Assemblée nationale : « Le régionalisme, le tribalisme et l’ethnocentrisme sont des antivaleurs qu’il faut combattre sans faiblesse » selon le président Ousseini Tinni
La première session ordinaire au titre de l’année 2018 de l’Assemblée Nationale, dite « session des lois », a ouvert ses travaux le lundi 5 mars 2018 à l’hémicycle de l’institution sis Place de la Concertation de Niamey.
A cette occasion le président de l’Assemblée nationale Ousseini Tinni a prononce le discours inaugurale que nous présentons en intégralité :
DISCOURS DE SEM OUSSEINI TINNI, PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE, À L’OCCASION DE L’OUVERTURE DE LA SESSION DES LOIS DE L’ANNÉE 2018
Excellence Monsieur le Premier ministre, chef du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Organisations internationales,
Honorables collègues Députés,
Monsieur le Gouverneur de la Région de Niamey,
Honorables Chefs traditionnels et Chef religieux,
Mesdames et Messieurs, Chers invités,
Je ne puis m’abstenir d’exprimer la joie qui m’anime de vous accueillir, à nouveau, dans cette auguste salle qui vient d’être entièrement rénovée pour s’adapter aussi bien à l’effectif des députés qu’au progrès des technologies de l’information et de la communication ! En effet, par la grâce d’Allah, le Tout puissant, nous avons pu venir à bout de ce projet de restauration qui nous permet de disposer, aujourd’hui, d’un hémicycle à la hauteur du passé glorieux de ces lieux qui ont beaucoup compté dans le devenir de notre pays !
En effet, faut-il le rappeler, notre hémicycle a été inauguré au moment où l’histoire de notre pays et de ses voisins prenait le tournant décisif qui nous a conduits à la souveraineté. L’on se rappelle en effet qu’avec la loi-cadre Defferre, au côté d’un Conseil de gouvernement, siégeait une Assemblée territoriale qui se devait de disposer d’un siège pour accueillir ses travaux. Ce siège, construit par l’entrepreneur Vidal, a été construit en 1956 et, pendant plus de deux décennies, son hémicycle était la seule salle susceptible d’accueillir, à Niamey, des rencontres internationales de haut niveau. C’est ainsi qu’il a pu abriter la conférence au sommet qui devait donner naissance à l’Agence de Coopération Culturelle et Technique, ancêtre de l’organisation Internationale de la Francophonie…
Aujourd’hui, tout en sa conservant sa structure architecturale d’origine, il vient d’être remis à neuf avec le concours d’un talentueux entrepreneur nigérien animé d’un esprit patriotique ; il pourra ainsi relever encore tous les défis pareils à ceux de sa première jeunesse ! Mais, quoi qu’il en soit, il reste pour nos compatriotes le lieu où s’exprime leur volonté, j’allais dire la volonté nationale ! Pour ma part, en attendant qu’il plaise à l’Assemblée nationale de lui donner le nom de baptême qu’il mérite, je voudrais le dédier à la première République, cette République fondée et animée par des gens habités par le noble idéal de créer un Etat qui tienne son rang parmi les autres, un pays qui fasse la fierté de ses enfants, un pays viable où la volonté de réussir transcende la modicité des moyens ! Cette République que d’aucuns qualifiaient ‘’d’Etat enseignant’’ a tenu toutes ses promesses ! Avec la seule volonté de bien faire, ces ‘’enseignants’’ ont donné au Niger l’élan de départ qui lui a permis de créer des institutions viables, des bases économiques et sociales pérennes dont nous nous servons encore aujourd’hui.
C’est pourquoi, l’histoire et le devoir de mémoire nous recommandent une reconnaissance nationale de l’incommensurable mérite de cette époque où le Niger a été mis sur les fonts baptismaux ; ce qu’il faut c’est magnifier aux yeux des jeunes générations, la clairvoyance de ceux-là qui ont choisi pour nous un hymne, un drapeau, un sceau et surtout qui nous ont transmis cette grande propension à la résilience, quoi qu’il arrive ! Aujourd’hui que nous avons hérité des fruits de leurs méritoires efforts, l’on est porté à croire que les choses étaient faciles ! Mais, pour peu que l’on songe au vertige de la page blanche pour un écrivain, l’on se rend aisément compte de tout ce que l’on doit à ces pères fondateurs qui ont créé un Etat presque par génération spontanée !
Aujourd’hui, en revisitant cette période, l’on se rend compte qu’ils ont réussi car, enseignants, eux-mêmes formés à la morale républicaine par ces grands idéalistes de ‘’l’école publique laïque, gratuite et obligatoire’’ de la fin du 19ème siècle, ils étaient désintéressés, animés d’un esprit de responsabilité avec un caractère d’infatigables bâtisseurs !
Distingués invités, je parlais tantôt d’hommage, mais à la vérité, le meilleur signe de reconnaissance que nous pouvons témoigner à cette génération n’est-il pas de reprendre leur flambeau d’intrépides bâtisseurs, leur esprit d’abnégation et leur dévouement pour le bien commun ?
Fort heureusement, aujourd’hui, à l’appel du Président de la République SEM ISSOUFOU MAHAMADOU, ils sont légions les patriotes de bonne volonté engagés corps et âmes dans le chantier de la construction nationale. S’étant approprié les idéaux de cette Renaissance à laquelle tous nos compatriotes sont invités, malgré la conjoncture actuelle faite de défis sécuritaires et de crise économique internationale, ils font front et travaillent à préparer des lendemains heureux pour nos enfants ! C’est, à titre illustratif, cette équipe de haut niveau qui, travaillant d’arrache-pied, a élaboré le Plan de Développement Economique et Social dont elle a défendu avec brio la pertinence devant un aréopage de professionnels de la finance internationale ; ce sont ces agents des services financiers aux frontières, en ville ou dans le pays profond qui, souvent au mépris de leur sécurité s’engagent avec professionnalisme à mobiliser ces ressources internes dont le pays a grand besoin ; ce sont ces enseignants chevronnés qui organisent des cours de rattrapage pour mieux préparer leurs élèves aux examens de fin d’année ; c’est tous ces médecins, ces infirmiers, sages-femmes ou filles de salles qui n’ont plus d’horaires de travail à force de faire des heures supplémentaires tous les jours ; ce sont ces investisseurs et opérateurs économiques qui prennent les risques les plus osés pour produire et faire circuler les richesses ; ce sont ces citoyens du monde rural, agriculteurs, éleveurs et artisans qui, chaque année, en dépit des aléas climatiques, s’échinent inlassablement et péniblement à répéter les mêmes gestes pour assurer la couverture de nos besoins alimentaires ; ce sont ces éléments des Forces de Défense et de Sécurité qui, pour que le Niger continue à exister, sont sur le qui-vive, jour et nuit, et combattent souvent jusqu’au sacrifice suprême !
Rendons donc hommage à tous ces citoyens vertueux qui continuent les œuvres des pères fondateurs ou font mieux dans tous ce qui se fait de grand, de noble et de beau au Niger ! C’est pourquoi il faut également redoubler d’efforts, nous remettre sans cesse en cause pour bannir à jamais les attitudes et comportements qui induisent les tares sociales et morales en fragilisant ainsi notre nation et son économie.
C’est le lieu de lancer un appel au rassemblement de toutes ces bonnes volontés dont le pays regorge, au delà des familles politiques, il faut que chacun d’entre-nous se pénètre de ces vertus républicaines qui nous permettent d’être plus efficace ensemble. Je veux parler de la tolérance, de l’esprit civique et citoyen, de cette éthique qui facilite le vivre ensemble !
En effet, ces dernières années, force est de constater, de manière récurrente, la montée des particularismes à la faveur de certains remous que connaît le climat politique. De plus en plus, sous le couvert de l’anonymat des réseaux sociaux, l’on ne se gêne plus pour agiter des idées rétrogrades et malsaines qui mettent à mal la cohésion nationale. Est-il besoin de dire qu’il s’agit là d’un dangereux précédent ? En effet, et pendant la colonisation et au cours de la première République que je viens d’évoquer, de telles attitudes étaient totalement inconnues ; mieux, ils étaient nombreux ceux, dont d’importants leaders, qui se faisaient élire aux antipodes de leur lieu de naissance. Cela ne paraissait extraordinaire à personne tant l’esprit de tolérance et d’acceptation de l’autre, dans sa différence, était partagé par tous. C’est un paradoxe aujourd’hui où, ailleurs, de part le monde, des personnes d’ascendance africaine sont maltraitées et tuées juste en raison de leur couleur de peaux, que l’on s’en vienne, dans l’espace étroit de nos frontières, à cultiver et à revendiquer une certaine identité particulière qui serait supérieure à celle d’autrui. Hélas, c’est souvent ceux-là, leaders d’opinion, qui ont vocation à éduquer et à conduire les masses qui tombent dans ces travers. Je voudrais, profiter de la présente cérémonie pour leur demander de trouver un autre terrain de jeu car celui-ci est glissant ; il risque de les emporter et, avec eux, la quiétude et la sérénité de tous !
Mesdames Messieurs, le régionalisme, le tribalisme et l’ethnocentrisme sont des antivaleurs ; il faut punir sans faiblesse ceux qui en font une arme de combat politique ou de promotion personnelle. Ils sont légions les exemples récents où ces attitudes et comportements ont détruit complètement des pays. J’en appelle aux partis politiques et aux associations pour qu’ils ne laissent pas cours à leur manifestation. Mais, il faut se dire que la meilleure des armes pour les combattre c’est l’éducation à travers la cellule familiale et l’école.
C’est dire donc qu’il faut que les familles retrouvent les valeurs d’antan qui ont maintenu l’harmonie et l’équilibre de nos sociétés. Il ne faut pas qu’elles démissionnent devant l’assaut malsain d’un usage détourné des technologies de l’information et de la communication.
C’est dire que l’école doit instruire et éduquer avec notamment une valorisation plus importante de l’enseignement moral et civique.
C’est dire qu’il nous faut revenir aux prescriptions fondamentales de toutes les religions pratiquées dans notre pays ; pour rappel, il n’est pas jusqu’aux religions dites traditionnelles qui ne proclament la fraternité universelle et ne professent les vertus de la tolérance et du respect de l’humanité dans chaque personne.
Distingués invités, chers collègues, je voudrais à présent revenir à la session qui s’ouvre ; comme vous le savez, il s’agit de la session dite des lois. Pendant donc les trois prochains mois, nous aurons à examiner tous ces textes généraux dont l’objectif est de conférer plus d’efficacité aux structures et institutions de l’Etat afin de mieux préparer les changements juridiques majeurs appelés à sous-tendre les trois modernisations qu’appelle de tous ces vœux le Président de la République, SEM ISSOUFOU MAHAMADOU, pour donner corps à la Renaissance de notre pays.
Il s’agit notamment du projet de loi portant statut de la magistrature, du projet de loi fixant l’organisation et la compétence des juridictions au Niger, du code des Douanes ou du projet de loi déterminant les principes fondamentaux de la protection sociale etc.
Cependant, Distingués invités, Chers collègues, comme vous le savez, le processus législatif est un cycle qui se doit d’être complet ; ainsi, après l’adoption et la promulgation, il faudrait que la loi soit exécutée dans la plénitude de ses dispositions. En conséquence, la modernisation du pays à laquelle nous sommes invités à nous atteler suppose impérativement l’appropriation par tous et par chacun des lois régulièrement adoptées par les représentants du peuple et promulguées par le Président de la République ; ces lois ont vocation à s’appliquer de manière indistincte. C’est là un lieu commun ! Donc, refuser de se soumettre à l’application d’un texte de loi régulièrement entré en vigueur ne revient-il pas à remettre en question ces principes démocratiques que l’on fait mine de défendre ?
De même, la non application des textes résultant du laxisme de l’Administration porte atteinte à l’autorité de l’Etat parce que elle est source d’injustice et de désordre. Du reste, la démocratie ne peut exister et prospérer sans la loi et l’ordre. Le principe de l’ordre nous commande de mettre chacun et chaque chose à sa place et qu’à chaque place corresponde quelque chose ou quelqu’un. Dans cette logique, il faut souhaiter que chaque acteur public s’en tienne aux prérogatives qui sont les siennes sans empiéter dans les attributions d’autrui !
Pour sa part comme je l’ai signifié tantôt, l’Assemblée nationale fera toute la part du travail qui lui revient ; elle examinera sans état d’âme la législation qui accompagnera la modernisation sociale, la modernisation politique et la modernisation économique qu’appelle la Renaissance culturelle. Elle contrôlera sans complaisance l’exécution des projets qui s’en inspirent et, dans le cadre de sa mission de représentation, ses membres en expliqueront l’opportunité et la pertinence au Peuple !
Chers collègues, c’est certainement le lieu de vous remercier, tous, majorité comme opposition, pour avoir organisé, la première fois au Niger, des tournées formelles de restitution d’une session parlementaire, en l’occurrence la dernière session budgétaire. Ce faisant, vous permettez à l’Assemblée nationale de mieux assumer sa troisième mission qui est celle de la Représentation. Je souhaite qu’il puisse en être toujours ainsi, conformément à notre programme de modernisation du travail parlementaire. Comme vous le savez en effet, celui-ci ne concerne pas que les investissements physiques, bien au contraire, il ambitionne d’améliorer significativement la pratique et les usages parlementaires pour les mettre au diapason des standards internationaux en la matière.
C’est ainsi, qu’à la faveur de la récente refonte de notre Règlement intérieur, les Commissions générales permanentes ont vu leurs prérogatives renforcées avec notamment la faculté de conduire des missions d’évaluation des politiques publiques et surtout des missions de terrain autour d’actions gouvernementales relevant de leurs domaines de compétences respectifs. A cette fin, des moyens conséquents sont mis à la disposition des sept (7) Commissions dans le cadre du budget en cours. Il ne s’agit pas pour celles-ci de verser ni dans une attitude inquisitoire ni dans un voyeurisme de mauvais alois mais, plutôt de faire une stricte application de nos textes aux fins de donner davantage de dynamisme à notre démocratie !
C’est également dans ce sens qu’il faut comprendre la nouvelle procédure applicable aux questions d’actualité. Cette procédure, bien conduite, comporte d’énormes vertus pédagogiques ; elle permet, en effet, à nos concitoyens de vivre, en temps réel, la situation des grands dossiers qui sont à l’agenda du Gouvernement.
Distingués invités, Mesdames et Messieurs, permettez-moi à présent de dire quelques mots à propos du contexte dans lequel démarre cette première session de l’année 2018.
Je voudrais d’abord, avec vous, constater, pour m’en réjouir, le rayonnement diplomatique que continue de connaître notre pays sous la conduite du Président de la République, SEM ISSOUFOU MAHAMADOU. Je me permettrai ainsi d’évoquer l’accueil enthousiaste dont sa communication sur le libre-échange a fait l’objet lors de la dernière conférence de l’Union Africaine. J’évoquerai aussi l’honneur fait à notre pays d’accueillir, dans un an, cette même conférence. Je n’oublierai pas non plus l’arrivée au Niger de personnalités internationales de premier plan qu’il s’agisse de chefs d’Etat ou d’éminents responsables d’organisations internationales.
Je voudrais également, au nom de l’Assemblée nationale, saluer le rôle éminent que joue le Président de la République en Afrique dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, notamment, dans le cadre du G5 Sahel.
Pour tout dire, Mesdames et Messieurs, grâce au leadership du Président de la République, SEM ISSOOUFOU MAHAMADOU, notre pays devient progressivement un véritable carrefour diplomatique. Aussi, voudrais-je, au nom de la Représentation nationale, tout en félicitant le Président de la République pour les résultats déjà engrangés, l’encourager à persévérer davantage afin que l’action internationale de notre pays se traduise par le retour définitif de la paix sur l’ensemble du territoire et en termes de mieux être pour tous.
Distingués invités, la présente session s’ouvre également alors que les résultats de la dernière campagne agricole sont connus. Comme je le disais en décembre dernier, l’excédent qui s’en est dégagé cache d’énormes disparités d’une zone de culture à l’autre. Ainsi, pendant que certains ont eu la joie d’avoir engrangé une production record, d’autres n’ont rien eu à récolter. Je sais que le Gouvernement dispose de moyens pour faire face à cette situation. Cependant, la fâcheuse récurrence de cette situation nous interpelle tous ; il nous faut, à la faveur de l’initiative 3 N, repenser de fond en comble le système de production agricole au Niger ! Sans préjuger des résultats des réflexions des experts ès qualité, je pense que l’urgence est de mettre l’agriculture à l’abri des aléas climatiques par des investissements publics et privés plus massifs qui nous conduisent progressivement vers une agriculture plus intensive et un élevage moins transhumant et moins contemplatif. Nos méthodes et techniques culturales doivent de plus en plus être adaptées au changement climatique et aux pesanteurs démographiques responsables de l’émiettement des espaces cultivables. Il faut sans doute développer davantage de génie pour maîtriser l’accès à l’eau. Aujourd’hui, à l’évidence, notre avenir agricole réside dans le sous-sol, dans les réserves d’eau du désert, des dallols, des goulbis, des koramas et des cuvettes. Il nous faut donc développer des moyens d’exhaure appropriés. Mais, en attendant, encore une fois de plus, la Représentation nationale encourage instamment le Gouvernement à accélérer le processus de construction du barrage de Kandadji tout en multipliant, partout où cela est possible, la création de retenues d’eau.
Distingués invités, pour finir, je voudrais, du fond du cœur, vous remercier, tous, pour avoir honoré la présente cérémonie et l’Assemblée nationale qui est plus que jamais résolue à conférer au travail parlementaire le dynamisme permettant à l’action législative de donner à la moralisation de la société et de la vie publique les armes juridiques indispensables à leur aboutissement ! Avec l’espoir qu’elle y parviendra rapidement, je déclare ouverte la première session ordinaire de l’Assemblée nationale au titre de l’année 2018.
Vive la République,
Vive le Niger
Je vous remercie
Commentaires
le brassage ethnique est une realite au Niger. Donc qui va tuer qui au Niger.
De grace les Nigeriens ne doivent plus jamais jouer aux jeux de nos hommes politiques