Mali: le gouvernement demande "le retrait sans délai" de la Minusma, accusée par la junte militaire de "faire partie du problème" (officiel)
Les autorités de transitions maliennes ont demandé "le retrait sans délai" de la Mission Intégrée des Nations Unies pour la Stabilité du Mali (MINUSMA). Dans un discours prononcé hier vendredi 16 juin 2023 à New York à l'occasion de l’examen du Rapport trimestriel du Secrétaire général des Nations unies sur la situation au Mali, lors du débat public du Conseil de sécurité, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdoulaye Diop, a indiqué que "pour le gouvernement du Mali, le constat est clair : la MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental" et qu'au regard de ce qui précède, "le gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA", tout en précisant cependant que, "le gouvernement est disposé à coopérer avec les Nations Unies dans cette perspective". Un peu plus tard dans la soirée, dans un communiqué lu à la télévision publique, le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maiga a confirmé cette demande en soulignant que "la MINUSMA devient désormais une partie du problème notamment en alimentant les tensions intercommunautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité et qui sont fortement préjudiciables à la paix, à la réconciliation et à la cohésion nationale".
Cette fois, la demande est claire et sans ambigüité : le gouvernement malien a officiellement demandé le départ dans l'immédiat des casques bleus de la MINUSMA, présent au pays depuis 2013. C'est le chef de la diplomatie malienne qui en a fait d'abord l'annonce lors du discours qu'il a prononcé hier vendredi 16 juin 2023 à New York, lors du débat public du Conseil de sécurité, à l'occasion de l’examen du Rapport trimestriel du Secrétaire général des Nations unies sur la situation au Mali. "Le réalisme impose le constat de l'échec de la Minusma dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire", a affirmé le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop devant les membres du Conseil qui doivent se prononcer le 29 juin sur un renouvellement du mandat de la mission de maintien de la paix qui expire à la fin du mois.
Selon le chef de la diplomatie malienne, dix ans après son lancement en 2013, la mission de paix des Nations unies au Mali, n'a pas pu apporter de "réponses adéquates à la situation sécuritaire au Mali". Par conséquent, "Le gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la Minusma. Cependant le gouvernement est disposé à coopérer avec les Nations unies dans cette perspective", a déclaré le ministre Abdoulaye Diop, qui a par la même occasion, rejeté toutes les trois (03) options d'évolution du mandat de la mission proposées par le secrétaire général de l'ONU.
Pour le gouvernement malien, "la MINUSMA fait partie du problème"
Dans la soirée, le ministre de l'Administration territoriale et porte-parole du gouvernement a dans un communiqué lu à la télévision publique (ORTM), enfoncé le clou en précisant que "la Minusma semble devenir partie du problème en alimentant les tensions communautaires, et cela engendre un sentiment de méfiance des populations à l'égard de la Minusma et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Minusma".
Il faut noter que ces déclarations posent des questions sérieuses sur l'avenir de la mission et de ses plus de 12. 000 militaires et policiers.
Selon le chef de la Minusma, El Ghassim Wane, la question du renouvellement ou non de la Minusma "est une décision qui doit être prise par le Conseil de sécurité", mais, a-t-il précisé à la presse, "le maintien de la paix est basé sur le principe du consentement du pays hôte, et sans ce consentement, les opérations sont presque impossibles".
En janvier dernier, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait indiqué qu'un statu quo n'était pas viable et avait mis sur la table trois options, d'une augmentation des effectifs à un retrait total des troupes si des conditions clés n'étaient pas remplies, notamment la circulation sans entrave des casques bleus et l'avancée de la transition politique. En début de semaine, il a finalement recommandé au Conseil la solution intermédiaire : une "reconfiguration" de la mission pour la concentrer, à effectifs constants, sur un nombre limité de priorités.
Lors de la réunion de vendredi, les positions des différents membres permanents ou non ont démontré une nouvelle fois encore, les divisions au sein du Conseil de sécurité sur l'avenir de la Minusma, créée en 2013 pour aider à stabiliser un État menacé d'effondrement sous la poussée des groupes armés terroristes (GAT) et djihadistes, protéger les civils, contribuer à l'effort de paix et défendre les droits humains...
Moscou apporte son soutien à Bamako
Plusieurs pays notamment la France, les États-Unis ou le Royaume-Uni ont apporté leur soutien à la Minusma. "C'est un enjeu important pour le Mali mais aussi pour la stabilité de toute la région", a par exemple souligné l'ambassadeur français Nicolas de Rivière, selon le compte rendu de la rencontre rapporté par l'AFP. Et selon le dernier rapport d'Antonio Guterres, indique la même source, les pays de la région sont également "favorables" à son maintien. De même, les trois pays africains membres du Conseil de sécurité (Mozambique, Ghana et Gabon) ont eux estimé vendredi que sa poursuite, "en coopération étroite avec les autorités maliennes, est essentielle pour consolider les avancées vers une paix durable".
Mais la Russie, nouvel allié stratégique du Mali et qui dispose d'un droit de veto au Conseil, a elle apporté son soutien à la junte malienne, qui s'est tournée militairement et politiquement vers Moscou. "Nous pensons que toute proposition ici devrait être basée sur l'opinion du pays hôte", a déclaré l'ambassadeur russe Vassili Nebenzia. "Le vrai problème n'est pas le nombre de Casques bleus mais leur fonction. L'une des tâches clé du gouvernement malien est la lutte contre le terrorisme, ce qui n'est pas dans le mandat des Casques bleus", a-t-il une nouvelle fois regretté. Comme le Mali, il a également jugé "ouvertement biaisé" le rapport du haut commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU sur l'opération anti-terroriste à Moura en 2022. Ce rapport accuse l'armée malienne et des combattants "étrangers" d'y avoir exécuté au moins 500 personnes. Si l'ONU n'identifie pas ces "étrangers", les Occidentaux accusent directement la société privée de sécurité russe Wagner. "C'est aux autorités maliennes de transition de choisir ses partenaires mais soyons clairs, le groupe Wagner, qu'il opère indépendamment ou sous le contrôle direct de Moscou, n'est pas la réponse. Ni au Mali ni ailleurs", a déclaré vendredi l'ambassadeur britannique adjoint James Kariuki, selon les décalarations rapportées par l'AFP.
La demande par les autorités de transition du départ du retrait des casques bleus du Mali intervient à la veille d'un référendum constitutionnel prévu ce 18 juin 2023 pour amorcer un retour à l'ordre constitutionnel dans le pays où la situation sécuritaire est toujours alarmante avec les GAT qui continuent de mener des attaques meurtrières et les mouvements rebelles qui occupent une bonne partie du nord-Mali. Bien avant cette décision, plusieurs pays comme l'Allemagne, le Bénin ou l'Egypte ont déjà annoncé le retrait de leurs soldats de la paix du Mali.
Il convient aussi de noter que le Niger compte, depuis 2013, d'un bataillon de près d'un millier d'effectifs au sein de la Minusma.
A.Y.Barma (actuniger.com)
Commentaires
Je me sens interpell
et pour la restauration de la paix et de la s