Mali : un ancien militaire comme chef d’Etat et l’essentiel du pouvoir dans les mains de la junte militaire
Les premières autorités de la transition politique sont connues depuis ce lundi 21 septembre 2020, veille de la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance du pays. Il s’agit du colonel-major à la retraire Ba N’Daw, désigné comme président et le colonel Assimi Goita, président du CNSP, qui va assumer les fonctions de vice-président. Si selon la charte de la transition, c’est le président qui va assurer les fonctions de l’Etat, elle dispose également que le vice-président, en plus d’assurer l’intérim du président en cas d’empêchement ou de vacances, va se charger des questions de Défense, de défense et de la refondation de l’Etat.
Dan les faits, un militaire à la retraite est un civil. En ce sens, la désignation d’un officier de l’armée malienne à la retraite comme président de la Transition au Mali respecte l’une des principales exigences de la CEDEAO, en attendant la celle du premier ministre qui doit également, et en principe, être un civil selon les desideratas des dirigeants de l’organisation régionale. Le collège mis en place par le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) a, en effet, désigné ce lundi 21 septembre 2020, les premières personnalités devant conduire la transition. Selon le communiqué lu à la télévision publique (ORTM), par le chef de la junte militaire, c’est le colonel-major à la retraite Bah N’Daw qui a été désigné Président de transition et le colonel Assimi Goita, son vice-président.
Un officier à la retraite réputé rigoureux à la tête de la transition
Officier à la retraite, le nouveau président de la transition malienne est un ancien colonel-major de l'armée de l'air à la retraite, né le 23 août 1950 à San dans la région de Ségou. Incorporé comme engagé volontaire dans l’armée le 1er juin 1973, il est envoyé l’année suivante en URSS pour suivre un stage de pilote d’hélicoptère et, en 1976, il intègre les rangs de l’Armée de l’Air malienne qui venait juste de voir le jour. Titulaire d’un brevet d’étude militaire supérieur en France, il est aussi breveté de l’Ecole de guerre (CID) de Paris en 1994. Durant son parcours militaire, « Le Grand » comme l’appelle ses intimes a été aide de camp du président Moussa Traoré (en 1968 après le coup d’Etat contre Modibo Keïta, le père de l’indépendance du Mali), chef d’état major de l’Armée de l’Air (de 1992 à 2002 sous la présidence d'Alpha Oumar Konaré), chef d’état major adjoint de la Garde nationale, directeur du Génie militaire, chef de cabinet de défense à la Primature, Directeur général de l’Equipement des armées et chargé de mission au Ministère de la Défense (MDAC). En 2008, le colonel-major Bah N’Daw a été nommé Directeur de l’Office national des anciens combattants militaires retraités et victimes de guerre (ONAC). Officier de l’Ordre national, il a été également décoré de la médaille du Mérite militaire et de celle du Mérite national. L’officier Bah N’Daw qui parle français, russe, anglais et bamanan, a aussi occupé des fonctions politiques notamment celle de ministre de la Défense nationale, de 2014 à 2015 sous la présidence d’IBK.
Réputé intègre et rigoureux, c’est un militaire très porté sur la discipline et le travail bien fait qui n’a pas hésité à démissionné avec fracas du poste de chef d’Etat- major de l’Armée de l’Air en 2004. La non-reconduction en 2015 de celui qui a succédé à Soumeylou Boubeye Maiga comme ministre de la Défense a été, selon plusieurs sources officielles rapportées par les médias maliens, le fait de sa divergence avec le locataire de Koulouba et certaines décisions que le régime avait voulu lui imposer et qu’il jugeait en porte-à-faux avec les valeurs de l’armée mais aussi de la bonne gouvernance.
C’est désormais à lui qu’incombe la responsabilité de diriger la transition malienne pour une durée de dix-huit (18) mois, conformément à la Charte de la Transition adoptée le 12 septembre dernier après les concertations nationales initiées par la junte militaire. Le président de la Transition sera secondé par un vice-président qui n’est autre que le colonel Assimi Goita, président du CNSP, la junte militaire qui a pris le pouvoir à Bamako à la suite de la démission d’IBK le 18 août dernier.
Le chef de la junte, un vice-président aux pouvoirs étendus
Selon les dispositions de la Charte de la transition, c’est le président qui va assumer les fonctions de chef de l’Etat. La charte définit également les prérogatives du vice-président et selon l’article 6, le vice-président qui « remplace le Président en cas d’empêchement définitif ou temporaire», est également « chargé des questions de Défense, de sécurité et de la refondation de l’Etat ». En somme, plus qu’un simple président-bis puisqu’en plus d’assurer les principales fonctions régaliennes dans un pays en guerre et en transition politique, l’article 10 de la Charte précise que « lorsque le président de Transition est empêché de façon temporaire de remplir ses fonctions, ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le vice-président. En cas de vacance de la présidence de Transition pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement définitif constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le gouvernement de transition, le vice-président assure l’intérim ».
Avant de céder à la CEDEAO et une partie de l’opposition regroupée au sein du M5-RFP, le CNSP a pris le devant. Au regard de la primauté de la junte dans toutes les décisions relatives à la désignation des membres des principaux organes de la transition, nul doute que les auteurs du coup de force du 18 août 2020 vont aussi s’accaparer d’autres postes importants dans le gouvernement et l’organe législatif de la transition qui seront par la suite installés. Mais pour le moment, ce qui compte, c’est que les sanctions de la CEDEAO soient levées et que la transition se mette définitivement en marche.
A.Y.Barma (actuniger.com)
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