Tchad : A la Primature, le général Kaka s’offre les services de Succès Masra, l’opposant farouche des Déby

Le président de la transition et chef de l’état tchadien, le général Mahamat Idriss Deby Itno « Kaka », a procédé à la nomination du désormais ancien opposant, Dr Succès Masra, comme nouveau Premier ministre, selon une annonce faite ce lundi 1er janvier par le Secrétaire général de la présidence. A 40 ans, le président du parti « Les Transformateurs » succède ainsi à Saleh Kebzabo, un autre ex-opposant repêché par le régime des Déby, à la tête du gouvernement de transition et devient le premier chef du gouvernement de la 5e République, suite à l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale qui ouvre en principe la voie au retour à l’ordre constitutionnel normal dans le pays. 

C’est la surprise du nouvel an du chef bien que depuis quelques temps, les rumeurs faisant cas de l’ancien opposant à la tête du gouvernement de transition se sont amplifiées dans les salons feutrés de N’djaména, la capitale tchadienne. Selon un communiqué annoncé ce lundi 1er janvier 2024 par le ministre Secrétaire général de la Présidence tchadienne Mahamat Ahmat Alhabo, le Président Idriss Déby Itno a nommé Dr Succès Masra comme Premier ministre du gouvernement de transition.

A 40 ans, le président du parti « Les Transformateurs », un des farouches opposant au régime des Déby père et Fils, succède ainsi à Saleh Kebzabo, l’ancien chef du gouvernement qui a présenté sa démission le 29 décembre, suite à la promulgation, la semaine dernière, de la nouvelle Constitution adoptée par référendum les 16 et 17 décembre dernier et qui inaugure la Ve République du Tchad.

A la tête du gouvernement, Dr Succès Masra va donc participer aux cotés des autorités militaires, à la gestion de la dernière étape majeure de la transition politique qui s’est ouverte depuis la mort tragique du Maréchal Idriss Déby Itno, en avril 2021. Il s’agira notamment de l’organisation des élections générales qui vont conduire le pays à un retour normal à l’ordre constitutionnel ainsi que la poursuite de la mise en œuvre des recommandations du Dialogue national inclusif.

Economiste chevronné et ancien cadre de la Banque Africaine de Développement (BAD), le nouveau Premier ministre tchadien a quitté il y a quelques années, les conforts des bureaux et avantages liés aux gros salaires comme il le dit, pour s’engager dans la politique avec son parti, « Les Transformateurs », très populaire notamment chez les jeunes qui constituent la frange la plus importante de la population tchadienne et auprès de qui, il bénéficie d’une popularité à faire pâlir de jalousie les anciens loups de la politique tchadienne. Il a connu une ascension fulgurante sur la scène politique nationale et au-delà en affichant sa farouche opposition au régime dynastique des Déby et en prônant un changement radical de mode de gouvernance.

Cette farouche opposition a connu un tournant décisif le 20 octobre 2022 avec la manifestation initiée par son parti, entre autres, et qui s’est soldée par des dizaines de morts ainsi que des blessés. L’opposant d’alors s’est vu contraint à l’exil avant que grâce aux négociations menées par le RDC, un accord ne soit signé à Kinshasa, en RDC, dans le cadre de l’offre de réconciliation des autorités tchadiennes. C’est grâce à ces accords que Succès Masra a pu rentrer au pays le 3 novembre dernier et de battre campagne en faveur du référendum constitutionnel.

Avec ce revirement que certains ne manqueront pas de qualifier de volte-face, Succès Masra met son avenir politique en jeu. Il doit savoir manœuvrer habile avec le Président de la transition et les militaires au pouvoir et rassurer la classe politique tout en veillant à donner des gages de bonne foi aux militants de son parti ainsi qu’à ses supporteurs, le tout dans un contexte politique très incertain surtout en prélude aux prochaines élections générales qui vont refermer la parenthèse de la transition. Il convient de noter qu’avant lui, le désormais ex-PM Saleh Kebzabo, a lui aussi dû revoir ses ambitions politiques en se rapprochant du régime des Déby après avoir été aussi farouche opposant pendant des années.

A.Y. Barma (actuniger.com)