G5 Sahel : «La contribution des Etats-Unis la plus importante à ce jour est à saluer»
Le G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad, Niger) vient d'annoncer qu'une première mission avait été lancée au Mali. L'objectif est toujours d'atteindre la pleine capacité de cette force antiterroriste de 5 000 hommes au mois de mars. Si les Etats-Unis se sont engagés à financer la force à hauteur de 60 millions de dollars, les questions du financement et du mandat restent centrales et non résolues. Notre invité Afrique ce matin est Ibrahim Yacouba, le ministre des Affaires étrangères du Niger. Il répond aux questions de Xavier Besson.
RFI: Vous revenez de Washington. Les Etats-Unis disent vouloir donner 60 millions de dollars pour le financement de la force G5 Sahel. Selon vous, est-ce que c’est un engagement qui est satisfaisant ?
Ibrahim Yacouba: D’abord c’est très important puisque vous savez qu’on revient de loin sur cette force. Au début, lorsque nous l’avions créée, il n’y avait pas beaucoup de partenaires qui y croyaient. Il n’y avait pas beaucoup d’engagement de la part de certains pays. En ce qui concerne les Etats-Unis, c’est donc une étape importante.
D’abord, il s’agit de la plus importante contribution annoncée jusqu’ici puisque ce que nous avons, pour le moment, c’est la contribution des pays concernés eux-mêmes qui est de 50 millions d’euros, puis celle de l’Union européenne, de la France et du Danemark. Je note que cette contribution des Etats Unis est un appui considérable et un premier engagement. Au fur et à mesure que nous aurons avancé et que peut-être nous aurons donné la preuve de notre pleine efficacité de la mise en œuvre de cette opération, d’autres engagements suivront.
Mais est-ce qu’il ne faudrait pas aussi que les Etats-Unis s’engagent à soutenir le G5 Sahel devant les Nations unies pour que la force obtienne un mandat qui soit le plus solide possible ?
Oui, c’est notre vœu. Nous avons souhaité que le mandat de la force du G5 soit un mandat très fort, sur le chapitre 7, pour créer les conditions juridiques d’un véritable engagement offensif.
L’ennemi que nous avons en face, est un ennemi qu’il faut réduire et pour cela, il faut créer les conditions pour la neutralisation des groupes narcoterroristes qui sont au Sahel. Nous sommes dans une confrontation guerrière directe et l’une des conditions, ce n’est pas d’abord le montant que nous voulons, mais c’est avant tout la durabilité des ressources puisque l’engagement que nous cherchons, au niveau des forces du G5 Sahel, est un engagement dans le temps.
Nous sommes conscients que nous menons un combat qui va mobiliser nos hommes sur une certaine période et durant toute cette période-là, nous devrons être à même de garantir les ressources financières matérielles et logistiques pour permettre de réussir l’objectif que nous nous sommes fixés.
Ainsi, l’engagement multilatéral est un engagement essentiel dans cette approche de la force du G5. Nous sommes par ailleurs convaincus que la contribution à la sécurité au Sahel est une contribution à la sécurité dans le monde.
Quand vous étiez à Washington, il a été question de coopération militaire bilatérale. Avez-vous senti une volonté de la part des Etats-Unis de renforcer cette coopération et cela même, après la mort de quatre soldats américains au Niger, le mois dernier ? Est-ce que cela a été un sujet ?
Oui, absolument. Non seulement de la continuer mais aussi de la renforcer car, en effet, de manière tragique peut-être, mais ce qui est arrivé a révélé que la menace est encore plus grande que certains ne pouvaient l’imaginer. Il y a donc aujourd’hui un engagement des Etats-Unis à continuer à consolider le partenariat que nous avons avec eux sur la question.
L’Ofpra, Office français de protection des réfugiés, vient de mener une première mission au Tchad pour identifier des réfugiés qui seraient éligibles au droit d’asile, en France. Une mission similaire doit être lancée au Niger. Est-ce que c’est bien, au Niger, de s’occuper de cela ?
Nous faisons déjà un travail, dans ce domaine, avec le HCR. Vous savez, la migration qui passe par le Niger est une migration essentiellement économique. Il reste cependant qu’il y a quelques ca de personnes qui peuvent être concernées par la possibilité d’avoir un droit d’asile dans un pays européen. Ces personnes-là, pour leur protection et pour que l’on puisse leur garantir une sauvegarde au moment où elles traversent notre pays, depuis assez longtemps, eh bien nous travaillons avec le HCR pour les identifier et nous occuper de leur situation. Je pense que ce qui va se passer avec la mission de l’Ofpra, probablement, c’est une suite de ce que nous faisons déjà avec le HCR.
Donc, vous pensez qu’une telle mission a toute sa place au Niger ?
Je pense qu’il faut toujours protéger les personnes qui ont besoin de protection là où elles sont. Les personnes qui traversent le désert du Niger sont des personnes vulnérables et nous travaillons dans ce domaine. Nous avons dit que la question de la migration est une priorité.
La migration illégale ou irrégulière est une priorité pour notre pays, pour deux raisons. D’abord l’obligation et la responsabilité morale que nous avons, de préserver des vies. Vous connaissez le nombre de migrants qui meurent en traversant le désert. Vous connaissez les souffrances terribles que ces migrants endurent lorsqu’ils arrivent en Libye et les morts aussi, en mer. Ensuite, il s’agit d’une considération de sécurité. Nous avons fait le constat que les passeurs, chaque fois qu’ils amènent des personnes en Libye, reviennent souvent avec des armes ou des munitions ou toute autre marchandise qui participe à la déstabilisation.
RFI