Interview de SEM Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l'Etat, sur l'état de la Nation à l'occasion de l'An I de son second mandat
Monsieur le Président, voilà un an que les Nigériens, dans leur écrasante majorité, sur un score de 92, 49%, vous ont réitéré leur confiance afin de conduire leur destinée pour les cinq prochaines années, et cela au vu des réalisations du Programme de la Renaissance Acte I, que vous avez mis en œuvre au cours de votre premier mandat. Alors Monsieur le Président, en quoi l'Acte II se distingue-t-il de l'Acte I ?
Je voudrais commencer par vous remercier. Pour répondre à votre question, je dirai que le Programme de Renaissance Acte I était bâti sur huit axes et qui sont les suivants : la sécurité comme 1er Axe, la stabilisation des institutions démocratiques et républicaines comme 2ème Axe ; ensuite nous avons les infrastructures, (infrastructures routières et énergétiques, ferroviaires, de communication, infrastructures urbaines également) ; nous avons aussi l'initiative 3N, ''les Nigériens Nourrissent les Nigériens'' ; nous avons l'éducation, la santé, l'accès à l'eau et à l'assainissement pour les populations, ainsi que la création d'emplois pour les jeunes. Voilà les huit axes du Programme de Renaissance du quinquennat précédent. Et ce programme était évalué au départ et correspondait à une enveloppe de 6.200 milliards de francs CFA. Il a été exécuté à hauteur de 5.800 milliards de francs CFA. Cela qui fait à peu près un taux d'exécution de 93%. Ce qui montre bien le sérieux qu'on a mis dans l'évaluation de ce programme.
Maintenant, en ce qui concerne le Programme de la Renaissance Acte II, c'est ça le sens de votre question, il reprend toutes les priorités de la Renaissance Acte I que je viens de rappeler, et ensuite il y est ajouté la question relative à la Renaissance Culturelle. Ce programme a une enveloppe qu'on a évaluée à 8.200 milliards, et Inchah-Allah, nous avons l'intention de mobiliser les ressources internes et externes à cette hauteur.
Monsieur le Président, au bout d'une année de mise en œuvre, l'on ne peut certes pas tirer de bilan, mais comment appréciez-vous déjà cette première année de l'Acte II?
Oui, comme je l'ai dit, nous sommes sur la mise en œuvre du Programme de Renaissance, sur les différentes priorités ; mais pendant cette première année, nous avons malheureusement connu des chocs. Nous avons connu un certain nombre de défis, et je citerai quatre chocs : d'abord le choc sécuritaire qui se maintient, le choc climatique, le choc de la réduction des cours des prix des matières premières que nous produisons, et le choc aussi de la récession au Nigéria. Mais en dépit de ces chocs, nous avons réalisé, en 2016, un taux de croissance de notre économie de 4,6%, et nous avons consolidé les acquis de la période 2011-2015 pendant cette première année.
Monsieur le Président, l'épine dorsale du Programme de Renaissance, Acte II, est la Renaissance Culturelle. Beaucoup de nos compatriotes ne semblent pas percevoir ce que recouvre ce concept de Renaissance Culturelle. Concrètement, que faut-il comprendre de ce concept?
Nous avons une ambition au niveau du Gouvernement, c'est celle de réaliser ce que nous appelons trois modernisations: la modernisation sociale, la modernisation politique, et la modernisation économique. L'objectif de la Renaissance Culturelle est de servir ces trois modernisations. Il s'agit pour nous d'identifier quelles sont les valeurs qui peuvent aider à la réalisation de ces trois modernisations; il s'agit aussi d'identifier quelles sont les contre-valeurs qui constituent des obstacles à la réalisation de ces trois modernisations.
Je peux vous prendre des exemples: par exemple, nous considérons que la solidarité est une valeur, alors que l'égoïsme est une contre-valeur; l'unité nationale est une valeur, alors que l'ethnocentrisme, le régionalisme, le communautarisme, sont des contre-valeurs. Nous considérons que l'intégrité est une valeur, alors que la vénalité est une contre-valeur.
Notre objectif est de faire le tri au niveau des valeurs internes et externes également, qui peuvent nous servir pour ces trois modernisations, et faire l'inventaire également des contre-valeurs qu'il faut combattre afin de lever les obstacles pour pouvoir avancer sur la voie de la modernisation. Mais pour mieux comprendre, il faut que les gens sachent ce que nous entendons par modernisation sociale, par modernisation politique et par modernisation économique.
Par modernisation sociale, nous entendons le renforcement de l'unité nationale, la détribalisation définitive des Nigériens, et le changement de la conception du monde. Nous avons une conception du monde qui, malheureusement, est aujourd'hui un peu archaïque. Il nous faut une conception du monde beaucoup plus compatible avec la raison ; il nous faut créer des ruptures dans le comportement, rupture dans les rapports sociaux, rupture au niveau des mentalités des Nigériens. Il faut aussi une certaine évolution dans notre vision des questions démographiques par exemple. Et c'est cela que nous donnons comme contenu à la modernisation sociale.
Quant à la modernisation politique, elle vise l'établissement d'un Etat démocratique et républicain fort et solide. Et la culture peut y contribuer, les valeurs culturelles peuvent y contribuer, par exemple une des conditions pour que l'Etat démocratique soit fort et solide, c'est que l'Etat puisse avoir beaucoup de ressources. Cela suppose que le civisme fiscal soit très développé dans le pays, donc la mobilisation, la Renaissance Culturelle peut contribuer également au civisme fiscal.
En ce qui concerne la modernisation de l'économie, l'objectif est de mettre en place une économie compétitive, avec un secteur primaire moderne, avec une consolidation du secteur secondaire et du secteur tertiaire. Là également, les valeurs culturelles peuvent nous servir, par exemple pour le développement d'un esprit d'entreprenariat, le développement de l'épargne, le développement du goût du risque, l'ardeur au travail. Tout ça, ce sont des valeurs qui peuvent servir la modernisation de l'économie.
Pour me résumer, donc, la Renaissance Culturelle, ce n'est pas le folklore, la Renaissance Culturelle, c'est puiser dans les valeurs internes comme externes qui peuvent servir les trois modernisations, identifier les contre-valeurs qui peuvent freiner cette modernisation. C'est pour cela d'ailleurs que nous avons besoin d'un certain nombre d'acteurs qui peuvent permettre de diffuser les valeurs qui concernent notre société, ou de lutter contre les contre-valeurs. Et ces vecteurs sont la famille, il faut passer par la famille ; il faut passer par l'école, l'éducation ; il faut passer par les lieux de culte, les mosquées, les églises, etc., pour sensibiliser les Nigériens. Il faut également passer par les médias, il faut passer par le chant, le théâtre, le cinéma, etc.
L'un des points forts de cette Renaissance semble être la lutte contre la corruption qui est inscrit en bonne place dans ce programme. Mais les Nigériens, dans leur grande majorité, ont l'impression que ce combat est encore timide. Monsieur le Président, êtes-vous confronté à des obstacles ?
Nous avons fait beaucoup de progrès six (6) ans dans le domaine de la lutte contre la corruption. Rappelez- vous qu'en 2010, le Niger était 134ème, aujourd'hui nous sommes 102ème. C'est dire que des efforts ont été faits, mais cela n'est pas suffisant. Notre ambition est que, d'ici 2021, nous soyons parmi les 50 premiers pays dans le classement de Transparency International. Pour y arriver, le Gouvernement va renforcer la lutte contre la corruption, surtout que le Gouvernement est fortement soutenu par une majorité à l'Assemblée Nationale.
Nous avons une majorité parlementaire forte et favorable à la promotion de la bonne gouvernance. Ce qui n'est pas toujours le cas. Il fut un temps où on était bloqué au sein de notre majorité même. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Et en plus, la Renaissance Culturelle nous servira d'instrument pour pouvoir continuer à lutter contre la corruption et à promouvoir la bonne gouvernance économique.
Je profite de cette occasion d'ailleurs pour saluer les résultats obtenus par la HALCIA qui a réalisé un travail remarquable. Je peux citer, à titre d'exemple, les investigations qu'elle a menées dans le secteur de l'Education, et à l'issue desquelles, la HALCIA a pu identifier 2000 contractuels fictifs qui coûtaient au Trésor Public plus de trois (3) milliards de FCFA chaque année.
La consolidation des institutions démocratiques et républicaines fait aussi partie de vos préoccupations majeures. Qu'est-ce qui a été engagé et réussi dans ce sens comme réformes?
Nous avons également réalisé beaucoup de réformes dans ce domaine. Je peux citer, à titre illustratif, le fait qu'il y a désormais une parfaite séparation des pouvoirs dans le pays. Nous avons aussi beaucoup progressé dans le renforcement de la justice, car on le dit souvent, la justice est le fondement d'un Etat puissant. Nous avons beaucoup progressé aussi dans le domaine de la bonne gouvernance politique et économique. Dans le domaine de la gouvernance politique, tout le monde sait que le Niger est un pays où la liberté de la presse est totale.
Nous avons beaucoup fait pour les médias. Rappelez-vous que j'ai signé la fameuse Déclaration de la Montagne de la Table, j'ai augmenté le fonds d'aide à la presse ; il nous reste à encourager les différents acteurs à signer la convention collective de la presse. Sur le plan politique, nous avons amélioré le Statut de l'opposition. Le chef de l'opposition a rang de chef d'Institution. Nous avons également fait beaucoup de subventions en faveur des partis politiques de manière générale pour qu'ils puissent assumer leur rôle de formation de leurs militants.
Toujours dans le domaine du renforcement des institutions démocratiques, il faut noter que nous avons renforcé la capacité de l'Etat à lever l'impôt parce que les institutions démocratiques ne peuvent être fortes si l'Etat n'a pas de ressources. Dans ce sens, nous avons fait passer le taux de pression fiscale de 13% en 2010 à 17% en 2015, ce qui est remarquable. Nous avons aussi renforcé les capacités des Forces de Défense et de Sécurité. Ça fait partie des mesures prises pour renforcer l'Etat, parce que je considère que les Forces de Défense et de Sécurité constituent la colonne vertébrale de l'Etat. Nous avons donc renforcé ces Forces afin de créer les conditions de la restauration du monopole de la violence sur l'ensemble du territoire.
Justement, Monsieur le Président, nous savons que d'importants moyens sont déployés pour garantir la sécurité et l'intégrité de notre pays. Mais de façon sporadique, nous sommes victimes d'attaques terroristes. Comment expliquer cette situation, quand on constate que parallèlement aux moyens considérables qui sont déployés, le Niger reste encore fragile?
Vous avez raison. Vous savez aussi que la sécurité est l'un des huit (8) axes du Programme de la Renaissance. C'est pour cela que nous avons beaucoup investi dans la sécurité ces dernières années. C'est en moyenne 10% des ressources budgétaires que nous avons investis pour équiper nos Forces de Défense et de Sécurité, pour accroître les effectifs, pour former les hommes, pour créer également les conditions du renforcement du moral des troupes.
Je rends hommage à nos Forces de Défense et de Sécurité qui ont pu, en dépit des attaques sporadiques que nous subissons en particulier à partir du territoire malien, assurer l'intégrité de nos frontières et la sécurité des personnes et de leurs biens. Les menaces sont très graves, les menaces des organisations criminelles, les menaces terroristes. Mais en dépit de ces menaces, on peut considérer que le pays est en paix, le pays est en sécurité. Nous allons poursuivre les efforts de renforcement des capacités opérationnelles de nos Forces. Aujourd'hui d'ailleurs, il faut retenir que les Forces de Défense et de Sécurité du Niger sont les 3èmes de la CEDEAO après celles du Nigeria et du Ghana.
A la lutte contre le terrorisme que vous menez depuis plus de trois (3) ans, vient s'ajouter le phénomène de la migration irrégulière, un trafic qui utilise souvent les mêmes réseaux que ceux qui fournissent les terroristes en armes. Quelle réponse avez-vous à toutes ces menaces, Monsieur le Président ?
C'est vrai que la migration irrégulière est une préoccupation. C'est pourquoi, nous avons un programme de lutte contre la migration irrégulière. Ce programme a deux composantes : une composante Sécurité et une composante Développement économique et social. La composante Sécurité vise à renforcer nos capacités de défense et de sécurité pour protéger les migrants et lutter contre les trafiquants des migrants. La composante Développement économique et social a pour objectif de créer des activités de substitution afin de décourager les gens qui sont tentés par les réseaux d'immigration, mais également lutter contre ceux qui se livrent à cette activité criminelle.
Le Gouvernement fait cela pour deux raisons : la première raison est morale parce que nous trouvons insupportable que des milliers d'Africains meurent dans le désert ou en méditerranée. Nous avons aussi une raison sécuritaire parce que nous avons peur que les réseaux qui transportent les migrants vers la Libye reviennent avec des armes. Ce sont ces raisons qui ont poussé le Gouvernement du Niger à concevoir ce programme de lutte contre la migration irrégulière.
Monsieur le Président, des voix se sont élevées contre la présence, sur notre territoire, de forces étrangères. Qu'est ce qui justifie cette option?
Imaginez un instant qu'il n'y ait pas eu l'intervention Serval au Mali. Aujourd'hui, Bamako ou même d'autres capitales ouest africaines seraient sous le joug terroriste, c'est ma conviction. Regardez aussi ce qui se passe dans le bassin du Lac Tchad : c'est quatre (4) armées de quatre pays qui sont en train de se battre contre Boko Haram. C'est pour vous donner une idée sur l'ampleur des menaces. Quatre armées qui se battent contre une seule force terroriste.
Regardez aussi au Moyen Orient, les Français, les Iraniens, les Syriens, les Saoudiens, les Turcs, les Russes, les Américains luttent depuis plusieurs années contre l'Etat Islamique. C'est donc une menace sérieuse. Il ne faut pas que les gens sous-estiment cette menace. Je pense que ceux qui dénoncent la présence militaire étrangère sur notre territoire, soit ils sont mal informés et donc sous-estiment la gravité des menaces ; soit ils sont membres d'une cinquième colonne. Mais je préfère penser qu'ils sont mal informés.
Monsieur le Président, revenons au cadre de vie des populations. Nous savons que d'importants investissements ont été consentis pour l'amélioration de l'accès à l'eau et aux soins de santé, tant en zone rurale qu'en zone urbaine. Comment pérenniser ces acquis?
C'est ce que nous sommes en train de faire, et c'est ce que prévoit le Programme de Renaissance Acte 2. C'est vrai que dans ce domaine, beaucoup a été fait durant le premier quinquennat. Ici, je voudrais dire combien la question de l'eau me préoccupe. Chaque fois, je me rappelle des mots du Président Diori Hamani qui disait que l'accès à l'eau est plus prioritaire que l'accès à l'école, parce que quand vous vous rendez dans les villages du Niger, la première revendication des populations, c'est d'abord l'eau. C'est pourquoi, dès le premier quinquennat, nous avons mis un accent particulier sur l'accès à l'eau et à l'assainissement pour les populations. Cet effort se poursuit dans le Programme de Renaissance Acte II.
Nous avons un certain nombre d'objectifs en termes d'équivalents points d'eau. Le Gouvernement va détailler les propositions qui ont été faites pendant cette première année de mise en œuvre du Programme de Renaissance Acte II. C'est dire que les actions se poursuivent dans ce secteur, de la même façon que nous poursuivons les efforts dans le secteur de la Santé en termes d'amélioration de l'accès des populations aux soins à travers la réalisation d'infrastructures, de centres de santé et d'hôpitaux; en termes de renforcement du plateau technique; en termes de renforcement en ressources humaines ; dans le domaine de la santé de la mère et de l'enfant; dans le domaine de la prévention, en particulier en ce qui concerne les vaccinations, et enfin dans le domaine de l'accès aux médicaments.
Monsieur le Président, l'Initiative 3N était l'un des axes phares de l'Acte I du Programme de la Renaissance, et l'Initiative est reconduite dans le nouveau programme. N'y a-t-il pas la nécessité de réformer cette Initiative pour qu'elle traduise véritablement dans les faits cette noble vision que vous avez eue pour notre peuple?
L'Initiative 3N est traduite dans les faits. Rappelez-vous, notre objectif, dans le Programme de Renaissance I, c'est de démontrer que sécheresse n'est pas synonyme de famine. Nous en avons fait la démonstration; pendant cinq ans, il n'y avait pas eu de famine au Niger, bien qu'il y ait eu des années de sécheresse. L'objectif pour le Programme de Renaissance II, c'est la faim zéro d'ici 2021. Et pour réaliser cet objectif, nous poursuivons toujours les mêmes actions que nous avons entamées pendant le premier quinquennat. Il s'agit pour nous d'accroître la production pluviale, surtout des cultures irriguées, également de sécuriser la production animale, de créer les conditions de la régularité des approvisionnements des marchés, de renforcer la résilience des populations et l'état nutritionnel des populations.
Tous ces axes sont en train d'être travaillés par le Gouvernement. Par exemple, il y a la Maison du Paysan pour faciliter l'accès des intrants aux populations ; donc le Gouvernement poursuit la mise en place des Maisons du Paysan dans tous les chefs-lieux des communes; le Gouvernement poursuit l'objectif de la maîtrise d'eau à travers la réalisation des ouvrages de mobilisation des eaux ; le Gouvernement poursuit également ses efforts dans le domaine de la mobilisation des ressources financières en faveur de l'agriculture; notamment, nous avons un fonds qui est en cours de création, le Fonds d'Investissement pour la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle qui va permettre de renforcer l'accès des producteurs aux financements.
Monsieur le Président, le secteur de l'éducation est régulièrement dans notre pays en proie à des mouvements d'humeurs. C'est à croire que c'est un secteur qui est abandonné. Qu'en est-il ?
L'éducation n'est pas abandonnée. L'éducation est un secteur prioritaire pour nous. Et beaucoup a été fait dans ce secteur. Que ce soit en termes d'infrastructures, je ne veux pas donner des chiffres, ou en termes de formation des formateurs, de formation des maîtres ; on a multiplié les écoles normales, on a augmenté la capacité des Ecoles Normales pour qu'elles forment davantage d'instituteurs. On a également financé les fournitures pour les enfants afin de réaliser l'objectif de l'école gratuite obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans en particulier pour les jeunes filles ; donc tous ces efforts-là qui ont été réalisés dans le cadre de la mise en œuvre du programme de renaissance I, se poursuivent dans le cadre de la mise en œuvre du programme de la Renaissance II.
Mais en ce moment, le gouvernement est interpelé par une forte préoccupation, celle relative à la baisse de la qualité dans le secteur de l'éducation. Et c'est pour cela que le gouvernement a décidé de procéder à l'évaluation des enseignants. C'est une action d'intérêt public et je demande à tous les acteurs de s'y associer.
Monsieur le Président, l'on assiste à une baisse assez importante des cours des matières premières, notamment l'uranium et le pétrole, qui affecte les capacités de l'Etat à mobiliser les ressources internes nécessaires à la conduite de son programme. Face à cette situation, Excellence, comment comptez-vous poursuivre votre programme ?
C'est vrai, vous avez raison, nous sommes sous le choc de la baisse des cours des matières premières. Je l'ai indiqué tout à l'heure, si je prends le cas de l'uranium, les cours de l'uranium ont baissé d'environ 30% ; pour le pétrole, la réduction a été à peu près de 25%; et c'est évident que cela a une incidence sur le niveau de nos recettes fiscales. Mais nous avons maintenu nos ambitions en termes de mobilisation de ressources internes, et même, notre objectif c'est d'amplifier cette mobilisation, pour atteindre un taux de pression fiscale de 20% d'ici 2021. Et ceci parce que nous avons prévu des réformes au niveau des régies financières. Ces réformes sont en cours de mise en œuvre, et nous constatons, au moins au niveau de la DGI, qu'il y a des résultats probants.
M. le Président, parallèlement à cette baisse des cours de nos matières premières, une certaine société civile clame que la vie coûte trop chère au Niger. Comment l'Etat peut-il protéger le consommateur ?
Ecoutez ! Quand je regarde les chiffres depuis 2011, je constate que le Gouvernement a su maintenir le taux d'inflation en dessous de 3%. Le Gouvernement a toujours été très attentif par rapport à l'évolution, en particulier des prix des produits de première nécessité. C'est pour cela que, là, nous sentons que la soudure démarre de manière très précoce ; il y a effectivement une flambée des prix des céréales qui commence, et donc le Gouvernement va prendre des dispositions dans les prochains jours. Et d'ailleurs, le lancement de la vente des céréales à prix modéré, et de la distribution gratuite des céréales a eu lieu le 25 mars dernier. Cela va certainement avoir un effet sur l'évolution des prix de ces produits qui sont nécessaires pour les populations nigériennes.
Monsieur le Président, la réalisation des infrastructures, notamment les routes, les centres commerciaux, le secteur de l'énergie, on le sait, nécessite d'importants moyens financiers. Or, comme nous l'avons évoqué plus haut, les ressources liées à nos produits d'exportation s'amenuisent. Alors, comment relever le défi, comment tenir ces promesses contenues dans votre Programme ?
Ces promesses vont être tenues parce que les dispositions des réformes auxquelles j'ai fait allusion au niveau des régies financières vont nous permettre de maintenir, et peut-être même d'amplifier les ressources internes. En plus, nous sommes en train de mobiliser les ressources extérieures. Donc, toutes les promesses que nous avons faites dans le domaine des infrastructures, qu'elles soient routières, qu'elles soient ferroviaires, qu'elles soient énergétiques ou de communication, ou même les infrastructures urbaines, la fête tournante du 18 décembre.
Rappelez-vous, on a fait Dosso Sogha, Maradi Kolliya, Agadez Sokni, et prochainement ce sera Tahoua Sakola- je dis bien toutes ces promesses que nous avons faites, vont être tenues, Inchah-Allah. Si je prends, par exemple, le barrage de Kandadji, nous avons déjà procédé à l'appel d'offre pour le lancement des travaux de génie civil. Et Inchah-Allah, avant la fin de mon mandat, notre objectif est de terminer ce barrage et de mettre en eau le barrage.
Dans le domaine de l'électricité, ce 2 avril, nous allons inaugurer la centrale thermique de Gorou–Banda, et nous allons poursuivre l'effort d'électrification rurale engagé depuis le début du quinquennat. Donc, rassurez-vous, toutes les promesses faites dans le domaine des infrastructures seront tenues.
Monsieur le Président, l'un de vos soucis a toujours été la création d'emplois, surtout pour les jeunes. Votre prévision de 50.000 emplois par an vous parait-elle réaliste au regard de l'amenuisement des ressources de l'Etat ?
C'est toujours mon objectif. Vous savez, la création des emplois est la conséquence de la mise en œuvre de toutes les priorités du Programme. Si on veut renforcer les effectifs des Forces de Défense et de Sécurité, on crée des emplois ; si on réalise des routes, on crée des emplois ; si on réalise des infrastructures énergétiques, des infrastructures ferroviaires, des infrastructures de télécommunications, on crée des emplois.
Dans le domaine de l'Initiative 3N, en finançant l'Initiative 3N, on crée des emplois; dans l'éducation, dans la santé, on crée des emplois. Donc nous allons poursuivre au niveau du public l'effort de création d'emplois. Mais il n'y a pas que l'Etat qui doit créer des emplois. Le secteur privé aussi doit créer des emplois. Donc, c'est pour cela que le Gouvernement est en train de prendre des mesures pour améliorer le climat des affaires afin de permettre aux investisseurs nationaux comme étrangers de venir investir au Niger et donc de créer des emplois.
Monsieur le Président, l'autre défi qui se pose à notre pays, c'est le fort taux de natalité, parmi les plus élevés, sinon le plus élevé de la Planète. Comment ce défi démographique sera-t-il alors pris en charge au cours de ce second quinquennat ?
C'est vrai, vous avez raison. Le défi démographique est très préoccupant. Nous avons un taux annuel de croissance de 4%, nous avons le taux de fécondité parmi les plus élevés, sinon le plus élevé du monde. Notre population double tous les 18 ans. Donc, le Gouvernement continue de créer les conditions pour la transition démographique dans le pays.
Je voudrais que les populations sachent que notre religion, l'Islam, ne s'oppose pas à la planification familiale. C'est le lieu d'ailleurs de saluer les prises de position récente de l'Emir de Kano (Nigeria) sur cette question. Donc, c'est un chantier sur lequel nous allons continuer à travailler, c'est un chantier par rapport auquel nous allons mobiliser l'instrument de la Renaissance Culturelle pour changer l'attitude des populations par rapport à la démographie, la vision de la population par rapport à la question de la planification des naissances.
Monsieur le Président, l'offensive diplomatique est conduite, tous azimuts, sous votre magistère. Vous avez reçu, ici à Niamey, plusieurs personnalités de haut rang et vous avez également effectué de nombreux déplacements à l'extérieur. Des visites dont l'intérêt n'est toujours pas bien perçu par certains Nigériens qui vous le reprochent et qui affirment que par là, vous dilapidez les maigres ressources de l'Etat. Concrètement que rapportent ces voyages au Niger ?
Je comprends que les gens réagissent comme ça, peut-être par ignorance. Mais depuis six (ans), la diplomatie a rendu des services inestimables à notre pays en termes de sécurité, puisque nous avons mis notre diplomatie au service de notre sécurité. Et sur le plan économique également, la diplomatie a contribué à la mobilisation des ressources extérieures.
Pendant le premier quinquennat, savez-vous le montant que nous avions mobilisé? C'est 3.400 milliards de FCFA. Certes, tout n'a pas été décaissé. On a pu décaisser 1.500 milliards. Et c'est ces 1.500 milliards qui ont servi à financer l'école, la santé, l'Initiative 3N et les routes. Je voudrais rappeler ici que notre ambition pour le Programme de Renaissance II, c'est de mobiliser et d'investir 8.200 milliards, alors que pendant le quinquennat, on n'avait pour objectif de mobiliser que 6.200 milliards. Là, c'est 8.200 milliards que nous allons mobiliser et nous avons besoin de notre diplomatie pour mobiliser les ressources extérieures afin de financer ce programme.
Justement, Monsieur le Président, ces offensives que vous menez ont permis d'attirer des investisseurs et de faire mieux connaitre notre pays et ses possibilités d'investissement. Qu'est-ce qui est fait pour rendre le climat des affaires plus attrayant ?
Le Gouvernement fait beaucoup pour améliorer le climat des affaires. L'année dernière d'ailleurs, le Niger a été considéré comme étant le pays de l'Afrique au sud du Sahara qui a réalisé le plus de réformes. Et le Gouvernement ne s'arrête pas là. Il poursuit ses efforts dans beaucoup de domaines. Par exemple, dans le domaine de la création d'entreprises, mais aussi dans le domaine de la création de facilités pour l'obtention de permis de construire, de l'accès au crédit, dans le domaine de l'exécution des contrats.
Vous savez que, pour la première fois, nous avons créé et mis en place un Tribunal de Commerce ici à Niamey. Ça facilite l'exécution des contrats. Dans beaucoup de domaines, des réformes sont en train d'être mises en œuvre pour créer les conditions de l'amélioration du climat des affaires afin d'attirer les investisseurs étrangers et encourager les investisseurs nationaux.
Monsieur le Président, deux grandes polémiques ont actuellement cours dans notre pays. L'une est relative à une supposée vente frauduleuse d'uranium, et la seconde porte sur la saisie des biens immobiliers du Niger dans l'affaire Africard. Quel commentaire vous inspirent ces deux affaires ?
Par rapport au premier aspect de votre question, je vous renvoie à l'intervention du ministre des Finances. Et comme vous le savez, l'Assemblée Nationale a décidé de mettre en place une commission d'enquête parlementaire. Pour le second volet de votre question, il s'agit d'une question qui est pendante devant les juridictions. Je n'ai pas l'habitude de commenter des questions qui sont pendantes devant les tribunaux.
Un autre phénomène inquiétant, c'est l'agissement de l'opposition politique et d'une partie de la presse qui appellent à la démission et pire, que Dieu nous en garde, à l'assassinat du Président de la République. Ça fait froid au dos, Monsieur le Président !
Je pense que la meilleure façon, je dirais, de se consoler de la méchanceté de certaines personnes, c'est de s'efforcer à faire du bien. Moi, je m'efforce de faire du bien. Et c'est la meilleure façon de contrecarrer la méchanceté de certaines personnes.
Monsieur le Président, vous êtes le premier Chef d'Etat à avoir signé la Déclaration de la Montagne de la Table, et ce malgré la réticence de nombre de vos proches qui vous prévenaient que c'était une licence à tout faire. Aujourd'hui, avec le dérapage de certains éléments de la presse, éprouvez-vous quelque regret d'avoir pris ces engagements?
Je n'éprouve aucun regret. Aucun regret parce que je suis convaincu qu'il n'y a pas de juste milieu entre la liberté totale de la presse et la suppression totale de cette liberté. C'est dommage que cette liberté soit peut-être mal utilisée par ceux qui en bénéficient, par les journalistes. Malheureusement, en utilisant mal cette liberté, ils démontrent qu'ils n'ont pas du respect pour leurs lecteurs. Je fonde l'espoir qu'ils vont se ressaisir et qu'ils vont se conformer à l'éthique et à la déontologie de leur métier.
Monsieur le Président, votre main tendue à tous les Nigériens pour œuvrer ensemble à la construction du pays, ce qui a toujours été une constance chez vous, semble comprise par le MNSD notamment, qui a accepté de venir au Gouvernement. Quelle est votre appréciation de cette décision de l'une des plus grandes formations politiques de travailler avec vous ?
Vous avez raison. Depuis 1999, j'ai toujours dit qu'il faut qu'après une élection présidentielle, le vainqueur rassemble. J'ai la conviction que notre pays est très fragile et, en plus, ces dernières années, nous faisons face au défi sécuritaire. Donc, c'est le lieu pour moi de féliciter la hauteur de vue de Monsieur Seyni Oumarou et de ses camarades qui ont accepté cette main qui leur a été tendue, et qui a d'ailleurs été tendue à l'ensemble de la classe politique. Donc, je le félicite, de la même façon, je félicite les leaders de la majorité pour leur contribution qu'ils apportent à la stabilité du pays.
Monsieur le Président, dans beaucoup de pays, la tendance est à la trituration de la Constitution pour demeurer au pouvoir. Monsieur le Président, n'êtes-vous pas tenté de céder à ce chant de sirène ? Et si non, avez-vous déjà identifié un dauphin?
Ecoutez ! Moi je suis un démocrate dans l'âme. Je suis un démocrate dans l'âme. Et en plus, je n'ai pas cette arrogance, fort heureusement pour moi, de penser que je suis un homme providentiel irremplaçable. Le Niger a besoin d'institutions démocratiques fortes. Et pour que nos institutions démocratiques soient fortes, il faut qu'il y ait une respiration démocratique avec des alternances. Et c'est pour cela, ma plus grande ambition, une de mes plus grandes ambitions, c'est d'organiser, en 2021, des élections libres et transparentes, et de passer le témoin à un autre Nigérien....
Vous n'avez toujours pas de dauphin en vue ?
Je dis bien, ma plus grande ambition, c'est d'organiser des élections libres et transparentes en 2021, et de passer le témoin à un Nigérien que les Nigériens auront bien voulu choisir.
(Source : ORTN)
Script : Oumarou Moussa, Siradji Sanda, Souley Moutari et Zabeirou Moussa Onep
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