’est janvier’’, a-t-il dit.
Selon lui, le Nigeria est certes la première économie du continent, mais dit ne pas mettre dans la perspective d’un retrait du Nigeria sur ce projet. ‘‘Le président Buhari a une forte volonté d’intégration. Il l’a exprimée lors de la présentation de mon rapport à l’occasion de la rencontre à huis-clos, à l’occasion du dernier sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba (janvier 2018)’’, a précisé le président Issoufou.
Seulement, estime t-il, l’intégration doit se faire à deux niveaux, par le haut, et également par le bas. Il faut que les citoyens s’approprient le projet, de même que les leaders économiques. ‘‘Je pense qu’à ce titre il y a encore un travail de sensibilisation à faire au niveau de l’opinion publique nigériane pour que le pays adhère pleinement à cette zone de libre-échange’’.
‘‘ Notre objectif est d’éliminer toutes les barrières au commerce et aux échanges. Qu’elles soient tarifaires ou non tarifaires, comme dans le cas de la corruption. Un des objectifs pour les pays, et ce sera l’ambition d’un autre programme dans le cadre de l’année de la lutte contre la corruption à l’Union africaine, sera d’améliorer le climat des affaires et la lutte contre la corruption au sein des entreprises. Mais ce n’est pas le seul obstacle non tarifaire que je peux mettre dans la balance : il y a également la question des infrastructures – aéroportuaires ou énergétiques notamment – qu’il ne faut pas ignorer. On doit tourner le dos au pacte colonial qui consiste à voir l’Afrique comme réservoir de matières premières et consommateurs de produits finis’’, estime le président nigérien.
Il a ajouté que la Zone de libre-échange continentale qui concerne les marchandises, va être complétée avec un protocole sur la libre circulation des personnes, qui prévoit également le droit de résidence et d’établissement notamment pour les entreprises.
‘‘Si le continent s’enrichit, alors la pauvreté va reculer. Or la pauvreté est le terreau du terrorisme. Je pense au contraire que c’est une arme puissante contre ce phénomène que nous sommes en train de bâtir. La lutte contre le terrorisme n’est pas seulement militaire, elle est également économique et idéologique. La Zone de libre-échange continentale va contribuer à cette lutte à moyen et à long terme’’, rassure le président Issoufou.
‘‘Je suis satisfait, l’accord est à la hauteur de nos ambitions. Le bilan des travaux est positif. Pendant ces deux ans, nous avons négocié durement et nous avons pu élaborer quatre accords’’, s’est-réjouit.
Abdou Nasser Hassane
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