Crise au Mali : les chefs d’Etat agitent la carotte et le bâton pour imposer une solution vouée d’avance à l’échec
Les chefs d’Etat de la Cedeao ont annoncé, à l’issue de leur sommet extraordinaire du lundi 27 juillet 2020, plusieurs mesures sensées apaiser le climat politique au Mali. Entre concessions du régime d’IBK et menaces de sanctions à ses opposants, les dirigeants de l’organisation régionale ont visiblement opté pour la stratégie de la carotte et du bâton. Sauf que cette solution risque d’amplifier les tensions puisque le M5-RFP a déjà opposé une fin de non-recevoir à ces décisions proposées il y a quelques jours par le médiateur attitré de la Cedeao, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan.
Le Président en exercice de la Cedeao avait annoncé des « mesures fortes pour accompagner le Mali à sortir rapidement de la crise ». A la fin du sommet extraordinaire de ce lundi 27 juillet 2020, les chefs d’Etat de l’organisation régionale se sont plutôt contentés des propositions déjà soumises par le médiateur de la Cedeao, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, à l’issue de sa mission à Bamako, en juillet dernier. Il s’agit notamment de la démission immédiate des 31 députés dont l’élection est contestée parmi lesquels le Président du Parlement, une recomposition rapide de la Cour Constitutionnelle et la mise en place rapide d’un gouvernement d’union nationale avec la participation de l’opposition et de la Société civile et la mise en place rapide d’une commission d’enquête pour déterminer et situer les responsabilités dans les violences qui ont entrainé des décès et des blessés les 10, 11 et 12 juillet 2020. C’est ce qui ressort du résumé des décisions entérinées par le Sommet, fait par le Président en exercice de la CEDEAO, dans son discours de clôture du Sommet qui s’est tenu par visioconférence.
Lors de la médiation des 5 chefs d’Etat envoyés à Bamako le 27 juillet dernier, les Président Issoufou du Niger, Buhari du Nigeria, Sall du Sénégal, Ouattara de Côte d’ivoire et Akufo-Addo du Ghana, avaient tenté de rallier l’opposition à ces propositions de sortie de crise. Cependant, ils ont buté au niet catégorique du M5-RFP qui a déjà rejeté ces propositions notamment celle de participer à un gouvernement d’union nationale. Et le très influent leader religieux, l’Imam Dicko a d’ailleurs averti les médiateurs que « ce que la Cedeao veut imposer au Mali ne passera pas ».
Menaces voilées de sanctions contre les opposants du M5-RFP
C’est certainement pour tenir compte de ce refus prévu d’avance que les dirigeants de la Cedeao ont décidé de brandir le bâton après avoir agité la carotte. Les solutions de sortie de crise proposées par le Sommet ont été assorties « d’un régime de sanctions contre ceux qui poseront des actes contraires au processus de normalisation de cette crise ». Des menaces à peine voilées contre les opposants au président IBK qui continuent toujours d’exiger sa démission et la mise en place d’une transition politique à la tête du pays. La Cedeao a en tout cas occulté ces exigences de l’opposition car pour les chefs d’Etat, le départ du chef de l’Etat malien est « une ligne rouge à ne pas franchir ». Dans ces conditions, difficile d’envisager un rapprochement des positions entre les principaux acteurs de la crise malienne d’autant que pour une large partie de l’opinion malienne, surtout les soutiens du mouvement de la contestation, les dirigeants de la Cedeao font le jeu du régime en place au détriment des intérêts du Mali.
D’après le Sommet des chefs d’Etat, l’ensemble des décisions et mesures édictées devront être mises en œuvre au plus tard le 31 juillet 2020. C'est-à-dire avant la fin de la trêve décidée unilatéralement par le M5-RFP pour la reprise de son mot d’ordre de désobéissance civile. Quelques heures après la fin du Sommet extraordinaire, le président IBK et son premier ministre Boubou Cissé ont d’ailleurs publié une liste d’un gouvernement restreint de six (6) membres aux postes de souveraineté notamment la Défense (Gen. Ibrahim Dahirou Dembélé), la Sécurité (Gen. Bemba Moussa Keïta), l’Intérieur (Boubacar Alpha Bah), les Finances (Abdoulaye Daffé), la Justice (Me Kassoum Tapo) et les Affaires étrangères (Tiébilé Dramé).
Les prochains jours seront donc décisifs pour le Mali mais aussi et surtout pour l’organisation régionale dont le président ivoirien Alassane Ouattara a su bien résumer l’enjeu de l’heure à l’entame du conclave de ce lundi : « la crédibilité de la Cedeao est en jeu dans cette crise ». D’autres crises politiques se pointent déjà à l’horizon et au delà de tenter de sauver encore une fois un des leurs, le défi actuel des dirigeants en poste est de pouvoir « être aux cotés du Mali et du peuple malien », comme sans il l’a été sans cesse ressassé par eux-mêmes. Sans toutefois et pour autant, remettre en cause les propres règles de l’organisation et ouvrir par là, la voie à tous les dérapages institutionnelles. Et si justement le problème ce sont ces règles qu’il est temps de revoir à l’aune des enjeux et des défis actuels ? La difficile équation malienne en offre justement l’opportunité à la Cedeao pour redorer son blason car les maliens et les citoyens de l’espace communautaire n’ont sans doute pas oublié comment elle s’est fait entendre pour voler au secours du pays lors de la multidimensionnelle crise politique, institutionnelle et sécuritaire de 2012. Avec les conséquences que l’on sait et dont les répercussions expliquent aussi et en grande partie la situation d’aujourd’hui…
A.Y.B (actuniger.com)
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