Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a été arrêté par la police britannique
Depuis plusieurs mois, la rumeur d’une arrestation imminente bruissait dans l’entourage de Julian Assange. Elle s’est concrétisée jeudi 11 avril, lorsque des policiers britanniques ont appréhendé le fondateur de WikiLeaks dans l’enceinte de l’ambassade équatorienne de Londres, où il est réfugié depuis 2012. Selon les images de la scène, diffusées sur Twitter, Julian Assange, visiblement affaibli, est porté par six policiers et embarqué à bord d’un fourgon de police.
La police britannique a précisé que c’est l’ambassadeur d’Equateur lui-même qui a « invité » les policiers à entrer dans ses locaux. Lenin Moreno, le président équatorien, a expliqué dans le même temps que son pays avait retiré l’asile à Julian Assange, qui l’avait obtenu en 2012. M. Moreno a présenté cette décision comme « souveraine […] après les violations répétées des conventions internationales et des protocoles de cohabitation » avec Julian Assange au sein de l’ambassade. Une décision aussitôt dénoncée comme « illégale »par le compte Twitter de WikiLeaks. Le ministre de l’intérieur britannique a confirmé en fin de matinée que Julian Assange était actuellement en garde à vue.
Les Etats-Unis ont demandé son extradition
Scotland Yard a également annoncé que l’arrestation avait été motivée par une demande d’extradition émise par les Etats-Unis. Cette perspective est, depuis 2012, la crainte principale des proches de WikiLeaks.
Le site, spécialisé dans la publication de documents secrets, est dans le viseur de la justice américaine depuis 2010 et la publication de documents secrets émanant de l’armée américaine. Conspué sous l’administration Obama – notamment par Hillary Clinton, alors responsable de la diplomatie américaine –, il s’est attiré la sympathie du clan Trump lors de la campagne présidentielle de 2016, en publiant sur WikiLeaks les e-mails piratés de la campagne d’Hillary Clinton.
Donald Trump avait même déclaré, lors d’un meeting, « j’aime WikiLeaks ! ». Mais la mise en ligne l’année suivante de documents confidentiels de la CIA a refroidi le camp républicain, et a valu à Julian Assange des menaces de la part du patron de la CIA et du ministre de la justice américain, Jeff Sessions, lequel avait affirmé que son arrestation était une « priorité ».
L’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine accuse WikiLeaks d’avoir directement communiqué avec les espions russes responsables du vol et de la publication de documents confidentiels du Parti démocrate. Le Parti démocrate a lui-même porté plainte contre WikiLeaks pour la publication de ces documents, suscitant une vague de critiques dépassant largement le cadre des soutiens de WikiLeaks.
Outre d’éventuelles procédures lancées lors de la publication des premiers documents secrets de l’armée américaine, en 2010, c’est donc à deux fronts judiciaires que pourrait donc attendre Julian Assange s’il était extradé aux Etats-Unis. En novembre, des procureurs avaient révélé par erreur l’inculpation du patron de WikiLeaks aux Etats-Unis, mais les charges exactes n’avaient pas été dévoilées.
La perspective de son extradition aux Etats-Unis sur la base de ses travaux journalistiques de 2010 a fait réagir les organisations de défense de la liberté de la presse. Le lanceur d’alerte Edward Snowden a dénoncé un « jour sombre pour la liberté de la presse ». « Viser Assange en raison de la fourniture d’informations d’intérêt public à des journalistes serait une mesure strictement punitive et constituerait un dangereux précédent pour les journalistes, leurs sources et les lanceurs d’alerte », a réagi le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire.
Assange bientôt devant un juge britannique
La police britannique avait initialement annoncé que c’était une infraction plus mineure qui avait justifié l’arrestation du patron de WikiLeaks. En 2012, alors que le Royaume-Uni se penchait sur une éventuelle extradition vers la Suède, où M. Assange était réclamé dans le cadre d’une enquête pour viol et agression sexuelle, il avait obtenu l’asile du gouvernement équatorien et s’était réfugié dans son ambassade à Londres.
En procédant de la sorte, Julian Assange avait enfreint les conditions de sa liberté conditionnelle, ce qu’a rappelé la Metropolitan Police après l’arrestation. La police britannique avait depuis toujours dit être déterminée à l’arrêter sur cette base. Julian Assange devrait maintenant passer devant un juge britannique en raison de cette infraction, qui pourrait le condamner à une peine allant de la simple amende jusqu’à un an de prison.
Le Monde