Le Bénin dit non à un don français d’équipements médicaux usagés
Les autorités béninoises ont décidé de décliner un important don d’équipements médicaux qui leur a été offert par un partenaire français. Selon les explications du ministre de la santé publique du pays, le matériel objet du don est usagé ou vétuste, ce qui risque d’impacter la qualité des prestations sanitaires des centres de soin du pays. Un fait assez rare sur le continent...
Le fait est suffisamment inédit pour être souligné, surtout en Afrique où l'on a l'habitude de dire que la main qui demande n'a pas de prétexte pour dire non à celle qui donne. Le gouvernement du Bénin a refusé un important don français d'équipements médicaux en raison du fait qu'ils sont vétustes.
Le matériel était destiné au Centre hospitalier départemental et universitaire du Borgou et de l'Alibori de Parakou. Les autorités béninoises ont alors poliment, mais avec fermeté, décliné le don. Une décision motivée par le fait que les équipements médicaux en question « sont usagés ». C'est en tout cas ce qu'a expliqué le ministre béninois de la santé publique, Alassane Seidou, aux députés qui ont interpellé le gouvernement sur les raisons de ce refus. « Les équipements qui nous sont proposés par nos partenaires sont des équipements usagés d'un âge moyen se situant entre 10 et 15 ans », a fait savoir le ministre selon les propos rapportés par le quotidien local Nord-Sud. Estimant que le gouvernement a déjà prévu l'achat de tous ces matériels à l'Etat neuf dans le cadre du Programme d'Action du Gouvernement (PAG), Alassane Seidou a tenu à rassurer les parlementaires que l'Etat est en train de tout mettre en œuvre pour renforcer la qualité des prestations sanitaires publiques dans le pays, ce qui reste conditionné par celle des équipements.
« Le gouvernement n'a pas trouvé opportun d'accepter ce matériel qui pourrait entraîner des contre-performances au niveau du diagnostic ». Alassane Seidou, ministre de la santé publique du Bénin.
Partenariat nord-sud
Dans les faits et à la suite des informations obtenues par La Tribune Afrique, il s'avère que le ministre répondit à une interpellation d'une vingtaine de députés sur la situation des financements des besoins du Centre hospitalier universitaire des Départements du Borgou et de l'Alibori, dans le cadre de son partenariat avec le Centre Hospitalier Régional d'Orléans.
Les députés s'inquiétaient du retard pris dans la procédure de livraison du matériel, qui est en partie due au non décaissement par le gouvernement béninois, des moyens financiers nécessaires conformément aux termes de l'accord convenu entre les deux parties. A titre de rappel, c'est en décembre 2015 sous l'ancien président Yayi Boni, que le gouvernement béninois a donné son accord pour le financement des besoins en équipement médicaux du Centre hospitalier départemental du Borgou et de l'Alibori dans le cadre du partenariat qui le lie au Centre hospitalier régional d'Orléans.
En contrepartie, le Bénin devrait assumer certains aspects de la livraison du matériel notamment la construction des infrastructures nécessaires pour abriter les équipements ainsi que certains frais relatifs à l'envoi des containers, ce qui dans l'ensemble devrait induire une incidence financière de plusieurs centaines de millions de Fcfa. Les autorités d'alors ont décidé de faire supporter ces charges au budget de l'Etat pour la réalisation du projet mais d'après le contenu de la lettre d'interpellation du gouvernement des députés, « à ce jour, l'aboutissement de ce projet de partenariat peine à se concrétiser au détriment de la population ».
Face à ces inquiétudes, le ministre béninois de la santé publique a dressé, lors de la séance plénière du jeudi 27 avril dernier, l'état d'avancement du chantier qui devrait être livré au plus tard en juin prochain. C'est à cette occasion qu'il a expliqué les raison qui ont poussé le gouvernement à décliner les dons français. Le ministre Alassane Seidou a souligné par ailleurs que le gouvernement a choisit de commander de matériels neufs dont le processus d'acquisition est déjà en cours dans le cadre d'un programme d'équipement et de renforcement des formations sanitaires du pays.
"Orgueil national" ?
L'information a été largement bien accueillie au sein de l'opinion béninoise et même au-delà. Si certains rares commentaires ont mis en avant, « un excès d'orgueil national au vu des besoins pour les populations démunies », la plupart ont mis en avant le courage politique des autorités béninoises estimant que « l'Afrique ne devrait pas être la poubelle des pays développés ».
Ce n'est pas la première fois que des dons et autres aides à destination des pays africains font polémique notamment pour ce qui est des produits alimentaires fournies par certains organismes et qui s'avèrent par la suite périmés, mais c'est assez rare que même dans ce cas de figure, un gouvernement ose dire non !
Aboubacar Yacouba Barma
La Tribune Afrique
Commentaires