Présidentielle au Sénégal : Abdoulaye Wade persiste dans sa stratégie incendiaire
Arrivé il y a une semaine dans la capitale sénégalaise, l’ancien président sénégalais a multiplié les rencontres avec des représentants de l’opposition. Mais mercredi soir, Abdoulaye Wade a réitéré ses appels à attaquer les bureaux de vote pour empêcher la tenue de la présidentielle.
La rumeur s’est répandue via un tweet de Bougane Guèye Dany, candidat du mouvement Gueum Sa Bopp, recalé à l’épreuve des parrainages et désormais soutien d’Idrissa Seck. « L’ancien président [Abdoulaye Wade] reconsidère sa position sur la présidentielle du 24 février », a-t-il écrit le 13 février, au sortir d’un entretien avec le « Pape du Sopi », dans un grand hôtel de Dakar.
« Le président Abdoulaye Wade s’est montré très réactif, très engagé. Quand nous sommes revenus sur son appel à boycotter l’élection, il m’a affirmé que c’était une vieille histoire et qu’il avait envisagé une autre option », confirmait Bougane Guèye Dany à Jeune Afrique dans l’après-midi.
Mais il n’en fut rien. Pendant la semaine qui a suivi son retour à Dakar, l’opposition s’est pressée autour d’Abdoulaye Wade. Le candidat Ousmane Sonko, l’entourage de Khalifa Sall ou encore des émissaires d’Idrissa Seck ont, tour à tour, rendu visite à l’ex-président sénégalais. Mais Abdoulaye Wade reste sur sa ligne, et refuse de donner des consignes de vote. Il l’a réaffirmé, mercredi soir, à l’occasion du comité directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition), devant plusieurs centaines de militants et de cadres du parti.
Propos incendiaires
« IL SUFFIT DE PRENDRE UN PEU D’ESSENCE POUR BRÛLER LA LISTE DES ÉLECTEURS. ET CE N’EST PAS UN DÉLIT »
C’est coiffé d’une chéchia rouge et accompagné de son carré de fidèles lieutenants qu’Abdoulaye Wade a traversé la haie de photographes rassemblés à l’hôtel Terrou Bi, accueilli par les « Gorgui ! » et « Sopi ! » scandés par les quelque trois cents militants présents. À la tribune, après quelques « leçons de grammaire et de mathématiques » dispensées devant une audience amusée, le patriarche de la politique sénégalaise a martelé son intention d’« empêcher pacifiquement cette élection, trafiquée par Macky Sall ».
Mais le pacifisme revendiqué fait long feu dans la bouche de l’ex-chef de l’État, qui réitère ses propos incendiaires de la semaine précédente, à sa descente de l’avion qui le ramenait à Dakar. « Nous décidons de nous attaquer aux bureaux de vote pour qu’il n’y ait pas d’élection. Il suffit de prendre un peu d’essence pour brûler la liste des électeurs. Et ce n’est pas un délit. Ce sont des bulletins de fraude, qui participent à un système de fraude. Ce sont les devoirs des citoyens de les détruire », a-t-il déclaré.
Gêne des militants et cadres
Si les propos d’Abdoulaye Wade ont été salués par des applaudissements dans la salle, acquise à Gorgui, de nombreux partisans reconnaissent être mal à l’aise face au jusqu’au boutisme du leader du PDS. En début de semaine, certains cadres confiaient même à Jeune Afrique – en « off » – leur décision de « prendre leurs responsabilités et d’aller voter malgré tout ». D’autres, enthousiastes à l’idée de voir l’opposition se « réveiller avec le retour du président Wade », voulaient encore croire à un retournement de la position d’Abdoulaye Wade, et espéraient une consigne de vote de sa part.
À la sortie du comité directeur du PDS, mercredi soir, l’un des militants résumait une amertume visiblement partagée dans les rangs du PDS : « Macky Sall sera le seul à bénéficier d’un boycott de l’élection. »
Jeune Afrique
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