Soumana Sanda : « notre bataille pour la démocratie n’est pas altérée »
Au Niger, après dix mois de prison, sept figures de l'opposition ont été libérées avant-hier. C'est l'occasion de faire le point sur cette opposition, six mois après sa défaite à la présidentielle de mars, où le président Issoufou a été réélu. Le député Soumana Sanda est l'un des sept opposants libérés dimanche. Il est le n°2 du Moden Lumana, le parti de Hama Amadou, qui séjourne actuellement en France pour raisons de santé. En ligne de Niamey, Soumana Sanda répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Après dix mois de prison comment vous portez-vous ?
Soumana Sanda : Je me porte très bien, je suis en pleine forme, j’ai retrouvé mes militants et ma famille. Vous savez, en matière politique les principales règles sont la conviction, la rigueur et la constance. En ce sens, je ne pense pas que les dix mois de prison puissent altérer notre façon de nous battre pour la démocratie et l’Etat de droit dans notre pays.
Vous avez été condamné à cette peine de prison suite au retour très mouvementé de Hama Amadou, le leader du Moden Lumana, en novembre 2015 à Niamey. Vous avez été accusé d’attroupement armé et d’incitation à la violence.
Oui, absolument, mais je dois vous préciser que comme c’est un dossier qui est encore pendant devant les juridictions, je ne veux pas faire de commentaire.
Est-ce que de fait, dans votre appel de ce jour de novembre dernier vous n’aviez pas incité à la violence ?
Non, pas du tout. Du reste, ce qui a été demandé aux Nigériens et particulièrement aux militants du Moden Fa Lumana Africa, à la veille du retour de son excellence Hama Amadou, avait déjà été fait auparavant, mais personne n’avait trouvé à redire. Je rappelle qu’en 2009, lorsque le chef de file de l’opposition de l’époque revenait au pays suite à un mandat d’arrêt international…
Vous parlez de Mahamadou Issoufou ?
Absolument… A l’époque déjà, j’étais le coordonnateur de la CFDR (Coordination des forces pour la démocratie et la République) au niveau de la région de Niamey et c’était moi qui avais organisé son accueil particulièrement dans les mêmes termes.
Et à l’époque, ce retour lui avait permis ensuite de braver le régime autoritaire de Mamadou Tandja ?
Absolument.
Quand vous avez été arrêté, l’opposition était forte avec votre parti Moden Lumana et le parti historique MNSD, mais depuis votre arrestation le président Issoufou a été réélu et le parti MNSD a rallié le pourvoir. Du coup aujourd’hui, est-ce que vous n’êtes pas très affaibli dans l’opposition ?
Pas du tout ! Il s’agit là d’une question de conviction et d’occupation de terrain. Aujourd’hui, avec nous, beaucoup de Nigériens sont en train de refuser cette conception monolithique de la démocratie qu’on veut leur imposer. C’est vrai, aujourd’hui, un parti important de la Copa 2016 avait dans une déclaration décidé de rejoindre la majorité. Mais nous ne pensons pas que ce choix souverain du MNSD-Nassara ait effrité l’engagement des Nigériens, qui aujourd’hui face aux multiples problèmes sont en train de se rendre compte qu’il n’y a pas de perspective de développement compte tenu de la gouvernance actuelle. Donc nous pensons que malgré le départ du MNSD-Nassara les Nigériens sont très nombreux au niveau de l’opposition.
Vous dites qu’ils sont très nombreux, mais ils sont moins nombreux qu’avant puisque votre allié MNSD a rallié le pouvoir et accepte d’entrer dans un futur gouvernement d’union nationale.
Oui absolument. Mais aujourd’hui, il ne s’agit pas d’un calcul arithmétique. Tout le monde avait constaté qu’au Niger les dernières élections n’avaient pas respecté les règles des crédibilités et qu’il y a eu des contestations de ces résultats-là qui ont été avérées, où nous avons constaté qu’en zone nomade par exemple, des scores hallucinants ont été donnés. Donc je pense que l’opposition politique au niveau du Niger est en bonne santé et qu’une réorganisation nous permettra, avec aujourd’hui le désespoir qui se lit sur tous les visages au Niger, d’aller de l’avant pour l’alternance démocratique.
Quand vous parlez du désespoir de vos compatriotes vous, n’y allez pas un peu fort ?
Oh, pas du tout. Il suffit aujourd’hui de regarder au niveau du front social. Les enseignants sont en grève, les étudiants, les transitaires… Aujourd’hui, le petit commerce est en train d’être tué à travers ces déguerpissements aveugles. Donc je pense qu’aujourd’hui le front social est parfaitement en évolution.
Juste après le second tour vous avez annoncé un boycott de l’Assemblée nationale et finalement vous y êtes revenu, est-ce que ce retour signifie que vous reconnaissez la réélection de Mahamadou Issoufou ?
Ce retour signifie tout simplement que dans une démocratie il faut une majorité et une opposition.
Le retour des députés de votre parti à l’Assemblée nationale et votre libération est-ce que ce sont deux signes d’un certain apaisement politique ?
Voyez-vous, l’apaisement politique normalement est l’apanage du pouvoir en place. Nous constatons que nos militants, particulièrement ceux de Lumana, continuent à être opprimés, continuent à être exclus. Donc nous ne pouvons pas parler de volonté d’apaisement.
Rappelons qu’Hama Amadou est poursuivi par la justice nigérienne dans une affaire présumée de trafic international de bébés. Est-ce que vous espérez l’abandon de ces poursuites ?
Mais bien entendu. D’abord, nous savons que c’est un dossier purement politique, donc nous souhaitons juste le respect de la bonne règle en matière politique par rapport à cette question. Aujourd’hui, à mon sens, Hama Amadou en tant que chef de file de l’opposition, il lui appartiendra, une fois qu’il aura terminé ses soins à Paris, de revenir et de prendre le flambeau pour la lutte au niveau de l’opposition.
Entre les deux tours de la présidentielle, il a été libéré et a pu être évacué en France, mais il reste poursuivi par la justice de votre pays. N’est-ce pas la raison pour laquelle il ne rentre pas pour l’instant ?
Non, pas du tout. Il n’est pas encore rentré au pays parce qu’il n’a pas fini ses différents examens. Une fois qu’il aura terminé tout ça, il rentrera au pays. Le Niger c’est son pays, il n’a pas un autre. Il va rentrer un jour ou l’autre.
RFI
Commentaires
Le pardon s'accorde
Quel est cette maladie qu'on ne decele pas depuis des mois?