États-Unis : l'avenir s'assombrit pour Donald Trump
Les ennuis s'accumulent pour Donald Trump. Le ministère de la Justice a nommé mercredi un procureur spécial pour garantir l'indépendance de l'enquête sur une éventuelle collusion entre des proches de Donald Trump et la Russie, un rebondissement dans cette affaire qui assombrit le mandat du président américain.
La semaine aura été terrible pour le milliardaire. Après avoir démis le patron du FBI, James Comey, de ses fonctions, ce qui a déclenché un premier concert de protestations, le républicain a reconnu avoir livré des renseignements à la Russie et avoir demandé plusieurs fois à Comey, quand celui-ci était en poste, d'abandonner les poursuites contre son ancien conseiller Michael Flynn. Des affaires embarrassantes qui ont beaucoup choqué outre-Atlantique, et que certains pensent susceptibles d'aboutir à une destitution du chef de l'État.
Ce jeudi, c'est l'enquête sur de possibles ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016, sans doute la plus grosse menace d'entre toutes pour Trump, qui se voit relancée. Le numéro 2 de la justice, Rod Rosenstein, a annoncé que Robert Mueller, très respecté directeur du FBI de 2001 à 2013, sous George W. Bush puis Barack Obama, était désigné procureur spécial dans cette affaire. Le ministre de la Justice, Jeff Sessions, proche du président, s'était récusé en mars dans ce dossier. La nomination vise à isoler les investigations du pouvoir politique en réduisant au minimum la supervision de ce ministère, qui exerce la tutelle du FBI et donc des agents qui enquêtent depuis l'été dernier dans cette affaire mêlant politique et espionnage.
Par ailleurs, Michael Flynn, l'ex-conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump, avait dit à l'équipe du président élu qu'il faisait l'objet d'une enquête fédérale, mais cela n'a pas empêché sa nomination, a rapporté mercredi soir le New York Times. Citant deux personnes proches du dossier, le quotidien assure que le général Flynn avait fait part de cette enquête le 4 janvier à Don McGahn, juriste en chef de l'équipe de transition présidentielle, bien avant d'être nommé à un poste très sensible.
« Un choix excellent »
Le milliardaire républicain, qui se plaignait encore le matin d'être maltraité par les médias, a réagi sèchement par voie de communiqué, sans mentionner Robert Mueller. « Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, une enquête complète confirmera ce que nous savons déjà : il n'y a eu aucune collusion entre mon équipe de campagne et une entité étrangère », a-t-il déclaré, ajoutant : « Je suis impatient que cette affaire se conclue rapidement. » La nomination représente un revers et une surprise pour la Maison-Blanche, pour qui l'enquête actuelle se suffisait à elle-même.
Dans un consensus rare, à l'inverse, élus républicains et démocrates ont applaudi la nomination de Robert Mueller. « Bob était un bon procureur fédéral, un grand directeur du FBI, et on ne pourrait pas trouver de meilleure personne pour assumer cette fonction », a déclaré la sénatrice démocrate Dianne Feinstein. « Mueller est un superbe choix. Un CV impeccable. Il sera largement accepté », a tweeté l'élu républicain Jason Chaffetz. « Un choix excellent », a abondé la sénatrice républicaine Susan Collins.
Concrètement, Robert Mueller devient le chef de l'enquête et sera beaucoup plus indépendant qu'un procureur normal ou que le patron du FBI. Il ne peut être démis que pour faute. Son périmètre d'investigations inclut « tout lien et/ou toute coordination entre le gouvernement russe et des individus associés à la campagne du président Donald Trump », mais aussi « tout sujet » découlant de ces investigations, ce qui lui donne de facto les coudées franches. C'est un magistrat équipé de pouvoirs similaires, Kenneth Starr, qui avait failli faire tomber le président Bill Clinton dans l'affaire Whitewater, devenue affaire Monica Lewinsky, dans les années 1990.
James Comey invité à s'expliquer
Les élus démocrates du Congrès ont crié victoire, bien que certains estiment qu'il ne s'agit que d'une première étape et réclament la création d'une commission spéciale sur la Russie, au mandat plus large que la stricte enquête policière. L'opposition réclamait unanimement la nomination d'un procureur spécial depuis le limogeage soudain du directeur du FBI James Comey, le 9 mai, soupçonnant une tentative d'entrave à la justice. Depuis cette éviction brutale, la presse a rapporté que Donald Trump aurait fait pression sur James Comey pour qu'il classe le volet de l'enquête concernant Michael Flynn, son éphémère conseiller à la sécurité nationale soupçonné de jeux troubles avec les Russes. Le policier aurait refusé, mais consigné cette conversation dans des notes qui ont commencé à fuiter dans les médias. James Comey a été invité à s'expliquer lors d'auditions publiques au Congrès, mais n'avait pas encore accepté mercredi soir. Le milliardaire a aussi admis dans une interview que le limogeage était lié à son exaspération vis-à-vis de l'enquête sur les ingérences russes.
Au Congrès, la majorité républicaine avait rejeté les appels à un procureur spécial, mais exprimait depuis des jours son malaise face aux interventions du président dans l'enquête. L'inquiétude a atteint les milieux d'affaires et Wall Street a terminé la journée de mercredi sur sa plus forte baisse depuis l'élection de novembre. Jeudi matin, les Bourses de Tokyo, Shanghai et Hong Kong ont ouvert en nette baisse, plombées par la chute du dollar découlant des déconvenues politiques du président Trump. Pour le chef d'État, le calendrier est particulièrement inopportun, car il doit s'envoler vendredi pour une tournée internationale de huit jours.
Le Point
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