Mali : la mission de médiation de la Cédeao fait chou blanc à Bamako
Le Mouvement du 5 juin 2020 (M5-RFP) a opposé une fin de non recevoir aux solutions proposées par la mission ministérielle de médiation de la Cédeao qui vient de séjourner à Bamako du 18 au 20 juin en vue de trouver une solution à la crise qui secoue le pays. Pour le rassemblement des partis politiques et associations (le M5-RFP), qui exigent la chute du régime du président IBK, ces solutions sont loin de tenir compte de la source des problèmes que connait le pays et de l’objectif visé par le peuple malien. Le mouvement a par conséquent maintenu ses exigences et a affirmé sa détermination à aller jusqu’au bout.
C’est une fin de non recevoir en bonne et due forme qu’a opposé le Mouvement du 5 Juin 2020 – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5 – RFP) aux solutions de sortie de crise préconisées par la mission ministérielle de la médiation de la Cédéao. Dans un communiqué publié le samedi 20 juin, juste après celui de la mission, le rassemblement des organisations opposées au régime d’IBK ont annoncé avoir pris connaissance « avec surprise et étonnement », des solutions proposées. Selon le Mouvement, celles-ci ne tiennent aucunement compte, «de la source de tous les maux et de toutes les crises du Mali, à savoir la mauvaise gouvernance, la corruption et la violation des principes républicains et démocratiques dont le Président Ibrahim Boubacar Keita est le seul et unique responsable ».
Ainsi, le M5-RFP a rejeté, entre autres, l’organisation d’élections législatives partielles ou la mise en place d’un gouvernement d’union nationale comme proposées par la mission de la Cédéao. Il s’est engagé à poursuivre sa lutte jusqu’au bout, c'est-à-dire la chute du régime.
« Dans les circonstances actuelles, aucun gouvernement, même d’union nationale dont le M5-RFP n’est ni demandeur, ni preneur ne saurait résoudre les problèmes du Mali. Enfin le communiqué ne fait nullement cas de la nécessaire refondation dont le Mali a besoin, et qui constitue l’objectif ultime de la lutte enclenchée par le Peuple malien. Aussi le M5-RFP réitère sa demande de démission du Président Ibrahim Boubacar Keita et son régime. Le M5-RFP réaffirme sa détermination à mettre en œuvre tous les moyens légaux et légitimes pour l’atteinte de cet objectif qui seul peut aujourd’hui sauver le Mali ». Communiqué du M5-RFP
Le jeu d’équilibrisme de la Cédeao
La médiation de la Cédeao est donc mal engagée. Conduite par le ministre nigérien des Affaires étrangères, Kalla Ankourao ; ses homologues du Nigeria, Geoffrey Onyeama, et de la Côte d’ivoire, Ally Coulibally, ainsi que le président de la Commission, Jean-Claude Kassi Brou. Arrivée à Bamako le jeudi 18 juin après une brève escale à Niamey, où elle a reçu les instructions du président en exercice de la Cédéao, le chef de l’Etat Issoufou Mahamadou, la mission est restée dans la capitale malienne jusqu’au samedi 20 juin, au lendemain d’une nouvelle grande mobilisation du M5-RFP. Après avoir rencontré tous les principaux acteurs de la crise ainsi que les représentants des partenaires internationaux (UA, MINUSMA, UE, missions diplomatiques), la mission ministérielle a publié un communiqué dans lequel elle a émis ses propositions pour une sortie de crise. Après avoir noté « la convergence de vues de tous les acteurs maliens sur les nombreux défis auxquels le Mali est confronté, notamment le défi sécuritaire, sanitaire (Covid-19) et économique et la nécessité d’œuvrer, de toute urgence, à sortir le pays de la situation actuelle », la mission a rappelé qu’il est important d’éviter une autre crise qui engendrerait des complications additionnelles, tout en invitant « toutes les parties prenantes à privilégier le dialogue et la concertation comme mode de règlement des différends ».
Dans son communiqué, la délégation ministérielle de la Cédeao a rappelé « l’importance du respect des institutions de la République, fondement de la stabilité du pays ». Pour ce qui de la crise actuelle, elle a relevé que c’est l’Arrêt rendu par la Cour Constitutionnelle dans le cadre du contentieux des dernières élections législatives qui est à la base de la crispation socio –politique actuelle. C’est pourquoi, elle a invité donc le gouvernement malien à reconsidérer les résultats de toutes les circonscriptions ayant fait l’objet de révision par l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle, et a proposé l’organisation de nouvelles élections partielles pour les circonscriptions concernées. En outre, dans communiqué, la mission a insisté spécifiquement sur la nécessité d’œuvrer pour le rétablissement d’un climat de confiance renouvelée entre les parties maliennes ; d’éviter la violence comme moyen de règlement de crise et privilégier le dialogue ; ainsi que de « préserver les Institutions de la République afin de maintenir la stabilité du pays et d’éviter le chaos institutionnel aux conséquences imprévisibles et désastreuses pour la paix et la stabilité du Mali et de la sous-région ». Aussi, elle a proposé dans le même cadre, la mise en place d’un gouvernement consensuel d’union nationale tenant compte des recommandations du Dialogue National Inclusif ; l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ; la poursuite de la mise en œuvre des conclusions du Dialogue national et des reformes prévues concernant la Constitution et le Code électoral.
Des solutions qui n’ont visiblement pas convaincu au sein du M5-RFP qui a décidé de maintenir ses exigences, en particulier la démission du président IBK. Après avoir repris ses consultations samedi 20 juin dans son QG de l’hôtel Salam, la mission de la Cédéao a quitté la capitale malienne alors que les critiques fusaient au sein de l’opinion. Après sa réponse du samedi 20 juin, le M5-RFP a prévu une nouvelle sortie médiatique ce lundi 22 juin pour décider de la suite des évènements. La mission de la Cédéao va entre temps rendre compte au plus haut sommet et refiler la patate chaude aux chefs d’Etat, au premier rang desquels, le président Issoufou Mahamadou, le président en exercice de l’organisation qui va devoir continuer à jouer à l’équilibriste pour espérer sauver son ami et allié IBK, de plus en plus en mauvaise posture.
A.Y.B (actuniger.com)
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